De la Turquie à Tabriz

Au jour le jour

De la Turquie à Tabriz

La dernière fois que nous vous avons écrit nous étions en Turquie, proches de la frontière Iranienne. Une chose très surprenante, la route autour de la frontière est complètement différente entre le côté turc et le côté iranien. Côté turc cela commençait par une montée afin de changer de vallée, ce qui nous permettait de rejoindre un cours d’eau et d’entamer une descente de plus de 1000m d’altitude ! Et vu qu’on descend doucement le long d’une rivière, ca nous prendra toute la journée 🙂

Côté turc on est sur une grosse route dans des vallées plutôt larges, pas d’arbres en vue mais il y a de la végétation et le paysage est plutôt vert. Côté iranien, la route est bien plus étroite, la vallée aussi, et les montagnes alentour sont raides et rocheuses.

Les quelques photos du côté turc:

Le passage de la frontière lui-même mérite d’être mentionné. Un immense bâtiment nous fait face, englobant la totalité de cette route immense mais, surprise ! Il n’est pas du tout terminé, et pour atteindre la frontière, il faut emprunter un minuscule chemin défoncé où tous les véhicules qui traversent se croisent. Il y a énormément de monde à la frontière, et l’organisation n’est pas très simple à comprendre. Comme toujours, des gens hyper gentils nous aident à passer par les bons guichets. Pour la sortie de Turquie, pas de chance, à cette petite frontière le garde ne connait pas le papier qui accompagne nos cartes d’identité. Après consultation de son supérieur, il nous tamponne joyeusement nos passeports… (on voulait éviter pour ne pas avoir de trace de notre passage en Turquie, cela simplifie les demandes de visa pour la Chine, théoriquement ils tamponnent le papier).
Ensuite, il s’agit de passer la frontière avant de rencontrer les gardes iraniens. Stéphanie est dirigée vers un petit couloir, pendant que je passe par une grille avec le vélo chargé.

Bonne nouvelle, tous les véhicules qui passent par là doivent vider leur coffre, et les passager passent par le couloir avec leurs bagages. Mais pour nous, pas besoin ! C’est toujours bien d’éviter les fouilles, surtout qu’on a un drone et qu’on a pas très envie d’expliquer que si, si, c’est légal.

Je me retrouve donc de l’autre côté, mais je ne sais pas où est Stéphanie, et il faut que j’aille donner mon passeport. Je dois alors laisser le vélo et entrer dans le bâtiment. Un homme d’âge moyen et qui a l’air important m’aide, principalement en dispersant les gamins qui s’intéressent d’un peu trop près au vélo pour que je sois à l’aise pour le quitter. Il me conduit au guichet, donne mon passeport au garde, et voilà comment on double toute la file de turcs qui attendent leur tampon. Je ne m’en réjouis pas, car je ne vois pas Stéphanie dans cette queue, et je ne compte pas repartir tout seul ! Heureusement, et tant qu’étranger j’ai droit à un contrôle médical au guichet d’à côté, avec un médecin (?) qui parle bien anglais. Avant de signer je lui explique que ma femme est quelque part, et hop, il fait signe à Stéphanie qui me rejoint et double aussi la queue ! Il nous pose quelques questions (du genre, êtes vous malades, êtes vous allés dans tels pays…), on signe, et il est temps de confier le passeport de Stéphanie au garde. Je récupère le mien, et je retourne auprès du vélo. Mais contrairement à ce que je pensais, Stéphanie ne semble pas me suivre !! En réalité, le garde fera passer le restant de la queue avant de s’occuper de son passeport, donc au final, on culpabilise moins, on aura attendu aussi 🙂

Nous voilà arrivés en Iran. Notre première expérience consiste à changer le restant de nos lires turques en rials iraniens. Alors là vous n’avez pas fini d’en entendre parler, on n’y comprend absolument rien ! (Après une semaine on a enfin saisi toutes les subtilités.) Malins que nous sommes, et munis d’internet, afin de ne pas se faire avoir nous regardons le taux officiel sur xe.com. On nous montre un certain nombre de billets, on explique qu’on en veut deux de plus, et hop on repart millionaires (1.2M). Contents de notre échange, on rouvre le porte monnaie plus tard dans la journée, et on se rend compte que le petit billet bleu qu’on pensait être de la menue monnaie est un billet de… 1M. Autrement dit, on a 2.2M de rials. Celui qui arnaquera un changeur de monnaie n’est pas né, il y a un truc louche.

