En tandem sur la route de la soie

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Résidence Kirghize

Nous passons quelques jours à Osh avec l’espoir de trouver une remorque pour Côtelette et l’objectif de la faire pucer. Avant d’arriver à Osh, nous avions échangé avec le propriétaire de l’hostel (nous campons dans le jardin), pour nous assurer qu’il acceptait les animaux et pour lui parler de notre recherche de remorque vélo.

Il nous dit avec assurance qu’il connaît au moins deux magasins qui en vendent. Si vous n’avez pas assez voyagé dans la région, vous avez de fortes chances de vous réjouir, mais nous restons circonspects face à cette nouvelle. Nous nous rendons à l’adresse indiquée, et bien évidemment, il n’y a pas de remorque pour enfant… De retour à l’hostel on demande au propriétaire d’appeler ses autres adresses, on ne veut pas faire face à une nouvelle déception. Il nous envoie un message… bredouille !

Nous nous rendons à l’évidence, pour trouver une remorque, il va nous falloir nous rendre à la capitale !

Sur le front vétérinaire, notre avancée n’est pas plus fière. Stéphanie et Johanna se rendent chez un vétérinaire qui parle anglais et qui leur explique qu’ils ne font plus de puçage (sauf si on se procure la puce ?). Nous allons donc consulter nous oracles “agrovet” du bazar, et après une visite au temple “Agrovet Asia” Stéphanie ressort dépitée. Ils ont épluché tout le catalogue médical dédié au chiens, mais dans la région on s’y connaît plutôt en veaux, vaches et chevaux…

Même conclusion, pour acheter une puce, il faudra faire un saut de puce de 11h de taxi direction Bishkek.

 

Nous réservons donc un trajet pour le lendemain, départ 8h (la route est belle il vaut mieux la faire de jour !). On vous passe l’émoi du chauffeur face à la présence de Côtelette, on lui assure que “elle est entraînée cela ne posera aucun problème” et pas “c’est une chienne de rue qui déteste la voiture on ne sait pas si elle va supporter 12h de transport”. En réalité il espérait avoir un siège libre pour engranger plus d’argent, mais comme nous avions dit très clairement à l’hostel que nous voulions une voiture complète (pour pouvoir faire des pauses chien en cas de souci), ils finissent par trouver un arrangement. Tout ça se passe avant le départ, mais aussi sur la première heure et demie du trajet par téléphone… Heureusement on est habitués à ce que le prix change en route à présent, on sait se défendre :p

Nous arrivons à Bishkek vers 20h, et nous sommes accueillis superbement par les cyclos présents à la Friend’s guesthouse, le repaire local pour les vélos. Le lendemain (vendredi, seuls les séjours en ville sont capables de nous redonner un sens des jours de la semaine !) nous nous rendons dans une clinique vétérinaire où nous avons rendez-vous avec Jamila. Jamila est une jeune fille Kirghize qui vient de finir ses études en Angleterre. Elle parle donc un anglais parfait, et nous avons la chance d’avoir pu la rencontrer via sa cousine, elle-même amie du copain de Johanna. D’ailleurs, ses capacités anglophones associées à sa connaissance du russe seront sollicitées par d’autres personnes de la clinique vétérinaire, c’est un talent recherché !

Jamila nous aide à traduire tout ce que nous dit le personnel (adorable !) de la clinique, et à poser nos questions. Il faut dire que la situation en terme d’obligation vétérinaire pour franchir les frontières de chaque pays est plutôt complexe… Heureusement la complexité culmine pour l’entrée en Europe, ce qui nous laisse le temps de franchir les obstacles successivement 🙂 Notre objectif pour cette visite est de faire pucer Côtelette et d’obtenir un passeport international où figure les vaccinations. Aucun problème, notre chienne se transforme en cyborg sans difficulté, mais il est impossible de reporter les traitements qu’elle a reçus à Sary-Mogol sur son nouveau passeport. Ainsi, nous devons refaire un traitement anti-vers et les vaccins !

Nous apprenons au passage qu’il est dangereux de faire le traitement pour les vers en même temps que les vaccins car cela peut épuiser l’animal et le rendre très malade. Visiblement le véto de Sary-Mogol n’a pas pris la peine de nous prévenir et n’a pas l’habitude de prendre des précautions… Quand je pense qu’on s’étonnait qu’elle soit fatiguée les jours qui ont suivis… Elle aurait dû être léthargique mais marchait encore 20km sans difficulté ! Cela explique aussi que son premier jour en cage se soit bien passé en Chine, elle était encore sous le coup des traitements.

