En tandem sur la route de la soie

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Une journée à vélo dans le Pamir

On nous demande régulièrement à quoi ressemble nos journées à vélo, on vous y a répondu avec une petite vidéo ! Voici donc un résumé de la journée du 8 septembre. Ce jour-là, on a notamment passé le col Ak Baital, le plus haut (4655m) de la Pamir Highway, et on est arrivés au lac Karakul, le plus haut lac navigable au monde (du moins, si les tadjiques ont fini par réussir à voler la médaille au lac Titicaca) ! 😀

Bon visionnage, on espère que ça vous plaira !

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Semaine hors du temps le long du lac Zorkul

Après Langar la route la plus courte rejoint la M41 en environ deux jours. Mais il est aussi possible de passer au travers d’une réserve naturelle le long du lac Zorkul. En fonction de la route et du vent cela prend 5 à 7 jours, on se prépare donc pour 8 jours d’autonomie pour avoir un peu de marge !
Cela veut dire que nous ne pourrons plus nous faire des salades pour le déjeuner puisque les produits frais pèseraient trop lourd pour cette durée (et de toutes façons on ne trouve presque rien ici !). Il faudra donc cuisiner aussi le midi ! Et il commence à faire assez froid, donc pour le matin on aimerait bien du thé et on va tester le porridge.
Premier besoin, il nous faut donc de l’essence en quantité. La réserve d’essence la plus proche se trouve dans le village d’avant. Langar c’est assez particulier, il y assez beaucoup de logements touristiques mais c’est le seul village où il n’y a pas d’eau potable ! L’eau courante est boueuse, donc pour boire et cuisiner il faut aussi s’approvisionner au village d’avant à 5 km !
Le propriétaire a donc une voiture qui fait l’aller retour tous les matins pour remplir ses bidons de réserve d’eau… On profite avec Vlad de ce transport pour remplir nos propres réserves, et j’achète 1 litre d’essence (dans une bouteille de Sprite).
A mon retour, je discute de nouveau avec le propriétaire de notre hostel afin de savoir s’il sait où trouver un pneu. Il n’en a pas la moindre idée, c’est une autre spécialité du coin, ils accueillent des tas de cyclistes tout le temps mais ils n’ont pas encore eu l’idée de se procurer des pièces détachées courantes pour leur vendre !
Cependant il est très gentil et il se renseigne pour nous, c’est un enfant qui lui dit que le magasin sur la route où je viens de passer vend des pneus.
Le sort s’acharne un peu sur nous et à peu près à cet instant notre roue arrière lâche un long soufflement. Je l’accompagne peu après, et c’est à pied que je repars nous trouver un pneu ! (Il s’avèrera que notre chambre est totalement usée, l’intérieur présente des tas de micro fissures de vieillesse, et c’est l’une d’elle qui est devenue trop grande.)
Miracle, la boutique en question est une espèce de caverne d’Ali Baba, et dans l’arrière boutique se trouvent bien des pneus ! J’achète le dernier du bon diamètre, seul défaut il est indiqué pour maximum 100kg, ce qui n’est pas idéal pour notre tandem…
Le lendemain nous sommes sensés commencer par des lacets dont une bonne partie est faite de sable. Effrayés par la perspective de pousser le tandem pendant des kilomètres, on engage un taxi afin de sauter cette portion ! Nos peurs étaient mal renseignées, la route est finalement de la piste normale, mais on est bien contents tout de même de s’être économisés un peu et nous retrouvons Vlad et Silvia en route. Certaines des photos de cet article sont d’eux, on les remercie beaucoup car ça nous fait des photos de nous en route !!
Que l’on se rassure, le sable sera bien de la partie, seulement un peu plus loin sur notre itinéraire 😉
Le soir au moment de planter la tente notre pneu recousu est déjà très abîmé (le fil est coupé par le passage sur les pierres), on en change donc par le pneu local en espérant qu’un pneu neuf, même sous dimensionné, nous tiendra pour quelques jours.

Nous poursuivons notre route (coucou le sable !) vers le camp militaire de Kargush, qui sert aussi de point d’entrée dans la réserve naturelle du Zorkul. Les cyclistes mal informés espèrent souvent y trouver un petit magasin, mais ce n’est réellement qu’un checkpoint, aucun ravitaillement possible !

La réserve nous réserve de très beaux paysages, pour notre première nuit nous campons le long de la rivière, sur l’autre rive on peut voir des chameaux afghans 🙂

Nous bivouaquons dans des conditions totalement hors de la réalité. Le silence est total et le ciel est parfaitement libre de toute pollution lumineuse. C’est indescriptible, la voie lactée est visible immédiatement après le coucher du soleil, et on voit plus d’étoiles que nous n’en avons jamais vue !

Après une seconde journée nous arrivons en vue du lac, il y a beaucoup de vent mais nous parvenons à nous abriter derrière une colline. Une bergerie se trouve proche, très rare présence humaine dans cet endroit isolé, probablement parce qu’une source émane ici. D’ailleurs on peut sentir la fumée de leur cheminée, ici on se chauffe avec les seul combustible disponible : la bouse séchée.

Notre route continue un peu en hauteur par rapport au lac, comme installation humaine nous ne croisons qu’une paire de maisons. En terme de trafic il nous arrive de croiser la route d’un 4×4, maximum une fois par jour ! La sensation d’être totalement isolés est quelques chose d’unique. Évidemment il n’y a absolument aucune couverture réseau, nous sommes donc déconnectés totalement. Cela n’est pas anodin, car depuis le début du voyage nous avons toujours très facilement obtenu des cartes SIM des pays que nous traversions, il nous arrive donc de ne pas avoir de connexion mais seulement sur quelques dizaines de kilomètres maximum, pas pendant plusieurs jours de suite !!

Au moment du déjeuner nous parvenons à l’extrémité du lac, où se trouve une base militaire. Celle ci est vide et abandonnée, j’y suis entré pour prendre quelques photos. A l’extérieur vous reconnaîtrez sûrement l’épave d’un char soviétique, avec son étoile rouge.

Après le déjeuner, en repartant, Vlad et Silvia sont un peu devant nous et là paf pchhhhhhh… On crève !! A force de rouler sur des cailloux ça devait arriver… Notre grosse crainte est que le pneu ait lâché mais non il est encore intègre, c’est bien la chambre qui a dû se pincer. Nos compagnons de route ne nous voient pas arrêtés et disparaissent derrière la colline suivante.

