Semaine hors du temps le long du lac Zorkul

Au jour le jour

Semaine hors du temps le long du lac Zorkul

Après Langar la route la plus courte rejoint la M41 en environ deux jours. Mais il est aussi possible de passer au travers d’une réserve naturelle le long du lac Zorkul. En fonction de la route et du vent cela prend 5 à 7 jours, on se prépare donc pour 8 jours d’autonomie pour avoir un peu de marge !
Cela veut dire que nous ne pourrons plus nous faire des salades pour le déjeuner puisque les produits frais pèseraient trop lourd pour cette durée (et de toutes façons on ne trouve presque rien ici !). Il faudra donc cuisiner aussi le midi ! Et il commence à faire assez froid, donc pour le matin on aimerait bien du thé et on va tester le porridge.
Premier besoin, il nous faut donc de l’essence en quantité. La réserve d’essence la plus proche se trouve dans le village d’avant. Langar c’est assez particulier, il y assez beaucoup de logements touristiques mais c’est le seul village où il n’y a pas d’eau potable ! L’eau courante est boueuse, donc pour boire et cuisiner il faut aussi s’approvisionner au village d’avant à 5 km !
Le propriétaire a donc une voiture qui fait l’aller retour tous les matins pour remplir ses bidons de réserve d’eau… On profite avec Vlad de ce transport pour remplir nos propres réserves, et j’achète 1 litre d’essence (dans une bouteille de Sprite).
A mon retour, je discute de nouveau avec le propriétaire de notre hostel afin de savoir s’il sait où trouver un pneu. Il n’en a pas la moindre idée, c’est une autre spécialité du coin, ils accueillent des tas de cyclistes tout le temps mais ils n’ont pas encore eu l’idée de se procurer des pièces détachées courantes pour leur vendre !
Cependant il est très gentil et il se renseigne pour nous, c’est un enfant qui lui dit que le magasin sur la route où je viens de passer vend des pneus.
Le sort s’acharne un peu sur nous et à peu près à cet instant notre roue arrière lâche un long soufflement. Je l’accompagne peu après, et c’est à pied que je repars nous trouver un pneu ! (Il s’avèrera que notre chambre est totalement usée, l’intérieur présente des tas de micro fissures de vieillesse, et c’est l’une d’elle qui est devenue trop grande.)
Miracle, la boutique en question est une espèce de caverne d’Ali Baba, et dans l’arrière boutique se trouvent bien des pneus ! J’achète le dernier du bon diamètre, seul défaut il est indiqué pour maximum 100kg, ce qui n’est pas idéal pour notre tandem…
Le lendemain nous sommes sensés commencer par des lacets dont une bonne partie est faite de sable. Effrayés par la perspective de pousser le tandem pendant des kilomètres, on engage un taxi afin de sauter cette portion ! Nos peurs étaient mal renseignées, la route est finalement de la piste normale, mais on est bien contents tout de même de s’être économisés un peu et nous retrouvons Vlad et Silvia en route. Certaines des photos de cet article sont d’eux, on les remercie beaucoup car ça nous fait des photos de nous en route !!
Que l’on se rassure, le sable sera bien de la partie, seulement un peu plus loin sur notre itinéraire 😉
Le soir au moment de planter la tente notre pneu recousu est déjà très abîmé (le fil est coupé par le passage sur les pierres), on en change donc par le pneu local en espérant qu’un pneu neuf, même sous dimensionné, nous tiendra pour quelques jours.

Nous poursuivons notre route (coucou le sable !) vers le camp militaire de Kargush, qui sert aussi de point d’entrée dans la réserve naturelle du Zorkul. Les cyclistes mal informés espèrent souvent y trouver un petit magasin, mais ce n’est réellement qu’un checkpoint, aucun ravitaillement possible !

La réserve nous réserve de très beaux paysages, pour notre première nuit nous campons le long de la rivière, sur l’autre rive on peut voir des chameaux afghans 🙂

Nous bivouaquons dans des conditions totalement hors de la réalité. Le silence est total et le ciel est parfaitement libre de toute pollution lumineuse. C’est indescriptible, la voie lactée est visible immédiatement après le coucher du soleil, et on voit plus d’étoiles que nous n’en avons jamais vue !

Après une seconde journée nous arrivons en vue du lac, il y a beaucoup de vent mais nous parvenons à nous abriter derrière une colline. Une bergerie se trouve proche, très rare présence humaine dans cet endroit isolé, probablement parce qu’une source émane ici. D’ailleurs on peut sentir la fumée de leur cheminée, ici on se chauffe avec les seul combustible disponible : la bouse séchée.