Ainsi, nous devrons revenir une semaine plus tard pour les vaccinations. Le problème, c’est que si nous devons attendre un délai de 30 jours après la vaccination, nous allons rester coincés en Kirghizie sacrément longtemps…

Pour remercier Jamila de son aide, nous allons tous déjeuner dans la meilleure pizzeria de Bishkek : Dolce Vita. Si on y réfléchit bien c’est certainement aussi la meilleure pizzeria du Kirghizistan, et probablement d’Asie Centrale… Nous profitons donc d’un déjeuner excellent, Jamila nous raconte des choses sur son pays et nous donne des bonnes adresses pour notre séjour à Bishkek qui vient de se rallonger d’au moins une semaine 🙂

Le lendemain, Johanna et moi nous rendons à Dordoy, c’est le plus grand marché d’import d’Asie Centrale et c’est… carrément impressionnant. Pour vous faire une idée, les allées du bazar sont formées par des containers côte à côte, empilés deux par deux. J’ai une photo d’une allée dont toutes les échoppes étaient fermées :

Maintenant que vous avez une bonne idée de ce à quoi ressemble une allée, il vous suffit d’imaginer la même chose sur une surface qui correspond en gros à une petite ville française, soit six ou sept mille containers… D’après la page wikipédia c’est comparable au grand bazar de Téhéran et au marché Chatuchak de Bangkok, pour ceux qui connaissent 😉 (Ce qui veut aussi dire que je peux désormais me vanter d’avoir visité le top 3 des marchés gargantuesques…).

Après une grande balade dans ce dédale et demandé plusieurs fois notre chemin, nous arrivons chez les marchands de vélos et accessoires. Nous trouvons même une boutique dédiée entièrement aux poussettes, dont le propriétaire connaît bien son métier et achève d’enterrer nos espoirs lorsque je lui montre ce que l’on cherche en photo “Nyet, only internet”. On avait bien sûr déjà pensé à cette option, mais la livraison au Kirghizistan n’est pas possible sur les sites qui offrent des remorques pour chien…

On enclenche alors le plan B, Stéphanie rédige un mail émouvant racontant l’histoire de Côtelette et l’envoie à tous les fabricants de remorque pour chien, en plus d’un appel à l’aide sur facebook. La force de l’internet est exceptionnelle et nous obtenons de nombreuses réponses, mais la plus exceptionnelle nous vient de Burley, qui souhaite nous soutenir en nous offrant une remorque ! Ils sont vraiment très attentionnés, vérifient la taille de la remorque par rapport à la taille de Côtelette, s’assurent que l’attache est compatible avec notre tandem, mais malheureusement ne peuvent pas livrer en Asie Centrale… Nous décidons d’accepter cette offre exceptionnelle (comment les remercier assez ??!) et de payer nous-même le transport jusqu’ici. Johanna se renseigne et DHL propose des prix intéressants depuis l’Allemagne (ils ont la chance de profiter du réseau DHL, notre colissimo est presque deux fois plus cher). La remorque arrive donc rapidement chez la mère de Johanna, qui s’occupe le jour même du renvoi vers Bishkek ! Merci encore ! Malheureusement, il y a une grande différence entre DHL Express et ce service, et le colis peut mettre plus de 15 jours à nous parvenir… Nous allons donc devoir rester encore quelques temps à Bishkek 🙂

Cela va malheureusement obliger Johanna à partir pus tôt que nous pour rejoindre Alex en Azerbaïdjan, et vu que nous restons seuls (et que ça fait déjà une semaine qu’on festoye tous les soirs avec les autres cyclos de notre hostel) nous décidons d’essayer de nous rendre utiles. A défaut de trouver un volontariat dans une ferme, grâce au groupe facebook “Expats in Bishkek” nous sommes invités par Stéphane dans sa guest house, en échange de quelques services, à définir.

Nous nous installons donc chez Ultimate Adventure, l’agence francophone implantée en Kirghizie depuis le plus longtemps ! Nous nous attaquons à un rafraîchissement général du site web en échange d’un hébergement exceptionnel ! La guest house est vide car la saison est terminée, mais nous restons avec le personnel sympathique que nous aidons par ci par là (finalement assez peu, le site web sera notre contribution principale). Le modèle de l’agence est assez intéressant car ils ont leur propre école de guide où ils forment les futurs guides… en français !

Au Kirghizistan, il y a deux langues officielles, le Kirghize et le Russe. Tout le monde dans le pays parle russe, mais dans la capitale c’est cette langue qui est utilisée quasi exclusivement. Il y a d’ailleurs une forte présence d’expatriés russes, contrairement au reste du pays où on a pu en voir seulement quelques uns, par exemple à Osh. De nombreux jeunes issus de parents kirghizes ne maitrisent pas la langue car ils ont été élevés en russe exclusivement, même si leurs parents parlent kirghize entre eux. Lors de leurs études, une grande proportion des étudiants choisi d’apprendre l’anglais, mais certains choisissent le français comme première langue étrangère. Nous avons eu la chance d’en rencontrer plusieurs, d’une part au sein de la faculté de français de l’université nationale, et une seconde fois lorsque nous sommes intervenus à l’Alliance Française (merci Morgane !). Nous avons présenté le voyage à vélo et discuté en français avec les personnes présentes, accompagnés par nos amis cyclos La Paire Peinard (un autre pino !) et Des Rustines et des Ailes.