Nous réparons au plus vite pour ne pas les retarder trop, je gonfle la roue une fois de plus, mais à 4200m c’est un effort un peu trop intense alors on applique une promo sur le nombre de bars 😉
Lorsque nous repartons, après seulement quelques minutes nous voyons Vlad et Silvia pousser leurs vélos à travers la campagne, on est assez surpris mais il se trouve qu’on a emprunté sans faire attention une piste secondaire, tandis qu’ils ont scrupuleusement suivi la route principale qui partait dans la mauvaise direction ! Au moins leur erreur nous déculpabilise, ils n’auront pas perdu de temps à cause de nous 😉
Suite à cela, on décide qu’on ne passera pas le col ce jour là, mais de passer la nuit avant 🙂 Durant la fin de journée nous passons proche d’un camp de yourtes de nomades, ils ont un impressionnant troupeau de yaks qu’on a la chance de voir traverser devant nous !
Comme prévu nous dormons au pied du col, il n’y a pas d’eau courante ce soir car les rivières sont sèches, mais on avait prévu cette possibilité heureusement !
On reçoit quelques petits flocons et on aperçoit un gros nuage de neige à quelques kilomètres. La lumière du coucher du soleil fait briller l’herbe dorée et rend le tout irréel, c’est magnifique !

On a essayé de prendre des photos du ciel mais il ne nous semble pas possible de régler la distance focale manuellement sur notre appareil photo (!), donc ça ne rend pas très bien… On avait déjà eu ce souci lors de l’éclipse de lune en Iran.

Le matin nous commençons la journée par une côte, heureusement la pente n’est pas trop forte. Le col est à 4400m et nous fait passer dans une vallée somptueuse. Les montagnes noires brillent dans le soleil, les marmottes dodues s’enfuient sur notre passage et on passe des gués… un peu boueux !

Comme nous étions un peu en avance sur nos compagnons, nous nous installons auprès d’un groupe de terriers. Nous patientons tranquillement en espérant les voir ressortir de leur trou, et après quelques minutes nous commençons à voir leurs petites têtes apparaître ! C’est là une expérience assez incroyable, qui donnerait presque envie de devenir photographe animalier 😉

En sortant de cette vallée nous croisons une petite maison et une yourte totalement isolées, c’est la maison d’été d’un monsieur kirghize et de sa famille. Ils nous invitent pour le thé et nous offrent aussi pain, yaourt et crème ! Cette courte plongée dans la vie locale nous réjouit, c’est aussi la première fois qu’on rencontre une famille kirghize. Même si nous sommes officiellement au Tadjikistan, ici le président à la télé est bien celui du Kirghizstan 😉

De façon assez amusante, la maison est équipée d’un panneau solaire mais le seul appareil électrique de la maison est une télévision ! (il n’y a pas l’eau courante ce qui élimine les machines à laver et le frigo est simplement l’extérieur !).

En quittant sa maison nous voyons au loin la silhouette d’autres cyclistes ! Nous patientons quelques minutes et faisons la connaissance de Valérie et Pierre, un couple de français en vacances pour quelques semaines ici. Ils nous impressionnent beaucoup car pour un voyage court à vélo ce n’est vraiment pas la route la plus facile !
Nous faisons la route ensemble jusqu’au premier village depuis Langar, Jarty Gumbez. Il n’y a qu’une dizaine de maisons et pas de magasin mais le village est installé sur des sources chaudes…
Un bâtiment de bains très neuf destiné aux touristes se détache clairement, et c’est avec délectation que nous profitons de ses services 😀
Après tout ce temps sur la route, au froid, l’effet des bains chauds est radical sur nous tous ! On profite de cette pause à fond 🙂
Bien entendu il nous paraît absolument impossible de repartir, mais après quelques temps nous trouvons la force de nous remettre en selle !
Dans cette affaire, il apparaît que notre tandem est bien jaloux puisqu’après seulement un kilomètre Boum ! à plat de nouveau !!
Cette fois c’est le pneu, il est totalement déchiré après seulement 4 jours sur les pistes ! La meilleure solution nous semble être de faire demi-tour jusqu’au village, afin d’y chercher un transport. Si cela nous était arrivé dans un endroit plus isolé nous aurions certainement usé des talents de couturière de Stéphanie ou improvisé une solution…

Mais une fois de plus dans notre malheur nous avons plutôt de la chance, la solution est proche et facile à trouver ! Nous sommes très frustrés et tristes de ne pas pouvoir terminer cette boucle superbe et avec nos compagnons, mais c’est ainsi !

Le propriétaire des bains chauds est hyper gentil et nous propose de nous emmener le lendemain matin, nous pouvons passer la nuit dans la yourte et il ne nous fera payer que l’essence !

C’est donc en voiture que nous repartons vers Murgab, seulement notre chauffeur n’est pas un taxi officiel et doit donc éviter les checkpoints, ce qui nous impose de passer par les montagnes et pas par la route la plus directe. Notre trajet en 4×4 se transforme en véritable safari, nous passons par des pistes quasi inexistantes, et notre chauffeur qui est aussi guide s’arrête régulièrement afin d’épier aux jumelles la présence de moutons Marco Polo. Après de nombreuses tentatives infructueuses et après avoir traversé plusieurs vallées il finit par réussir à en dénicher et nous avons alors le rare privilège de pouvoir les voir dans les jumelles !!! Désolé, nous n’avons pas de photos… Ces moutons sont très sauvages et ne peuvent être vus que dans les jumelles. Par contre on a vu plusieurs crânes et cornes au bord de la route… Ils sont très lourds et cela laisse imagine la tailles des bestiaux, les photos de google vous prouveront que ce sont des monstres !
Nous arrivons à Murgab vers midi, en début d’après midi nous partons à la recherche d’un pneu au bazar mais nous n’en trouvons aucun de bonne qualité…
Heureusement un miracle va nous sauver, l’homme providentiel, Gabriel, arrive cette après midi même et il a… un pneu de rechange !!! Il l’avait emmené depuis Dushanbe en cas de problème, c’est un pneu de seconde main qui traînait dans la boîte des objets abandonnés de notre hostel !!
La surprise ne s’arrête pas là puisqu’il roule en compagnie de Daniel (rencontré en Ouzbékhistan) et qu’ils viennent de croiser un peu plus haut Vlad et Silvia !
C’est donc un joyeux groupe de sept cyclistes (avec Thomas, un autre allemand croisé à Langar) qui occupera la yourte du pamir hotel de Murgab ce soir là ! Nous profitons de ce retour à la civilisation pour fêter dignement mon anniversaire avec un peu de retard 🙂
En bonus, un petit aperçu de la musique locale, voici un clip qui passait à la télé dans le hall de notre hôtel à Murgab.
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Vues Afghanes

Désolé pour la longue période sans publication, au Tadjikistan après Dushanbe l’internet n’était pas assez rapide pour nous permettre d’éditer nos articles. Nous avons dû attendre d’être au Kirghizstan !