Le truc louche, le voilà : il y a un taux officiel, fixé par le gouvernement. C’est celui qu’on trouve par exemple sur xe.com. Et puis ensuite, il y a le taux dans la rue, et là c’est la catastrophe. Actuellement le taux du marché noir est proche du double (!!) du taux officiel. Cela veut dire que la situation économique est tellement instable que les gens sont prêts à payer un premium de presque 100% afin de transformer leurs économies en billets $ ou €… Et comme le taux officiel n’est offert qu’aux entreprises gouvernementales, cela veut aussi dire que tous les produits d’import sont désormais deux fois plus chers pour les iraniens… Imaginez un changement comme celui ci en France, tout ça en 3 mois.

Bref, revenons à notre route de montagne iranienne. En Iran les voitures contentes ne se contentent pas de klaxonner, les gens s’arrêtent carrément sur le bas côté et nous stoppent pour nous prendre en photo et nous donner plein de choses ! On y gagne des fruits frais, des concombres, encore plus de fruits frais du jardin etc… Et impossible de refuser !!!

La grande ville la plus proche est un peu trop éloignée pour s’y rendre en une seule journée, on décide d’essayer de camper plutôt. Les bons emplacements ne sont pas nombreux, mais comme toujours quelqu’un va nous aider spontanément. On s’arrête dans un petit magasin afin d’avoir de quoi accompagner nos concombres et nos fruits (!), et le vendeur nous demande où on compte dormir. Il nous propose de rester sur le toit à côté de sa boutique. Parfait !

Il fait extrêmement chaud même tard dans la soirée, on inverse donc nos habitudes en dinant avant d’être douchés, afin d’éviter de transpirer dans nos pyjamas. Plusieurs personnes qui s’arrêtent à la boutique viendront nous parler, tous très gentils et qui insistent pour nous aider. L’un d’eux veut même absolument nous payer une nuit d’hôtel à Khoy, non seulement on ne peut pas accepter, mais en plus c’est la grande ville qui est trop loin pour nous.

Le lendemain, plus de soleil, plus de rencontres, plus de cadeaux ! C’est une journée de grosse route, avec pas grand chose le long de celle ci. Et en plus ça monte pendant un bon moment :/

Pour le déjeuner on s’abrite dans un village minuscule, pour le plus grand plaisir des enfants !

Dans l’après midi nous faisons une pause près d’une gare, et un policier un peu zélé viendra contrôler plusieurs fois nos passeports, nos visas, etc. On pense qu’il s’ennuie beaucoup… Mais en repartant, un autre policier, qui arrête des voitures et qui nous avait vu passer dans l’autre sens nous donne des abricots ! On peut donc dire qu’en moyenne nos interactions avec les forces de l’ordre sont neutres 🙂

Après cette pause on entame une longue descente bien méritée vers la ville de Salmas. C’est notre première ville Iranienne de taille moyenne, on est donc curieux de ce qui nous attend ! Le traffic en ville en Iran est assez particulier, le meilleur résumé est probablement de dire que “tout est permis”. Cela donne lieu à quelques scènes cocasses, comme de voir un véhicule faire demi tour autour d’un panneau demi tour interdit, se trouver nez à nez avec des voitures qui roulent à contre sens, la priorité à droite n’existe pas, 1 cm d’espace vide autour d’un véhicule non plus.

On fait quelques courses en ville et comme il est bien tard, on décide de chercher un hôtel. Nous n’avons pas encore d’internet à ce moment là, et il n’y a rien d’enregistré sur osmand, donc on demande de l’aide à l’un des commerçants. Un des clients insiste pour nous emmener, on essaye d’obtenir de lui qu’il nous montre l’adresse sur la carte, mais malheureusement, ce n’est pas la première fois que ca nous arrive, il ne savent pas trop lire une carte et où l’hôtel s’y situe… On se retrouve donc à suivre une voiture obligée de rouler au pas devant nous, ce qui n’est conforable pour personne. En plus le calvaire durera longuement car l’hotel est tout à l’entrée de la ville ! Nous qui voulions acheter une carte sim ce soir là, c’est tant pis ! La prochaine fois nous finirons nos emplettes avant de demander de l’aide 🙂