L’école de guide d’Ultimate Adventure va donc chercher ses recrues parmi ces étudiants. La majorité d’entre eux sont d’ailleurs des étudiantes, et même si certaines sont motivées par le métier de guide et le deviennent, les traditions encore fortement présentes au Kirghizistan ne leur permettent pas de l’exercer longuement. En effet, dès qu’elles seront mariées, il est très probable (pour ne pas dire certain) que leur mari leur impose de se consacrer à leur foyer… Ainsi les rares femmes qui restent guides sont mariées à des étrangers ou célibataires… Ajoutez à cela qu’ici, si vous n’êtes pas mariée à 21 ans c’est qu'”il y a un problème”, et vous comprendrez que la durée d’activité des guide féminines de l’agence soit courte…

L’avantage d’être arrêtés dans une grande ville c’est qu’on ne manque pas d’activités !

Déjà, pendant la première semaine, nous avons profité de l’abondance des marchés et bazar de la ville en produits que nous n’avions pas vu depuis longtemps ! Des framboises à 1€20 le kilo, de la crème fraîche et du fromage, des légumes variés… et nous cuisinons tous ensemble à a guest house. Pour vous donner un exemple, nous avons fait une soirée crêpes 😀

Stéphanie est allée prendre quelques photos de Osh Bazaar, juste à côté de notre première guesthouse :

Nous participons aussi à un cours de cuisine où nous apprenons à faire les lagman véritables ! On a donc appris en particulier à étirer les pâtes à la main 😀 Je ne peux pas me retenir de glisser ici un aparté sur la Chine, en effet les lagman ont une origine disputée entre Ouïgours et Dungan, deux minorités musulmanes chinoises. Si vous avez lu nos articles précédents ou bien les journaux vous savez certainement déjà des choses sur les Ouïgours, mais qui sont les Dungan ? Ils sont aussi désignés comme Hui, et sont totalement indiscernables d’un point de vue racial des Han. Il suffit de deux clics depuis l’article wikipédia sur les lagman pour le trouver, mais je vous en recommande très vivement la lecture de cet article : Ethnic minorities in China, je l’ai trouvé absolument passionnant !

Pour terminer sur le plan culinaire, la ville regorge de restaurants internationaux, mention spéciale à notre Thaï préféré : Baan Baan.

J’aurais préféré ne pas évoquer ce plan #galère dans lequel nous sommes tombés, mais nous avons fait une sortie au parc Ala Archa dans les montagnes à proximité. C’est une vallée magnifique qui vaut vraiment le coup d’oeil, je vous laisse voir les photos… Il faisait extrêmement froid et nous avons dû écourter notre excursion…

Nous profitons avec Côtelette du grand parc de la ville, un endroit assez particulier… Les lacs qui servent de spot de plage l’été sont vides à cette période, les grandes allées sont presque vides (même un dimanche de grand beau temps on ne croise que quelques poussettes), une musique variée mais invariablement d’un goût douteux est diffusée dans la zone principale du parc. Heureusement le parc est assez grand pour trouver des coins de nature libres de toute construction, avec l’automne la forêt est magnifique et nous profitons du redoux venu en cette fin octobre.

La première fois que nous pique-niquons dans le parc, alors que nous n’avons croisé qu’une vingtaine de personnes en tout, un couple récemment installé à Bishkek et qui parle français nous aborde, ainsi qu’une dame Kirghize qui a vécu en France plusieurs années ! La francophonie a décidément un rayonnement exceptionnel 🙂

Shai et son fils Bekjantai nous invitent à dîner dès le lendemain, c’est pour eux l’occasion de pratiquer le français et pour nous la chance de passer du temps avec une famille Kirghize ! Nous passons une soirée superbe (il faut dire que nous sommes très bien reçus !) en leur compagnie, nous apprécions beaucoup le temps passé avec eux !

Nous avons aussi quelques projets d’excursion aux alentours (retourner à Ala Archa ??), mais les dénivelés sont un peu trop importants pour sortir à la journée à vélo malheureusement… Le transport en voiture est possible mais revient assez cher. Ces plans ne seront pas réalisés car Stéphanie vient de candidater à un poste et… a été sélectionnée pour l’entretien ! Elle a donc pas mal de travail de préparation, le poste lui plairait vraiment et elle bûche donc avec passion et rigueur… On croise les doigts !

Je vous laisse avec quelques photos de la ville et surtout… de Côtelette dont tout le monde veut des nouvelles ! Nous reprenons la route mardi, on attend encore la remorque mais on pourra passer la chercher en bus au pire en fin de semaine !