Au départ de Dushanbe il existe deux routes pour rejoindre la région du Pamir. Le Pamir désigne la chaîne de montagnes qui termine l’Himalaya à l’ouest. C’est plus ou moins un plateau à une altitude de plus de 3500m. La région à l’Est du Tadjikistan s’appelle officiellement GBAO, c’est à dire Gorno-Badakhshan Autonomous Oblast (Oblast en russe c’est une région administrative). Cette région regroupe toute la partie montagneuse et est plus ou moins “autonome”, cela représente 45% du territoire et… 3% de la population. On retrouve ici toutes les subtilités du découpage des régions qui date de l’URSS. Les ethnies ne correspondent pas forcément au découpage des frontières… Quelques exemples :

– Dans la ville de Boukhara en Ouzbékhistan la langue la plus parlée est le tadjik. La seconde est le russe et la troisième l’ouzbèke. En gros la région est historiquement un empire persan (les Samanides) et la langue tadjik est très proche du persan. Cette région est aujourd’hui encore la source de tensions entre le Tadjikistan et l’Ouzbékhistan. C’est en 1924 que le Tadjikistan est formé en tant que république soviétique propre, et à ce moment là hop, la région de Samarcande et Boukhara n’y a pas été rattachée (possiblement en représailles d’une révolte). Pour vous donner une idée des tensions actuelles, la frontière la plus proche de Samarcande que nous avons pu emprunter a réouvert en mars 2018… Les photos des présidents Tadjik et Ouzbèke se serrant la main qui la décorent sont donc d’un symbolisme conséquent.

– La région de l’est du Pamir n’aime pas beaucoup le président, les gens sont d’ethnie kirghize et n’hésitent pas à parler de la région comme étant kirghize. C’est plus ou moins subtil, par exemple la télévision chez les gens ne s’intéresse qu’aux diffusions kirghizes. Un homme de Murgab qui parlait bien anglais et curieux de notre voyage nous a même demandé dans quel pays nous allions après le Kirghizstan ! Et les chapeaux kirghizes y font leur apparition 🙂

Pour ceux qui aimeraient creuser le sujet, cet article wikipédia est instructif.

Revenons à nos moutons, et à nos deux routes pour quitter Dushanbe. La route du nord est plus courte mais pourtant moins fréquentée. Cela s’explique par son état de surface désastreux et son dénivelé très important. Les voitures et camions utilisent donc plutôt la route du sud, qui traverse la région du Kathlon, via les villes de Dangara et Kulob. Les cyclistes, avertis de ce qui les attend dans le Pamir préfèrent en général la route du sud, mais depuis l’attentat autour de Dangara (voir notre article précédent), cet itinéraire est moins emprunté.
La plupart des cyclistes que nous avons rencontrés ont donc emprunté la route nord, certains autres, dont nous mêmes, ont décidé de prendre un taxi pour sauter cette portion (surtout les jours suivant l’attentat). En pratique cela nous permettait aussi de sauter une portion de route difficile et de passer plus de temps dans l’est du pays, tout en arrivant à temps au Kirghizstan pour rejoindre Baptiste et Marion !

Nous nous rendons donc à la station de taxi consacrée à la direction du Pamir, nous arrivons par la petite entrée et c’est assez amusant, on dirait un immense garage pour 4×4 à ciel ouvert !
On explique qu’on souhaite se rendre à QalaiKumb, 4 ou 5 chauffeurs nous font des propositions et nous décidons de suivre l’un d’entre eux sur l’argument objectif qu’ils nous paraît plus sympathique que les autres 😀

Le chargement du vélo se passe bien, pas de démontage en deux parties nécessaire ! Le départ est programmé pour dans une vingtaine de minutes. On s’arme de pain, coca et d’eau pour un trajet qui peut être long. On parle de moins de 400km, mais en pratique ça peut prendre 8h…

Notre chauffeur ne trouve personne dans la gare qui aimerait se joindre à notre convoi, et on récupère donc deux enfants de son village qui patientaient avec nous, visiblement sans garantie de pouvoir monter si un client qui paye s’était montré (?). Ils s’installent à l’arrière dans l’espace restant à côté du vélo, nous partons, il est 11h40. Je précise que nous sommes assis tous les deux à l’avant, autant vous dire qu’on est un peu serrés, et au milieu on profite des coups de coude du chauffeur chaque fois qu’il passe une vitesse 🙂 On profite aussi de la musique locale, mais ça c’est partout dans la voiture !

Notre chauffeur effectuera plusieurs pauses plutôt amusantes. Lors de la première il négocie puis charge plus de 20kg de raisins, il a probablement l’intention de faire son commerce une fois arrivés, dans le Pamir on ne trouve pas beaucoup de produits frais ! Lors d’une seconde pause, il achète dix pastèques gigantesques. Pour charger le tout, il fait plus attention à notre vélo qu’aux enfants, et c’est nous qui les aidons à réorganiser l’espace afin qu’ils n’en aient pas de partout à leurs pieds ou sur les genoux…

Nous effectuons une pause déjeuner aux alentours de 15h dans un bouiboui de connaisseurs : il n’y a aucune indication que c’est un restaurant. Végétariens de l’Asie Centrale (trop risqué pour moi. Aussi Steph reste dégoûtée de la viande depuis la Turquie), nous demandons des lagman sans viande, et c’est très bon, même si la viande est simplement retirée de nos bols avec plus ou moins de talent. Les lagman, vous ne le savez pas encore mais vous connaissez peut être déjà, c’est une orthographe différente de “ramen”, c’est donc un bol de soupe avec des légumes et des pâtes allongées maison. Après Kulob, nous passons un col dont le sommet correspond au checkpoint d’entrée dans le GBAO. Après un contrôle de nos passeports et de nos permis spéciaux, nous entamons la descente. Le paysage est complètement différent de ce côté, et on aperçoit pour la première fois l’Afghanistan. En effet, à partir de maintenant et durant toute la durée de cet article, nous longeons la frontière entre le Tadjikistan et l’Afghanistan. Cette frontière est marquée par un fleuve, le Panj.