Le lendemain est un vendredi, les magasins sont donc tous fermés, décidément la carte sim ca attendra 🙂 L’Iran est décalé de 1h30 par rapport à la Turquie, nous avons donc du mal à nous lever très tôt, c’est dommage car il fait extrêmement chaud en journée et nous aimerions bien partir au petit matin. Ce jour là nous suivons une grosse route, pas si fréquentée que ça mais assez désertique. Le village dans lequel nous comptions nous arrêter s’avère dépourvu de tout commerce, on fera donc notre pause sous la route (!) dans le lit de l’un des nombreux cours d’eau asséchés qui passent dessous. On est à l’ombre, et cela nous laisse le loisir de faire une sieste sans être dérangés.

 

Le soir, nous approchons de Tasuj, qui est une vraie ville, on est donc confiants pour le couchage ! Sur la route, encore une rencontre ! Nous faisons la connaissance de Mohammad. Il travaille à Téhéran mais la maison de ses parents se trouve ici. Il a beaucoup voyagé pour le travail et a souvent été hébergé spontanément, en particulier en Chine. Il tient à conseiller les touristes qu’il croise et dans notre cas, il nous propose de nous attendre à Tasuj pour discuter un peu. En arrivant à la ville, il est bien là et il nous informe qu’il n’y a pas d’hôtel ici, mais qu’on peut venir chez lui ! La générosité incroyable des iraniens n’a pas fini de nous surprendre, ce n’est que le début !

Sa famille habite dans un petit village au pied des montagnes magnifiques que nous avons observées toute la journée. Nous sommes ravis d’avoir l’occasion de nous en approcher ! Surtout que nous pouvons laisser le vélo dans un commerce de Tasuj, et qu’il nous emmène en voiture 🙂

Sur la route nous faisons un arrêt à l’un des jardins familiaux, il y a des centaines d’arbres d’une bonne dizaine de variétés ! Cerises, cerises acides, abricots, figues… Mohammad nous emmène ensuite dans leur village de Tupchi, où nous faisons la rencontre de sa femme et de sa soeur. Nous rencontrerons aussi son cousin, ses parents et sa tante qui viendra pour diner. La maison est magnifique, avec des grands volumes et entièrement recouverte de tapis. Le jardin est lui aussi riche d’arbres fruitiers qu’ils consomment au quotidien. Pour le diner nous découvrons avec joie le Ghormeh sabzi: viande cuite avec des herbes (persil poireau coriandre) et des pois chiches. La cuisine iranienne est beaucoup plus variée que la cuisine turque ! Les herbes et les légumes sont de retour, enfin !! Et même les kebabs sont meilleurs, la viande est marinée et est de meilleure qualité 🙂

Le lendemain nous continuons la route vers Tabriz, durant une partie de la journée nous longeons le lac d’Urmia, qui est presque asséché. Au moment du déjeuner nous nous arrêtons dans une ville qui fût une grande station balnéaire. Aujourd’hui, les plages sont devenues des déserts de sel, les arbres fruitiers meurent à cause du vent salin. Vous devinez pourquoi ? Parce que l’agriculture y puise trop d’eau et que le climat se réchauffe ! Vous pouvez voir sur wikipédia le gif suivant montrant l’évolution en 30 ans.

 

Pour la nuit nous ne parvenons pas à obtenir de planter notre tente dans des vergers, mais heureusement une ferronnerie (gardée toute la nuit !) nous ouvre généreusement ses portes ! Le gardien est extrêmement gentil, ils nous offre plein de choses (encore !) et nous partageons un thé avant de se coucher. Le petit jardin de la ferronnerie est charmant, tout le mobilier a été soudé sur place, il y des bancs qui se balancent, une grande tonnelle, un lit avec un toit (sous lequel nous poserons notre tente) et des balançoires. De nouveau, il y a des arbres fruitiers et un potager, et même un dindon de l’autre côté de la cour 🙂

Dernier jour de route pour Tabriz, avec une bonne partie de la journée sur une bonne grosse route pleine de camions 🙁 Malheureusement il n’existe aucune alternative, alors on prend notre mal en patience 🙂 Nous avons prévu de rester plusieurs jours à Tabriz, et grâce à Warmshowers nous avons trouvé une hôte. Pour la première nuit nous devons prendre un hôtel, mais nous pourrons retrouver Messi dès le lendemain midi !