 

Au jour le jour

En trio au sud-est de la Turquie

Au fur et à mesure de notre progression vers l’Est nous approchions de plus en plus de ma cousine Julie. Julie travaille pour les Nations Unies et est basée à Erbil au Kurdistan Irakien depuis quelques années. Pour moi, Erbil et Mossoul étaient des villes très éloignées, mais à force de rouler, on arrivait bel et bien au Kurdistan 🙂 Retrouver Julie dans le sud-est de la Turquie était donc très facile ! Cependant les recommandations du ministère des affaires étrangères étaient d’éviter la zone, en particulier la frontière avec la Syrie. Après s’être renseignés auprès d’autres voyageurs récemment passés à vélo, nous décidons de donner rendez-vous à Julie à Gaziantep, et de suivre un itinéraire qui va plutôt vers le nord-est. Nous renonçons par exemple à visiter Mardin, que nous jugeons trop au sud. Julie va vous raconter cette semaine (elle prépare aussi un article en BD pour plus tard), mais elle a oublié de mentionner qu’avant de venir elle n’avait plus fait de vélo depuis… 15 ans ! Alors plus d’excuses pour venir partager la route avec nous 😉

Cet article est publié avec du retard et raconte la semaine du 9 au 16 juin.

 

« tandemonde » , on peut l’approcher de deux façons : ‘Tandem-monde’ synthétisant le projet de parcourir à vélo la route de la soie ou ‘tant-de-monde’, comme si les rencontres à venir promettent d’être si nombreuses, tant et tellement, presque trop.

C’est pleine d’élan que je suis partie retrouver Steph et Claude en Turquie. Les dates de séjour s’organisent avec flexibilité et je me prépare au départ en consultant le blog (je n’en aurai que rapidement parcouru quelques deux autres) (www.tandemonde.fr ne cesse d’évoluer, quel plaisir pour le visiteur du site). Seule question en tête : que dois-je mettre dans mon sac ? La consigne sera simple. Le moins sera le mieux. L’idée me réjouit.

C’est à Gaziantep que je retrouve Steph et Claude et me fonde ainsi à l’aventure tandemonde. Un vélo sera acheté auprès de vendeurs locaux, négocié en turc par Claude, et baptisé Pistache.

Durant les 10 jours partagés, nous avons relié Gaziantep à Diyarbakir (capitale du Kurdistan turc). Nous avons pédalé pendant plusieurs jours au travers de champs de pistachiers, partagé un petit bout de route avec un autre cycliste, puis été accueillis par une famille pour la nuit lorsque l’orage a éclaté. Nous avons découvert les mosaïques, visité les cités englouties par les eaux et les mausolées nichés sur les collines.

Je ne sais comment raconter le voyage à vélo. Les souvenirs sont nombreux certes ; les sensations souvent rappelées par certaines photo ou mots (Güle güle).

Quelle chance extraordinaire de pouvoir partager quelques jours de voyage avec mes cousins. Car il s’agit du voyage pur ; tel que le plus romantique d’entre nous le conçoit : la route, un moyen de locomotion fonctionnant par l’énergie que nous lui fournissons, le plaisir de l’effort et du repos, le bien-être qu’apporte la restauration après la journée d’effort ou l’eau fraiche du lac pour se laver. Je suis émerveillée par l’indépendance que Steph et Claude se sont créés via le matériel judicieux qu’ils transportent. Quel plaisir de comprendre l’utilité et le fonctionnement de chacun d’entre eux. Mes cousins auront été des plus généreux dans leur accueil. Partage de savoirs et connaissances, mais surtout d’une écoute attentionnée et bienveillante.

Aujourd’hui, le voyage se poursuit, par les lectures (saison brune de P. Squarzoni), les écoutes (podcast : série française « être féministe »), les photo, les dégustations (un énorme sachet de pistaches), et une sensibilité : aux autres et à l’environnement.

Je ne sais comment remercier Steph et Claude de m’avoir permise de me sentir part de l’aventure. Je souhaite que la route leur soit douce.

 

Voici une vidéo concoctée par Stéphanie de cette semaine ainsi que quelques galeries de photos :

Une galerie du musée de mosaïques de gaziantep :

Une galerie de Gaziantep :

Une grande galerie de photos sur la route :

Des photos de la famille de Mehmet qui nous a accueillis pour un soir !

Des images de notre excursion au Nemrut Dagi :

Au jour le jour

Changement de programme

Quand on a préparé ce voyage, notre idée initiale était d’aller jusqu’à Singapour. Les premiers jours, on s’était amusés à estimer la probabilité d’y arriver réellement, on l’avait établi à 3%. Autrement dit, on n’était déjà pas très sûrs de nous ! 😉 On espérait pouvoir faire le retour en bateau (cargo), on a depuis abandonné l’idée en route : soit le voyage est très cher (il faut compter 2000€ pour 3 semaines), soit… il n’y a pas d’alternative en fait, on a abandonné tout espoir de pouvoir se faire enrôler pour frotter la rouille ou nettoyer le pont.

Depuis quelques mois, on avait donc renoncé au fait d’aller rendre visite à nos copains émigrés à Singapour (un petit coucou au passage !) et on pensait faire un petit tour en Asie du Sud-Est puis revenir en Chine et prendre le transsibérien jusqu’en Europe.