L’asphalte disparaît environ 20km avant QalaiKumb et notre chauffeur nous explique que la route est vraiment pourrie, comme ce que nous parcourons actuellement, jusqu’à Roshan, soit là où il habite. Nous arrivons à QalaiKumb à 19h30, et il fait déjà nuit. Notre chauffeur nous propose de pousser jusqu’à son village et de dormir chez lui (sans payer l’hébergement). Le vélo n’est pas prêt à rouler, il fait déjà nuit donc nous aurons du mal à trouver un emplacement où camper et cela veut dire que nous allons devoir payer un hôtel. On décide de continuer avec notre chauffeur en payant un peu plus (à peu près autant que ce que nous aurait couté de dormir à QalaiKumb). Quelques minutes plus tard nous nous arrêtons pour le dîner. Cette fois pour des végétariens c’est pas gagné… Kebab au menu, et c’est tout ! La cuisine est à cours de pain, heureusement qu’on en avait acheté avant de partir 🙂
On se contente donc d’une soupe aux légumes… avec le goût de viande évidemment !
Nous repartons, notre chauffeur nous indique que l’on peut s’assoupir, lui ne s’endormira pas. Sur une route normale on aurait du mal à le croire, mais vu sur quoi nous roulons, il est forcé d’être dans un état de concentration extrême et l’adrénaline doit le garder en pleine forme. Une heure plus tard nous sommes bloqués car deux camions se font face, et ne peuvent pas se croiser. Toutes les voitures sont bloquées en attendant. Là normalement vous vous dites qu’à force de manœuvres la situation va se débloquer, mais absolument pas. Il fait nuit noire, le bord de la route est un à pic qui plonge droit dans la rivière, et les camions sont munis d’une remorque, ce qui rend toute manœuvre fort délicate. Notre chauffeur entame une sieste (en écrasant de son siège les enfants à l’arrière), et nous attendons. Il s’écoule une heure complète avant que le camion aval n’abandonne et se range sur le côté afin de laisser passer le trafic de voitures. Nous repartons, mais pour notre voiture plutôt large, croiser les camions s’avère un peu coton. Notre chauffeur assure, il est très prudent depuis le début du trajet et on l’apprécie d’autant plus dans ce moment 🙂 On ne vous cache pas qu’il n’est pas facile de dormir dans une voiture qui tremble quand on est collés à deux sur un siège qui ne peut pas s’allonger car notre vélo est juste derrière. C’est vers minuit et demie que l’épuisement finira par agir et nous dormons tous les deux jusqu’à arriver… à 2h30 du matin.
Bilan, 600km, 15h de taxi. On rêverait presque d’une autoroute ;)Notre courte nuit chez le chauffeur est très agréable, nous dormons sous une tonnelle à l’extérieur. Leur quartier d’hiver est une maison traditionnelle du Pamir, la pièce principale comporte 5 colonnes et un plafond caractéristique. C’est un peu long à décrire mais vous pouvez voir les photos. Les colonnes portent les noms de personnages sacrés de la tradition Alévi, l’emplacement auprès de l’une d’elle est réservé au chef du village, il faut donc éviter de s’asseoir au hasard ;)Épisode amusant, Stéphanie souhaitant prendre une douche, une femme l’emmène dans la salle de bain, puis s’enferme avec elle. Elle la fixera durant toute la durée de sa toilette… Manque de pudeur ? Curiosité de voir si les Européennes sont faites pareilles ? On ne sait pas !

Le village où nous dormons est en réalité un peu avant Roshan (25km) et s’appelle Shitz. Nous prenons la route qui redevient rapidement de l’asphalte (miracle !). Juste après notre départ nous rencontrons Chris, un cyclo allemand. Nous nous retrouvons un peu plus loin lors de notre pause goûter du matin, et nous déjeunons avec lui une fois arrivées à Roshan. Nous trouvons un petit restau très bien qui nous sert un plov sans la viande et une assiette de frites, super ! Le plov c’est pareil, en fait vous connaissez : le mot ressemble beaucoup à pilaf. C’est un plat de riz ! Avec des carottes (des raisins secs en principe, mais en pratique il faut avoir de la chance) et un micro bout de viande si on est pas végétarien.

Un peu plus loin nous croisons un checkpoint, c’est celui qui se trouve au pied de la jonction avec la vallée de la Bartang. Cette vallée est la plus sauvage du coin, il n’y a presque aucun trafic, de nombreuses rivières qui peuvent être profondes à traverser, et la route est très mauvaise. Au checkpoint nous croisons notre premier groupe de motards. Ils sont 8 ou 10 en moto cross, et suivis par un pickup qui transporte leurs affaires.

Nous continuons la route et traversons quelques villages. On croise régulièrement des enfants très gentils ! On voit aussi des enfants… de l’autre côté de la rivière ! En effet la vallée est super étroite à ce niveau, et les villages Afghans alternent avec les villages Tadjik. Très peu de choses distinguent les deux côtés de la vallée et les images d’un pays en guerre sont bien loin ici… Les enfants Afghans comme les Tadjik nous font coucou, se baignent dans la rivière. On voit l’activité dans les champs de la même façon que de notre côté, et les hommes qui transportent le foin nous apparaissent de loin comme des bottes de foin qui marchent !

Le soir nous nous arrêtons dans une village et plantons la tente dans le jardin d’une dame adorable, elle nous a même fait une petite liste de vocabulaire Anglais – Tadjik – Pamirski.

Nous arrivons à Khorog autour de l’heure du déjeuner. Nous hésitons à nous arrêter pour la nuit, mais nous pouvons tout aussi bien faire un longue pause et repartir en milieu d’après midi. L’hôtel où les cyclos se retrouvent est plutôt éloigné du centre, ce qui ne nous arrange pas puisque nous avons quelques courses à faire. Nous décidons donc de ne pas dormir sur place, et nous dirigeons directement vers le centre. La première étape est le bazar, qui se trouve à l’entrée de la ville du côté où nous sommes. Nous faisons la connaissance de Christine et Bruno, deux cyclos partis avec un tandem muni d’un panneau solaire pour le suntrip. Malheureusement leur véhicule n’était pas assez stable et ils ont dû continuer avec deux vélos droits.

Il y a beaucoup de vélos dans cette ville, c’est vraiment le point de passage obligatoire ! Au bazar nous trouvons du fil de pêche (pour la couture de pneu, Steph est une experte !) ainsi que de la super glue. Pas de piles de bonne qualité en vue par contre… Nous passons à la banque pour échanger nos euros, mais c’est impossible car nous sommes un jour de week-end !