Notre route continue un peu en hauteur par rapport au lac, comme installation humaine nous ne croisons qu’une paire de maisons. En terme de trafic il nous arrive de croiser la route d’un 4×4, maximum une fois par jour ! La sensation d’être totalement isolés est quelques chose d’unique. Évidemment il n’y a absolument aucune couverture réseau, nous sommes donc déconnectés totalement. Cela n’est pas anodin, car depuis le début du voyage nous avons toujours très facilement obtenu des cartes SIM des pays que nous traversions, il nous arrive donc de ne pas avoir de connexion mais seulement sur quelques dizaines de kilomètres maximum, pas pendant plusieurs jours de suite !!

Au moment du déjeuner nous parvenons à l’extrémité du lac, où se trouve une base militaire. Celle ci est vide et abandonnée, j’y suis entré pour prendre quelques photos. A l’extérieur vous reconnaîtrez sûrement l’épave d’un char soviétique, avec son étoile rouge.

Après le déjeuner, en repartant, Vlad et Silvia sont un peu devant nous et là paf pchhhhhhh… On crève !! A force de rouler sur des cailloux ça devait arriver… Notre grosse crainte est que le pneu ait lâché mais non il est encore intègre, c’est bien la chambre qui a dû se pincer. Nos compagnons de route ne nous voient pas arrêtés et disparaissent derrière la colline suivante.

Nous réparons au plus vite pour ne pas les retarder trop, je gonfle la roue une fois de plus, mais à 4200m c’est un effort un peu trop intense alors on applique une promo sur le nombre de bars 😉
Lorsque nous repartons, après seulement quelques minutes nous voyons Vlad et Silvia pousser leurs vélos à travers la campagne, on est assez surpris mais il se trouve qu’on a emprunté sans faire attention une piste secondaire, tandis qu’ils ont scrupuleusement suivi la route principale qui partait dans la mauvaise direction ! Au moins leur erreur nous déculpabilise, ils n’auront pas perdu de temps à cause de nous 😉
Suite à cela, on décide qu’on ne passera pas le col ce jour là, mais de passer la nuit avant 🙂 Durant la fin de journée nous passons proche d’un camp de yourtes de nomades, ils ont un impressionnant troupeau de yaks qu’on a la chance de voir traverser devant nous !
Comme prévu nous dormons au pied du col, il n’y a pas d’eau courante ce soir car les rivières sont sèches, mais on avait prévu cette possibilité heureusement !
On reçoit quelques petits flocons et on aperçoit un gros nuage de neige à quelques kilomètres. La lumière du coucher du soleil fait briller l’herbe dorée et rend le tout irréel, c’est magnifique !

On a essayé de prendre des photos du ciel mais il ne nous semble pas possible de régler la distance focale manuellement sur notre appareil photo (!), donc ça ne rend pas très bien… On avait déjà eu ce souci lors de l’éclipse de lune en Iran.

Le matin nous commençons la journée par une côte, heureusement la pente n’est pas trop forte. Le col est à 4400m et nous fait passer dans une vallée somptueuse. Les montagnes noires brillent dans le soleil, les marmottes dodues s’enfuient sur notre passage et on passe des gués… un peu boueux !

Comme nous étions un peu en avance sur nos compagnons, nous nous installons auprès d’un groupe de terriers. Nous patientons tranquillement en espérant les voir ressortir de leur trou, et après quelques minutes nous commençons à voir leurs petites têtes apparaître ! C’est là une expérience assez incroyable, qui donnerait presque envie de devenir photographe animalier 😉

En sortant de cette vallée nous croisons une petite maison et une yourte totalement isolées, c’est la maison d’été d’un monsieur kirghize et de sa famille. Ils nous invitent pour le thé et nous offrent aussi pain, yaourt et crème ! Cette courte plongée dans la vie locale nous réjouit, c’est aussi la première fois qu’on rencontre une famille kirghize. Même si nous sommes officiellement au Tadjikistan, ici le président à la télé est bien celui du Kirghizstan 😉

De façon assez amusante, la maison est équipée d’un panneau solaire mais le seul appareil électrique de la maison est une télévision ! (il n’y a pas l’eau courante ce qui élimine les machines à laver et le frigo est simplement l’extérieur !).