Notre séjour à Tabriz est totalement sublimé par le fait d’être hébergés par Messi et Ali (et Nazani, leur fille de 9 ans), nous nous joignons à leur quotidien avec grand plaisir. Pour le premier déjeuner, nous rencontrons tous les étudiants du master d’anglais de Messi dans un restaurant du parc El Goli. Le soir, nous faisons un picnic en haut de la montagne la plus proche, le mont Eynali et le lendemain nous avons la chance de visiter ensemble les plus beaux endroits de Tabriz.

Je vous laisse avec quelques galeries de photos de Tabriz. Pour commencer, le bazar:

Les photos avec nos hôtes, le déjeuner, le picnic, et la visite de la ville. Ne manquez pas la mosquée bleue, magnifique !

Quelques photos avec Messi, Ali et Nazani, et d’un déjeuner typique : le abgoosh !

 

 

 

 

 

A très bientôt pour un autre post sur l’Iran, avec des photos encore plus belles !

 

 

 

14 COMMENTS
  • Anita
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    C’est encore mieux qu’un guide de voyage, quel plaisir de vous lire ! La réputation de gentillesse, sens de l’accueil et générosité des iraniens se confirme. Et quelle richesse architecturale. Bon voyage , profitez bien
    Bisous

    1. Stéphanie Couvreur
      Reply

      J’espère cependant que vous n’utiliserez pas nos récits comme guide de voyage, vous risqueriez de visiter des endroits incroyables comme toutes les stations essence turques 😉

  • Christine
    Reply

    C’est fabuleux! Ces rencontres, cet environnement digne des mille et une nuit! Fantastique! Vous vivez une sacrée expérience ! Goûtez chaque moment! En plus on en profite!!

    1. Stéphanie Couvreur
      Reply

      On goûte un peu trop les moments où un camion nous dépasse sur une piste sableuse mais à part ça, on se régale ! 😉

  • Flo
    Reply

    Des photos encore plus belles ? Je veux bien vous croire, mais ça risque quand même d’âtre compliqué ! Les couleurs de Tabriz…
    Merci de continuer à nous emmener avec vous en tout cas ! On vous suit avec toujours autant de plaisir ! (et Margot m’a demandé de rajouter qu’elle veut la même robe que Nazani)

    1. Stéphanie Couvreur
      Reply

      J’espère que les photos vous ont plu ! 😉 Pour la robe, on en a vu des magnifiques, photos dans le prochain article. 🙂

  • Élisabeth
    Reply

    C’est magnifique !! J’ai toujours adoré cette architecture. Je suis éblouie par tant de beauté ! Vous m’impressionnez dans toutes vos démarches vous semblez tellement à l aise. Bravo encore et surtout merci. Plein de bisous

    1. Stéphanie Couvreur
      Reply

      On en a pris plein les yeux !!

  • Nicolas
    Reply

    Wouaw wouaw wouaw… Mais comment vous allez pouvoir retrouver une vie normale après ça ??? Profitez et faites nous profiter encore !!! Merci !!!

    1. Stéphanie Couvreur
      Reply

      Bonne question, clairement, on va revenir plus que transformés ! 😉 Bises !

  • Johanna
    Reply

    Magnifiques photos et histoires, merci Stéph et Claude ! J’ai hâte de lire la deuxième partie sur l’Iran ! Gros gros bisous

  • Anne-Laure
    Reply

    Que de photos magnifiques!!! Effectivement, difficile de faire plus beau…j’attends avec impatience 😉 Même les poussins sont colorés??!! Mais ma préférée reste celle de la femme à la vaisselle et l’homme à la prière. Bonne route et chapeau pour toute cette pression subit aux frontieres. Bisous!

    1. Stéphanie Couvreur
      Reply

      L’avantage de lire les articles 3 par 3 est que l’attente ne sera que de courte durée ! 😉

    2. Stéphanie Couvreur
      Reply

      Pour les poussins, c’est assez fou oui, ils les peignent pour être plus “attractifs”… :/
      Et pour la photo, l’homme ne priait pas, il nous parlait 😉

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