Direction le centre ville pour rendre visite au PECTA. C’est le centre d’information touristique de la région, mais plus important, ce sont eux qui délivrent les permis pour accéder à la réserve naturelle du lac Zorkul, par laquelle nous avons l’intention de passer. Les contrôles sont très légers, donc on choisit de payer pour deux jours chacun, même si ça risque de nous en prendre trois plutôt.

Nous nous installons sur la terrasse d’un restaurant qui donne sur la rivière, ils proposent une sorte de sandwich grillé dont, miracle, il existe une version végétarienne ! Évidemment c’est un peu chiche, mais on complète notre repas par une assiette de frites ainsi que… une crêpe !

En repartant nous visitons l’un des supermarchés de la ville où Stéphanie se rend pour faire des courses pour quelques jours. A priori on ne trouvera pas de magasin avant Ishkachim. En repartant nous nous engageons dans la vallée de la Wakhan.

La route qui s’appelle la Pamir Highway est la route principale, aussi appelée M41. C’est la route qu’emprunte les camions et la plupart du traffic. Il existe deux autres vallées (dont la Bartang croisée plus haut) qui traversent le Pamir, ainsi que quelques itinéraires bis. La vallée de la Wakhan est la plus au sud, elle longe le fleuve Panj et donc la frontière Afghane.

Si vous regardez une carte vous verrez qu’à ce niveau en Afghanistan commence un appendice étrange, c’est le corridor de la Wakhan. Ce bout de territoire très isolé dans les montagnes est le résultat d’un accord de 1865 entre les Britanniques et les Soviétiques qui avait pour objectif de mettre fin à la guerre diplomatique intense qui a eu lieu durant tout le 19e siècle en Asie centrale. Cette compétition est plus connue sous le nom de “Grand Jeu”, et son histoire est très bien racontée dans un livre que mon père m’a offert avant le départ et que je vous recommande chaudement ! Ce territoire allongé jusqu’à rejoindre la Chine sert donc de tampon entre deux empires qui ne pouvaient supporter de frontière commune !

En cette fin d’après midi, nous parcourons seulement quelques kilomètres avec un vent de face assez fort. La route est assez escarpée et les lieux de camping ne sont pas légion, nous nous arrêtons donc dans un village pour essayer de planter la tente dans un jardin. Le plus difficile dans ces cas là est de réussir à refuser l’hospitalité, que cela soit de dormir à l’intérieur ou bien de la nourriture. Les gens sont extrêmement généreux, et il faut savoir se montrer ferme ! Notre méthode consiste à insister pour planter la tente dans le jardin, et de commencer à cuisiner rapidement (quitte à se doucher une fois la nuit tombée). Avoir notre maison et notre dîner prêts permet de refuser plus facilement ce que nos hôtes souhaitent nous offrir ! D’autant plus que la vie dans le Pamir est rude et les gens ne sont pas très riches, on ne voudrait pas abuser !! En général on repart quand même avec quelques tomates, des pommes ou bien des mûres séchées. La spécialité du coin sont les amandes de noyaux d’abricot, mais celles ci sont toxiques à haute dose (cyanure) alors on limite notre consommation 😉

Lorsque nous repartons le lendemain matin le vent est heureusement retombé. Nous longeons la vallée étroite du Panj avec de jolies vues sur l’Afghanistan.

Sur la route nous croisons un groupe d’enfants et ados un peu méchants, du genre à bloquer la largeur de la route et à nous lancer des cailloux quand nous passons sans nous arrêter. Inutile de préciser que ce n’étaient que des garçons. Le plus étrange c’est qu’ils se baladaient à pied alors que le prochain village était à environ 10km.
Quand nous arrivons dans ce village il est l’heure pour nous de trouver un endroit où dormir, une dame nous propose un hôtel mais l’ambiance ne nous plaît pas trop, en plus le groupe de jeunes vient de se faire déposer par une voiture. On a absolument aucune envie de participer à la vue de leur village vu comment ils se sont montrés désagréables. C’est une motivation suffisante pour continuer notre route jusqu’au prochain village où nous pouvons nous installer dans le jardin d’une dame très gentille (on réussit à n’accepter qu’un délicieux demi pain ;)).

Le lendemain nous croisons sur notre route une source chaude que nous avions repérée sur la carte. Elle est gratuite et en plein air, mais l’eau n’est qu’à 25 ou 30°C, pas assez pour nous convaincre de piquer une tête !

Nous arrivons à Ishkachim le midi, la banque est donc fermée mais nous voulons encore changer nos euros ! L’activité avec l’Afghanistan existe un tout petit peu ici, puisqu’il y a un marché hebdomadaire transfrontalier. Il se tient sur une île au milieu du Panj, sur laquelle ne se trouve sinon qu’une base militaire. Il a lieu tous les samedis matins mais malheureusement nous ne sommes pas là le bon jour (et on apprendra plus tard que le samedi suivant il était exceptionnellement annulé).

Pour patienter nous nous installons dans un restaurant voisin, mais tout ce que nous parvenons à commander sont des assiettes de frites ! Ça nous convient même si elles ne sont pas excellentes… Nous croisons un second groupe de moto cross, qui déjeunent là aussi.