Comme nous n’avons pas vraiment apprécié notre (court) séjour chinois, nous voici de retour au Kirghizstan. Après pas mal de remue-méninges, on s’est dit qu’on allait tout simplement… rentrer à vélo ! On était assez frustrés de ne pas avoir passé plus de temps au Kirghizstan, de ne pas être allés dans le Caucase, région tant vantée des touristes, on a adoré la Turquie et Claude n’est toujours pas allé à Istanbul… Bref, que de bonnes raisons pour faire demi-tour lentement !

Nous avons donc prévu après le Kirghizstan, d’aller au Kazakhstan (en trichant avec un train), traverser la mer Caspienne, arriver en Azerbaïdjan, passer du temps en Géorgie et Arménie, longer la mer noire en Turquie et revenir par l’Europe de l’Est (Eurovélo 6). Cet itinéraire a l’agréable particularité d’être très facile en terme de visa.

Mais comme on est un peu fous (en tout cas, c’est ce que vous avez l’air de penser ! 😉 ), on se rajoute un défi de taille : ramener Côtelette ! (en tout cas, on va tout faire pour) On est maintenant dans les casse-têtes de vaccinations, passeports pour chiens (pour l’instant le nôtre est en cyrillique… :/ ), micropuce, test d’anticorps anti-rabiques… Si d’ailleurs vous avez un plan pour avoir des papiers qui ont l’air un peu plus officiels/européens, on est preneurs !

Elle est vraiment adorable, elle est super contente à chaque fois qu’elle nous voit. Elle adore toujours autant le vélo et sait déjà marcher en laisse !

 

Après la frontière chinoise, nous avons donc fait demi-tour jusqu’à Sary-Tash. Nous testons la carriole avec le vélo de Johanna mais elle bouge dans tous les sens (pour les physiciens, on est devenus des pros de l’instabilité de la valise !), l’attache se casse… On essaie d’y mettre Côtelette mais elle s’enfuit dès qu’on la lâche. Finalement, on abandonnera la carriole à Sary-Tash : elle nous empêche d’aller vite et en l’état, il semble impossible que la chienne s’y habitue… On est ultra déçus, Claude avait fait un super boulot !!

Sur ce chemin, on passera aussi notre nuit la plus froide à 3500m, l’humidité doit jouer aussi dans ce ressenti. Le matin, tout est couvert de givre, la chienne a dormi sous l’auvent de la tente pour rester au chaud près de nous. 🙂 On part dans le brouillard, on ne pourra pas admirer les montagne cette fois !

On arrive à Sary-Tash après une petite journée où l’on retrouve Roberto. On essaie d’organiser la suite de notre voyage en trouvant une remorque à acheter à Osh ou à commander sur internet. Nos recherches ne sont pas très fructueuses, le manager de la guesthouse à Osh nous assure qu’il est possible d’en trouver sur place. Claude est sceptique mais on décide de lui faire confiance, faute de mieux.

La nuit, la neige tombe. On part le matin sous un paysage tout blanc. On monte un col via une route à… 8% ! Il faut dire que depuis qu’on est au Kirghizstan, on ne voit que des routes à 8%, peu importe qu’elles un peu ou très raides, cela devait être plus simple de ne produire qu’un panneau…

La descente est vertigineuse, on est contents d’être dans ce sens ! La pauvre Côtelette a un peu le mal des transports avec tous ces virages à l’avant du tandem, on y va doucement…

Ensuite, 70km de douce descente nous attendent, c’est royal ! La vallée est magnifique, les montagnes sont rouges, oranges, jaunes… on se régale !! A force de descendre, on retrouve même des arbres, ça faisait longtemps !

Un dernier col est prévu avant Osh. En regardant de plus près la carte, on réalise qu’il y a un chemin qui continue de longer la rivière. A la sortie du village où l’on déjeune, on a bien cru que Côtelette allait nous abandonner pour rester auprès d’une poubelle qui avait l’air fantastique pour ses yeux de chien errant. Elle finit par nous rattraper, ouf !

On quitte la route asphaltée et les camions de charbons pour retrouver une piste (le Pamir n’a pas réussi à nous en dégouter 😉 ). C’est très agréable, on ne regrette pas notre choix !

Les derniers kilomètre sont un peu moins plaisants : on est toujours sur de la piste mais des camions nous dépassent à toute blinde… On traverse d’épais nuages de poussière…

On bivouaque dans le jardin d’un monsieur adorable qui nous offre une de ses courges (il faut dire qu’il en a beaucoup !) et une pastèque, on se régale ! C’est par contre la première nuit avec Côtelette dans un village. Et qui dit village, dit chiens qui aboient… elle se joint malheureusement au cœur, on a encore un peu de travail d’éducation … :/

On arrive à Osh, on s’installe dans un petit restau au milieu d’un parc avec des manèges au look désuet, on redécouvre le plaisir d’un déjeuner au milieu accompagné d’une bière. Nos voisins ont d’ailleurs dû en abuser : ils sont complètement saouls en plein après-midi… On plante les tentes dans une charmante guesthouse, au programme de ces prochains jours : missions carrioles et véto pour la chienne !

A bientôt !