En quittant sa maison nous voyons au loin la silhouette d’autres cyclistes ! Nous patientons quelques minutes et faisons la connaissance de Valérie et Pierre, un couple de français en vacances pour quelques semaines ici. Ils nous impressionnent beaucoup car pour un voyage court à vélo ce n’est vraiment pas la route la plus facile !
Nous faisons la route ensemble jusqu’au premier village depuis Langar, Jarty Gumbez. Il n’y a qu’une dizaine de maisons et pas de magasin mais le village est installé sur des sources chaudes…
Un bâtiment de bains très neuf destiné aux touristes se détache clairement, et c’est avec délectation que nous profitons de ses services 😀
Après tout ce temps sur la route, au froid, l’effet des bains chauds est radical sur nous tous ! On profite de cette pause à fond 🙂
Bien entendu il nous paraît absolument impossible de repartir, mais après quelques temps nous trouvons la force de nous remettre en selle !
Dans cette affaire, il apparaît que notre tandem est bien jaloux puisqu’après seulement un kilomètre Boum ! à plat de nouveau !!
Cette fois c’est le pneu, il est totalement déchiré après seulement 4 jours sur les pistes ! La meilleure solution nous semble être de faire demi-tour jusqu’au village, afin d’y chercher un transport. Si cela nous était arrivé dans un endroit plus isolé nous aurions certainement usé des talents de couturière de Stéphanie ou improvisé une solution…

Mais une fois de plus dans notre malheur nous avons plutôt de la chance, la solution est proche et facile à trouver ! Nous sommes très frustrés et tristes de ne pas pouvoir terminer cette boucle superbe et avec nos compagnons, mais c’est ainsi !

Le propriétaire des bains chauds est hyper gentil et nous propose de nous emmener le lendemain matin, nous pouvons passer la nuit dans la yourte et il ne nous fera payer que l’essence !

C’est donc en voiture que nous repartons vers Murgab, seulement notre chauffeur n’est pas un taxi officiel et doit donc éviter les checkpoints, ce qui nous impose de passer par les montagnes et pas par la route la plus directe. Notre trajet en 4×4 se transforme en véritable safari, nous passons par des pistes quasi inexistantes, et notre chauffeur qui est aussi guide s’arrête régulièrement afin d’épier aux jumelles la présence de moutons Marco Polo. Après de nombreuses tentatives infructueuses et après avoir traversé plusieurs vallées il finit par réussir à en dénicher et nous avons alors le rare privilège de pouvoir les voir dans les jumelles !!! Désolé, nous n’avons pas de photos… Ces moutons sont très sauvages et ne peuvent être vus que dans les jumelles. Par contre on a vu plusieurs crânes et cornes au bord de la route… Ils sont très lourds et cela laisse imagine la tailles des bestiaux, les photos de google vous prouveront que ce sont des monstres !
Nous arrivons à Murgab vers midi, en début d’après midi nous partons à la recherche d’un pneu au bazar mais nous n’en trouvons aucun de bonne qualité…
Heureusement un miracle va nous sauver, l’homme providentiel, Gabriel, arrive cette après midi même et il a… un pneu de rechange !!! Il l’avait emmené depuis Dushanbe en cas de problème, c’est un pneu de seconde main qui traînait dans la boîte des objets abandonnés de notre hostel !!
La surprise ne s’arrête pas là puisqu’il roule en compagnie de Daniel (rencontré en Ouzbékhistan) et qu’ils viennent de croiser un peu plus haut Vlad et Silvia !
C’est donc un joyeux groupe de sept cyclistes (avec Thomas, un autre allemand croisé à Langar) qui occupera la yourte du pamir hotel de Murgab ce soir là ! Nous profitons de ce retour à la civilisation pour fêter dignement mon anniversaire avec un peu de retard 🙂
En bonus, un petit aperçu de la musique locale, voici un clip qui passait à la télé dans le hall de notre hôtel à Murgab.
7 COMMENTS
  • Ruven
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    On commence à ressentir un peu de fatigue. Heureusement pour nous sinon on allait vous classer parmi les dieux. Mais toujours avec le sourire. Vous êtes magnifiques, comme les paysages.

  • Christine
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    Je remarque que votre tandem s’humanise puisqu’il est capable de jalousie ! Il faudrait lui trouver un petit nom! 🙂 Sinon vous êtes vraiment dans des contrées d’un autre monde ! C’est fabuleux !

  • Pascal
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    J’imagine que ces grands espaces doivent vous faire vous sentir à la fois tous petits et très libres. En tous cas, quels paysages…

  • Gabriel
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    Jajaj! El hombre providencial….Suerte me va a hacer falta para cruzar esta parte de China con la policía pegada a mi cuño.. Jaja!

  • Sylvie
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    Quel voyage et expérience de vie !! Magnifiques paysages

  • Xavier
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    Pédaler pendant des jours à 4000m… Incroyable. Je vous envie pour la voie lactée !

  • Xavier
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    Attends mais le mouton de Marco Polo c’est la bête dans l’empire contre-attaque, celle qui attaque Luc dans la grotte !

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