Une fois la banque ouverte, évidemment impossible de changer des euros mais on me renvoie vers une autre, Amonat. En route nous en trouvons une troisième, ils annoncent leur taux pour les euros, mais évidemment on me refuse le change. Je demande alors où se trouve la banque Amonat et ils me garantissent qu’il n’y en a pas à Ishkachim. C’est un peu un classique du coin, les gens ne savent pas ce qui se trouve dans la ville, même dans la rue à côté, mais ils sont prêts à vous jurer que c’est introuvable. En général il suffit de trouver un autre interlocuteur,  en l’occurrence une dame dans la rue qui m’emmène très gentiment jusqu’à la banque. Elle est vraiment cachée, mais, surprise, il y a un distributeur ! On me refuse encore le change (même des dollars…) mais je repars content car je peux ajouter la banque et son distributeur sur openstreetmap, ce qui rendra la vie plus facile des futurs touristes. On change quelques dollars avant de repartir enfin ! C’est un peu un autre classique du coin, ce qui devrait être facile et rapide prend beaucoup de temps, mais on est pas pressés 😉
Pour dormir ce soir là on se rend sur un spot de camping sauvage indiqué sur notre carte, il a été ajouté récemment sur OSM. C’est pas mal du tout à part qu’il y a beaucoup de moustiques :/
Un peu plus tard un motard arrive, Nikolas, nous prévient que deux autres personnes sont en route, puis repart. En réalité il est reparti voir deux cyclistes qui cherchaient aussi un endroit où camper un peu plus haut, super sympa de sa part ! Nous faisons alors là rencontre de Silvia et Vlad, un couple roumain. C’est assez drôle car on a déjà entendu parler d’eux via Gabriel, ils s’étaient croisés en Turquie, donc ils sont connus pour nous !!
En repartant le lendemain nous les précédons car en général nous sommes plus lents, cependant en raison d’une crevaison ils ne nous rattrapent qu’au moment du déjeuner. Après ce moment nous resterons ensemble pendant plus d’une semaine !
Nous dormons le soir dans le village de Yamchun, dans le verger d’une famille. La fille de la famille, qui doit avoir environ 12 ans parle très bien anglais ! Elle dit qu’elle apprend à l’école, mais nous sommes très impressionnés !
La route dans le Wakhan n’est pas de bonne qualité, l’asphalte disparaît quelques kilomètres après Ishkachim et laisse place à une piste difficile. En plus ils ont visiblement eu la drôle d’idée de recouvrir la terre avec des graviers, ce qui améliore certainement la situation pour les voitures, mais rend la route horrible pour les vélos. De même, les portions en sable ne gênent probablement pas tant que ça les 4×4, mais à vélo ils sont impassables !
Pour compenser, les paysages sont exceptionnels !
Par contre cela met nos pneus à rude épreuve et nous crevons, c’est malheureusement le pneu arrière qui est déchiré sur la bande de roulement, Stéphanie va nous recoudre tout ça ! C’est un travail difficile pour lequel elle est à présent devenue une experte, mais comme vous pourrez le voir ce n’est pas le pire cadre pour s’y atteler ; )
Nous arrivons à Langar le soir, mais nous avons bien conscience que nous ne pourrons pas continuer notre route sans un pneu de rechange… La couture, bien que savamment exécutée, ne durera pas longtemps sur ces routes !!
Dans le prochain article on vous raconte la suite, et comment on se prépare pour 8 jours d’autonomie dans la nature pour rejoindre Murgab !
Au jour le jour

Hommage

Notre voyage a été marqué par un événement tragique auquel nous désirons consacrer cet article. Nous avons préféré attendre avant de publier cet article pour ne pas inquiéter nos proches qui n’auraient pas vu la nouvelle.

Le 29 juillet sur la route sud entre le Pamir et Dushanbe, un groupe de 7 cyclistes a été attaqué par une voiture terroriste. Le conducteur a renversé 6 membres du groupe, puis les passagers de la voiture ont attaqué les cyclistes à coup de couteau.

Trois personnes sont mortes sur place, une quatrième sur la route de l’hôpital. Les deux autres ont survécus à leurs blessures, et enfin, le septième se trouvait un peu en arrière et a découvert la scène après l’acte. Ce dernier cycliste est un Français avec qui nous étions en contact via les groupes Whatsapp.

Nous consacrons cet article à la mémoire de ceux qui sont morts dans cette attaque dramatique :

Les compagnes de ces deux derniers ont survécu à leurs blessures, on leur souhaite de surmonter cette épreuve le plus rapidement possible…

La communauté des cyclos a honoré leur mémoire en accrochant un tissu, blanc si possible, sur le vélo… et bien entendu en continuant le voyage !

Nous avons été très touchés par cet acte qui a visé des personnes qui nous sont très proches même si nous ne les connaissions pas. Bien entendu, les attaques terroristes à Paris nous avaient marquées aussi. Mais cet acte très proche de nous et de notre façon de voyager nous a démontré que les terroristes s’attaquent au mode de vie occidental sous toutes ses formes, même si nous avions l’impression d’en être pour quelque temps assez détachés. D’autre part, le sentiment sécurisant d’être une personne parmi des millions lorsque nous étions à Paris n’est plus valable ici, puisque 500 à 1000 vélos traversent cette région chaque année.

Au jour le jour

Les cols des Fanns

Ca y est, nous sommes au Tadjikistan ! Avant de vous en dire plus, quelques mots de contexte. Dans la communauté des cyclovoyageurs, il existe quelques routes mythiques. Parmi elles, se détachent trois : la Carretera Australe (Chili), la Karakoram highway (plus haute route au monde entre le Pakistan et la Chine, peu empruntée en ce moment même si C&C l’ont prise) et la fameuse Pamir Highway (2ème plus haute route au monde) qui se trouve au Tadjikistan !
Rentrer dans ce pays n’est donc pas anodin pour toute personne qui a passé un peu de temps à lire sur des blogs de voyages à vélo ! On sait que nous attendent des paysages à couper le souffle qui seront atteints grâce à de difficiles coups de pédales sur des routes non asphaltées à plus de 4000m d’altitude.
Avant d’entrer dans le Pamir sur la fameuse M41, récit d’un début en douceur de la frontière Penjikent jusqu’à la capitale Dushanbe.

On part de Samarcande direction la frontière tadjike. On a fait notre demande de e-visa il y a 3 jours mais avec le week-end, notre dossier n’a pas été traité, on espère que la situation se débloquera dans la journée et au pire, on dormira juste avant la frontière.
Le paysage change déjà, tout est beaucoup plus vert : on retrouve avec surprise des fleuves non asséchés et des bas côtés avec de l’eau qui coule dedans !

On s’arrête faire quelques courses, on résiste aux énormes melons (aussi gros que les pastèques) qui nous font de l’œil. J’en profite pour prendre une photo des bouchers qui vendent du mouton, ce, afin de vous parler des… fesses des moutons d’Asie Centrale ! Comme vous pouvez le constater, les moutons ici ont un énorme bourrelet de peau derrière les fesses. Quand ils sont vivants, ça se balance à chaque pas, c’est assez rigolo. La version carcasse n’en est pas moins impressionnante…

Il est à peine midi et on n’est plus qu’à quelques kilomètres de la frontière, on va s’arrêter déjeuner puis on verra si on arrive à traverser dans l’aprem. On commence à déballer nos affaires, Claude jette un coup d’œil à ses mails et… son visa est prêt ! On vérifie, c’est aussi bon pour Gabriel et moi, tout a été validé il y a 10 minutes ! On remballe tout et on se dirige vers la frontière.
Côté ouzbèke, nos affaires passent aux rayons x (finalement, peut-être que notre drone aurait été bloqué à la sortie ?). Côté tadjike, nos visas sont à peine vérifiés, personne ne jette un coup d’œil à nos affaires. On tend nos passeports au garde à la sortie qui ne les regarde même pas et nous jette un “welcome to Tadjikistan !”, facile ! Un énorme panneau montre la photo des 2 présidents qui se serrent la main, cette frontière n’est ouverte que depuis mars alors qu’elle était fermée depuis des années (entre 8 et 15 ans selon les sources). Le nouveau président ouzbèke semble beaucoup plus ouvert que le précédent, il travaille beaucoup au développement du tourisme d’ailleurs.