Au jour le jour

Cauchemar chinois

Une fois n’est pas coutume, les derniers jours n’ont pas été très agréables (et c’est peu dire), on est maintenant de retour au Kirghizstan donc pour ce.lles.eux qui s’inquiètent : tout va bien maintenant !

Mercredi dernier, nous avons fait nos adieux à Baptiste et Marion et nous sommes partis de Sary-Mogol avec Gabriel, Johanna et… la fameuse Côtelette qui avait son beau passeport tout neuf, précieux sésame qui devrait lui permettre de nous suivre. Pour être en règle, on avait demandé au véto d’antidater le vaccin contre la rage, on pensait qu’au pire elle ferait une semaine de quarantaine mais on avait même espoir qu’elle y échappe en passant par cette frontière terrestre (naïfs que nous étions !). Dans le pire des cas, on avait un plan B : si elle ne passe pas, on la met dans une voiture qui va dans l’autre sens pour la redéposer à Sary Tash là où l’on a trouvée. Ça nous fendait le cœur mais on se disait qu’on lui aurait au moins offert 10 beaux jours avec nous…

Tout ça, c’était le plan initial… mais les choses ne se sont pas passées comme prévu…

Depuis Sary-Mogol, nous avons pris direction plein est. Nous avons longé la chaîne de montagnes qui marque la frontière tadjique, c’était superbe ! Comme la chienne peine à nous suivre sur du plat sans vent, nous l’avons un peu “aidée” en la prenant à l’avant du tandem dans les descentes. Il n’empêche qu’elle nous impressionne par sa résistance, elle nous suit quoi qu’il arrive !

Le 2ème soir, nous avons dormi à quelques kilomètres de la frontière chinoise avec René et Thorven, 2 cyclistes allemands croisés sur la route. On a retrouvé la pluie qu’on n’avait pas vue depuis quasi 4 mois (à notre arrivée en Cappadoce en Turquie) ! Côtelette a bien compris qu’elle était avec nous, elle s’est mise à aboyer quand un berger s’est approché de notre campement ! Johanna lui a cousu un collier, on lui a fait une laisse avec une longe trouvée par terre, elle est prête ! Le matin, on prépare la traversée de la frontière, en pratique : on vide et cache nos bouteilles d’essence (à notre plus grande frustration d’écolos…), on démonte le vélo pour cacher les couteaux dedans, on se débrouille pour que nos téléphones ne soient pas opérationnels (Johanna démonte le sien et déconnecte la batterie, je fais planter le mien et Claude vide sa batterie)…

Pourquoi tout ça ? Il faut préciser qu’on ne traverse pas n’importe quelle frontière chinoise, on entre dans la province du Xinjiang, région la plus surveillée au monde… Le Xinjiang est historiquement habité par les Ouïghours, ethnie musulmane proche des ouzbèkes (et turcophone). La région est stratégique pour la Chine qui souhaite développer une “nouvelle route de la soie” (mille milliards de dollars d’investissements) qui a pour but de relier la Chine à l’Europe par la voie terrestre (on avait apprécié ce documentaire d’Arte sur le sujet).

La situation de la région est assez tendue : elle s’est faite envahir démographiquement avec l’arrivée de millions de Hans (ethnie majoritaire en Chine), un mouvement de résistance ouïghour s’est développé. Les années 2008-09 ont été marquées par plusieurs attentats meurtriers, la radicalisation islamiste progresse.

Depuis ces attentats, la Chine mène une politique ultra sécuritaire dans la région (la Chine dépense plus pour la sécurité dans cette région que les États-Unis pour l’ensemble du pays !). Des milliards sont notamment investis dans le numérique pour renforcer cette politique : caméras omniprésentes, reconnaissance faciale, utilisation du big data pour détecter les personnes “suspectes d’être dangereuses”, surveillance des téléphones… On était au courant de tout ça, on avait vu cette vidéo qui faisait déjà froid dans le dos. Cependant, le vivre fût encore une expérience différente…

On arrive donc le matin à la frontière tous les 5 (Johanna, Gabriel, nous 2 et Côtelette), on comprend rapidement que ça ne va pas être évident avec la chienne. Après une longue discussion (chacun doit appeler son responsable, qui lui même doit appeler un autre responsable…), on comprend qu’il est probable que la chienne doive rester non pas 7 jours mais… 30 jours en quarantaine. On refuse de lui infliger cela, 1 mois enfermée pour une chienne de rue, elle deviendrait folle… Évidemment, aucune info n’est sûre puisque la personne qui prend la décision est à 150km d’ici, dans le second poste frontière que l’on devra traverser.

A ce moment, nos interlocuteurs vont “téléphoner” et nous disent qu’on peut se reposer un peu. On comprend qu’est venu le temps de la fameuse pause du midi : 3h pendant lesquelles la frontière ferme ! On attend donc dehors et on mange les trois carottes qui nous restaient dans nos sacoches (il n’est pas autorisé de rentrer en Chine avec des produits frais et on pensait naïvement qu’on serait passés avant la pause midi…).