La réouverture de cette frontière est très importante pour la vallée de Penjikent qui s’était retrouvée très isolée. On observe d’ailleurs que le commerce a repris, des hommes passent la frontière avec des chariots de melons ouzbèkes. Symboliquement, la vallée renoue aussi avec son passé de route de la soie.
A peine la frontière passée, on est frappés par le changement du paysage : le désert a laissé place aux montagnes !

Après notre pause dej, on s’arrête sur les conseils de Camille et Gaëtan, au site archéologique de Sarazm. On n’aura pas eu la chance d’avoir la visite par l’archéologue mais on est quand même impressionnés par les lieux : une ville était installée là il y a 6000 ans et était un (le plus?) gros centre exportateur de métallurgie de la région.

On s’arrête dans la ville de Penjikent où on s’installe dans une charmante auberge qui a ouvert quelques semaines plus tôt. Le propriétaire des lieux nous donne des conseils pour la rando que nous souhaitons faire.
C’est ainsi que le lendemain, nous abandonnons nos vélos pour partir pendant 3 jours avec Gabriel à l’assaut des cols des Fanns (les montagnes locales). A défaut de bon sac à dos de rando, Claude porte le sac rouge, Gabriel une grande sacoche avec l’accessoire sac à dos et moi le petit sac bleu. Ce n’est pas l’idéal mais ça fait l’affaire ! (nos épaules s’en rappelleront quelques jours tout de même 😉 )

On prend un taxi partagé depuis Penjikent jusqu’à la vallée d’Artush. En début d’aprem, on monte 700m le long d’un cours d’eau qui se transforme rapidement en cascade. Ça monte raide et ce parfois dans le sable et les graviers. On est impressionnés par les petits ânes qui dévalent les pentes chargés de bois ou de sacs. (certaines des photos à suivre sont de Gabriel, merci à lui pour le partage !)

Ils nous font parfois de la peine (et pas qu’un peu), certains maîtres n’hésitent pas à leur donner des coups de bâtons sur la tête, ils ont des blessures…. Nombreux d’entre eux ont aussi les naseaux fendus, ce serait pour faciliter leur respiration, cela ressemble surtout à de la mutilation…
On en verra beaucoup qui portent les affaires de groupes de touristes, on est bien contents de ne pas participer à leur exploitation.

En haut de la côte, nous attend une superbe vallée pleine de lacs. On plante la tente à côté de l’un d’entre eux et on refuse gentiment les invitations des tadjikes à venir visiteur leur magasin “piva (bière), vodka”. Le soleil se couche et on est ravis de sortir nos polaires, ça faisait tellement longtemps qu’on n’avait pas ressenti la sensation de froid ! Même moi en suis ravie ! On se réchauffe auprès d’un feu et on s’endort sous les étoiles. Ayant bu du thé pour prévenir le mal d’altitude (qu’on aura finalement pas ressenti), je me lève la nuit pour découvrir le ciel qui se reflète dans le lac. C’est magnifique !!

Le lendemain, on monte au Laudin pass, on est un peu plus essoufflés que d’habitude en haut mais finalement, on s’attendait à pire. Le paysage est très sec avec plein de nuances de jaunes, gris et rouges.

Quelques heures plus bas, on traverse un camp de vacances russe (point de base pour des sorties d’alpinisme et d’escalade) et une vallée très humide remplie de ruisseaux, c’est très beau !

On arrive au lac Alaudin où on pose la tente pour un 2nd bivouac. On y croisera une petite belette.

Le réveil avec le lever du soleil est superbe. On repart tôt pour l’ascension de l’Alaudin pass qui sera le point culminant de ces 3 jours (3850m). On sait qu’on a une grosse journée qui nous attend : 1100m de montée jusqu’au col puis 1800m de descente jusqu’au camp de base d’Artush.

En haut du col, on sort les manteaux pour se protéger du vent qui fait chuter la température. Les chargements des ânes sont resserrés avant d’attaquer la descente.

On déjeunera en face d’un glacier. On entend à plusieurs reprises des craquements et des gros bruits d’éboulements, probablement des avalanches.

On descend jusqu’au dernier lac, le grand lac de Kulikalon qui est lui aussi magnifique.

On commence à avoir bien mal aux jambes. Chaque arrêt est suivi d’une danse toute particulière que composent les premiers pas. 😉 Il faut bien le dire, avec nos 5 mois de vélo dans les pattes, on s’est sentis bien en forme et… on a un peu surévalué notre forme physique ! On a choisi l’option “grosse journée” mais avec le recul, on aurait s’arrêter dormir au lac et redescendre tranquillement le lendemain jusqu’à Artush en profitant plus du lac.

On poursuit donc bon gré mal gré la descente jusqu’à arriver au camp de base d’où on appelle un taxi. On est épuisés mais heureux !

Sur le chemin du retour, on passe devant la tombe de Rudaki, un célèbre poète persan. La conduite de notre chauffeur est un peu trop sportive à notre goût, surtout qu’il se rafraichit à coup de bière… On sera contents d’arriver sains et saufs à l’auberge ! Ce passage aura en tout cas quelque peu refroidi Gabriel qui, depuis, a troqué son chapeau contre son casque et ne quitte plus son gilet jaune !

On passe la journée du lendemain à se reposer les jambes à l’hôtel et s’occuper des habituelles lessives, mises à jour du blog préparation de l’itinéraire… On a aussi le plaisir de retrouver Mathieu et Sonia qu’on avait rencontrés à Mashad.

Le lendemain, ça y est, c’est parti, on se lance à vélo au Tadjikistan ! On croise plein de veaux, ça doit être la saison. Au fur et à mesure qu’on avance, on voit des taches de couleurs qui bougent dans les champs et qui viennent vers nous : ce sont des enfants qui courent nous saluer ! Ils semblent être habitués aux vélos (alors que la frontière n’a ouvert qu’il y a 5 mois ?!) puisqu’ils nous tendent tous la main pour qu’on leur fasse des “checks”. Il y a vraiment beaucoup d’enfants ici ! Les adultes ne sont pas en reste, dès qu’on passe dans un village, les “welcome to Tadjikistan” pleuvent !

En quelques kilomètres, la vallée se rétrécit et on se retrouve à longer un canyon au fond duquel coule une rivière grise chargée de terre et dont les bouillons sont assez terrifiants. C’est superbe ! On a aussi le plaisir de retrouver… les nuages ! Cela faisait longtemps qu’on n’en avait pas vu, c’est bête mais on se rend compte à quel point c’est beau ces taches blanches dans le ciel !

On voit aussi les premiers camions chinois, c’est normal puisque la Chine est le prochain pays à l’Est mais quand même, ça fait bizarre de se dire qu’on est aussi loin de l’Europe !

Le soir, on se fait accueillir par une famille de paysans, on dort au dessus de l’étable, la vue est superbe ! Une fois de plus, on est dépassés par la générosité des gens et on mange un excellent plov. On croisera furtivement les femmes le lendemain que l’on remerciera chaleureusement. On repartira même avec une crème hydratante russe ! Ils voulaient nous en donner une chacun quand ils ont vu que je me mettais de la crème solaire, on a réussi à en refuser 2 sur 3, c’est déjà ça…

On repart le matin, la vallée est encore très belle. Alors qu’on emplit nos gourdes, des journalistes locaux nous interpellent. Claude pense me refiler le bébé mais finalement, lui non plus n’échappe pas à l’interview ! 😉

La route est connue pour le fameux “tunnel de la mort”, Camille et Gaëtan nous en avaient parlé il y a un an et il alimente les conversation des groupes whatsapp de cyclo. Il fait 5km et n’a pas de système de ventilation et un éclairage limité… autrement dit, on préfère l’éviter ! On fait donc le choix de faire du stop alors que Gabriel souhaite le traverser à vélo. Comme il est précédé d’une grande côte bien raide, on fait du stop avant la côte ! 😉 Pendant la pause dej, on est rejoints par 4 copains (leur site : des rustines et des ailes), ils sont sponsorisés par Décathlon qui se met au voyage à vélo, c’est une bonne nouvelle, vous n’aurez plus ‘excuse de “les sacoches c’est un sacré investissement” pour vous y mettre ! 🙂 Sonia et Mathieu avaient passé du temps avec eux à Samarcande et nous en avaient parlé. Le monde des cyclo est petit !

A ce propos, depuis l’Ouzbékistan, il est devenu courant de croiser d’autres cyclistes. Nous sommes nombreux à faire la route Europe/Asie et la plupart d’entre nous visent l’été pour traverser les cols du Pamir. Avant et après l’Asie Centrale, les choix de routes sont nombreux, mais entre l’Ouzbékistan et le Kirghizstan, il n’y a plus qu’une seule route. De ce fait, nous y sommes très nombreux (surtout quand on ajoute toutes les personnes qui viennent en avion pour l’été) et les auberges sont maintenant remplies de vélo !
Nous nous refilons les bons plans via des groupes whatsapp, il y en a un anglophone et un francophone, ils comptent respectivement 97 et 58 personnes, ça donne une petite idée de l’activité de la région !

Après une longue pause dej, on essaie d’arrêter des camions . Finalement, c’est une voiture qui vient nous voir. On est arrivés à un stade où l’on ne se demande plus si le tandem va tenir dans la voiture et encore moins s’il faut le démonter, avec un peu de corde, ça tient toujours ! 😉

Quelques kilomètres plus loin, on dépasse Gabriel qui pousse son vélo tant la pente est raide,…
Un peu plus tard, on s’engouffre dans le fameux tunnel, l’air est saturé de gaz d’échappements, on ne voit pas loin tant il y a de la fumée… décidément, on ne regrette pas notre choix ! Nos chauffeurs nous déposent à la sortie en insistant pour nous offrir un melon et une pastèque ! Heureusement, il n’y a que de la descente qui nous attend !

C’est assez raide, on se félicite des disques qui refroidissent vite jusqu’à ce que… on perde le frein avant !! Chanceux, cela nous arrive dans une partie peu raide de la descente, on s’arrête facilement. Le liquide de frein s’est mis à bouillir ! On apprendra plus tard que le mécano de Téhéran ne nous a pas mis la bonne huile quand il a fait la purge, grrr…. Heureusement, plus de peur que de mal !
On s’arrête en bas de la partie raide de la pente, une femme nous fait signe de s’installer dans la cour. Elle nous offre un délicieux pain qu’elle fait elle-même ! On lui offre en retour pastèque et 3/4 de melon ! Le long de la rivière, semble se trouver une mine de charbon (les camions sont en tout cas nombreux à en transporter), des particules noires se collent partout en quelques instants. On réalise à quel point on a de la chance de ne pas habiter un tel endroit…

Le matin, pendant que je fais chauffer l’eau pour le thé, Claude guette Gabriel. Il a traversé le tunnel et arrive… tout noir lui aussi !!

On petit-déjeune et on reprend la route, 70kms de descente nous attendent pour arriver à Dushanbe. La rivière est cette fois bleu très clair, c’est beaucoup plus vert. On longe des complexes de vacances avec piscines et transats. La plupart semblent vides voire même abandonnés…

On s’arrête dans une station essence, Claude revient des toilettes en me disant qu’elles sont “bien”. Quand je les découvre, je me dis que nos standards ont bien baissé en quelques jours ! Depuis qu’on est en Asie Centrale, il n’y a plus d’eau courante en dehors des grosses villes. Les toilettes sont donc un trou entre des planches/du ciment. L’odeur y est évidemment nauséabonde… Quant à l’intimité, elle est parfois inexistante puisque plusieurs toilettes peuvent être les unes à côté des autres sans portes voire même sans séparation (mais pour l’instant, on n’a croisé personne, on croise les doigts !) On regrette clairement les toilettes à la turque iraniennes qui avaient toujours un petit jet d’eau !

A Dushanbe, on fait notre “GBAO”, le permis qui nous permet d’entrer au Pamir. Il ne nous coûte que 20 somoni (2€) alors que si on le faisait avec le visa, il coûtait 25$, quelle arnaque ! On reste un peu plus de temps que prévu, aujourd’hui (21) est férié, les magasins de vélo sont fermés et l’on souhaite vidanger nos freins avant d’attaquer le Pamir !

A bientôt !

 

Et une fois de plus, on a eu le plaisir de se rappeler de bons moments grâce aux vidéos de Gabriel :

 

 

On a finalement reçu la vidéo de notre interview, nous voici au milieu d’un long documentaire :