On commence à se dire qu’on va devoir se séparer de la chienne, les larmes commencent à couler… Après 3h d’attente, la frontière réouvre. Un peu plus tard, l’officier des douanes nous confirme qu’il ne peut rien nous confirmer (^^), son responsable est à Ulugqat, il pense que soit la chienne devra rester 30 jours en quarantaine, soit elle ne pourra pas rentrer en Chine, il ne pense pas que les 7 jours seulement de quarantaine seront possibles malgré ses papiers… mais il ne sait pas !

Cela nous semble trop risqué, on décide de la réenvoyer au Kirghizstan. Le sort joue contre nous, aucune voiture ne passe la frontière, seuls des camions passent et ils refusent catégoriquement de prendre la chienne. Nous sommes dans un couloir de grillages et barbelés. On voit une porte, si on la pousse bien, on peut y faire passer la chienne. Elle ne pourra pas revenir dans l’autre sens. De l’autre côté, se trouve la vallée et à 2 kilomètres, la ville de Nura. On fait confiance à Côtelette pour être assez intelligente pour retrouver son chemin. Clairement, depuis ce main, elle voit bien qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, elle est elle aussi toute triste et n’a plus aucune énergie. On la porte jusqu’au grillage et on la pousse de l’autre côté, en pleurs. On se dit qu’elle poursuivra sa vie de chienne errante qui suit des vélos…

On retrouve nos vélos et on commence à scanner nos bagages. A ce moment, on entend Gabriel : “la perra esta aqui”. Et en effet, on voit Côtelette à l’entrée du bâtiment qui, on ne sait comment, à réussir à tromper la vigilance chinoise pour nous retrouver ! Les autorités ne nous laissent pas le choix, la chienne ne peut rester là, on doit l’emmener jusqu’à Ulugqat. Raconté comme ça, cela paraît simple mais il faut imaginer qu’en pratique, pour chaque action, ça ne l’est pas du tout : un premier gars commence à nous dire qu’elle peut rester là, qu’il lui donnera à manger, puis un autre dit quelque chose d’autre, puis un autre dit qu’ils la piqueront, puis encore un autre qu’on n’a pas le choix, elle part avec nous… le tout dans un anglais catastrophique évidemment…

Suite au scan de nos affaires, se déroule une scène ubuesque “do you have cellphones ? computers ?” euh… vous ne les avez pas vus aux rayons x ?! On ne montre que notre appareil photo (chaque photo est regardée) et nos téléphones cassés. Gabriel se fait par contre installer le logiciel espion sur son téléphone. On nous demande d’ouvrir des sacoches prises au hasard, Gabriel montre deux fois la même sacoche sans que personne ne s’en rende compte pour éviter d’ouvrir la sacoche où se trouve son couteau (trop gros pour qu’il puisse le cacher dans le cadre du vélo).

Il faut maintenant rejoindre le second poste frontière, à 150km de là (on n’a toujours pas de tampon d’entrée dans notre passeport). Il est interdit de faire du vélo, un officiel nous amène à un camion (vide) qu’il réquisitionne dans lequel on charge nos vélos et où l’on s’apprête à embarquer. On lui demande où sont nos passeports qu’on n’a pas récupérés… il semble perdu. Je retourne avec lui au bâtiment, j’avais vu nos passeports dans les mains d’un gars, il est en fait chauffeur de taxi et a gardé nos passeports. Il refuse de nous les rendre (évidemment il veut qu’on monte dans son taxi pour qu’on le paie), ce qui est évidemment interdit, personne d’autre que nous ou quelqu’un du gouvernement n’a le droit de garder nos passeports. Le gars sympa (de la police quand même !) qui est avec moi insiste, le taxi refuse. On va finalement voir d’autres personnes (évidemment, je n’ai aucune idée de qui est qui) et conclusion : on doit finalement monter dans le taxi, le camion est devenu trop dangereux depuis que le taxi a nos passeports en main… On abandonne donc nos vélos et affaires pour aller dans le taxi. On négocie le prix alors qu’on se fait chasser par les autorités chinoises “everybody waits for you”, ça nous agace légèrement vu qu’on est arrivés ce matin et qu’il est déjà 19h (heure de Pékin)…

Nous voilà donc partis pour 2h de taxi avec une Côtelette terrorisée entre les jambes. On passe deux checkpoints et on arrive enfin au second poste frontière. Il est plus de 21h, c’est tout vide, ils rallument quelques postes pour nous, nos passeports sont (enfin) tamponnés. On a l’espoir que la chienne ne soit pas embêtée mais on est finalement convoqués dans un bureau. On montre le passeport de la chienne, ils sont incapables de le lire, ils me demandent même si c’est un passeport français alors que c’est écrit en cyrillique (cela laisse rêveur sur la connaissance du pays de l’autre côté de la frontière qu’ils surveillent…). Pour faire court, ils ne reconnaissent pas les papiers kirghizes du coup, la quarantaine n’est plus à l’ordre du jour, cette fois ils veulent piquer la chienne… (et comme d’hab, tout ça dure des heures et des heures)

Pour couronner le tout, à 1h du mat, on n’a toujours aucune nouvelles de nos vélos. Heureusement, Claude avait noté la plaque d’immatriculation du camion. On n’en peut plus… on demande un téléphone pour appeler nos ambassades ce qui nous est refusé, on est vraiment sous le choc de voir nos droits bafoués de la sorte…

Ils finissent par accepter de nous aider pour nos bagages en insistant qu’ils le font parce qu’ils sont “sympas”… (alors qu’on n’a eu aucun choix sur où mettre nos bagages et que nous avions de notre côté insisté pour rester avec les vélos !). Gabriel et Claude partent à la recherche du camion perdu, il était en fait bloqué aux douanes des camions qui étaient fermées pour la nuit ! Ils font sauter les scellés et récupèrent nos affaires, ouf ! Tout est re-passé au scanner, cette fois ils sont un peu meilleurs et repèrent le couteau de Gabriel qui doit s’en séparer… Ils nous demandent cette fois si on a de la nourriture ou des cartes. Des cartes ?! On a lu un blog où un cyclo passait la frontière avec une carte où Taïwan était d’une couleur différente de la Chine, sa carte a été… découpée !! Ça date un peu mais on se dit que c’est peut être toujours la même chose s’ils demandent à voir nos cartes ?

La frontière est fermée les 3 jours qui suivent (week-end puis fête nationale le lundi), on négocie donc pour que la chienne soit gardée pendant ces 3 jours, on la ramènera au Kirghizstan dès que la frontière réouvrira. On l’amène donc dans un grand bâtiment, une grande cage est assemblée et mise dehors. On est rassurés, on craignait pire…

On est escortés par la police jusqu’à un des rares hôtels qui acceptent les étrangers (évidemment, hors de question de faire du camping). On rentre dans une cour fermée par barbelés et barrière anti-émeute, on est accueillis par une femme et un homme tous deux munis de casques et gilets pare-balles. Ils veulent re-re-passer toutes nos affaires aux rayons x, il est 3h du mat, on est épuisés, on proteste. Les policiers qui nous accompagnent leur expliquent la situation (nos affaires viennent d’être vérifiées plusieurs fois) et on échappe cette fois au rayons X. Après cette journée éprouvante, on s’affale dans nos lits et on s’endort vite.

De manière générale, on a pris peu de photos, et seulement avec nos téléphones. Elles sont biaisées, vous n’y verrez quasi aucun policier ni voiture de police puisqu’on ne voulait pas qu’ils nous voient en train de prendre des photos, la réalité est donc pire que les images !

Pour rester positifs, on vous propose un petit jeu : repérer sur chaque photo au moins un dispositif relié à la sécurité ! La réponse est sur la photo suivante !

Pour commencer, une photo facile : l’entrée de la cour de notre hôtel :

Voici une photo avec le personnel de l’hôtel, exceptionnellement le gars à droite n’avait pas son casque. La nuit, la gérante à gauche ne quitte jamais non plus casque et gilet pare-balles…

Le lendemain, commence le casse-tête de “que fait-on ?”. Dans tous les cas, on ne veut pas laisser la chienne se faire piquer, il faut donc qu’au moins une personne la ramène au Kirghizstan, quitte à l’y abandonner. On élabore mille scénarios, c’est dur pour les nerfs… Pour ma part, j’ai été tellement choquée par notre traitement par les autorités chinoises que je n’ai aucune envie de rester dans le pays. D’un autre côté, on a imaginé ce voyage pour aller jusqu’en Asie du Sud Est. Comme on n’a plus envie de prendre l’avion, on sait qu’on n’aura plus beaucoup d’occasions d’y aller dans nos vies. Y renoncer est difficile…

On va au centre ville pour déjeuner et faire quelques courses. Sur le chemin, on commence à réaliser ce qu’est cette surveillance policière : on compte 100 caméras en 4km (dont 2km de vide) !! Une fois dans le centre ville, on n’arrive plus à les compter tellement il y en a partout.

Dans le petit resto où l’on s’arrête (et où l’on redécouvre de la bonne nourriture !), des policiers entrent, viennent jusqu’au fond du resto (on se demande s’ils n’ont pas bipé un dispositif à l’intérieur), collent une affiche avec un qr code sur la vitrine.

Des voitures blindées sont dans la ville, il y a des postes de police à chaque coin de rue (littéralement), casques et gilets pare balles sont de rigueur à l’entrée des magasins… On rentre dans un supermarché, on doit scanner notre passeport, une caméra avec reconnaissance faciale nous filme. Deux jours plus tard, on voudra retourner dans ce magasin, on nous demandera de laisser nos passeports à l’entrée, ce qu’on refuse, tant pis pour les courses…

Une voiture de police nous suit “discrètement”, on s’amuse à faire des virages et entrer sur un parking. Claude leur fait coucou et je me décide finalement à leur demander de l’aide, ils semblent affolés, leur filature a été repérée ! Ils acceptent finalement de nous amener au magasin de vélo que nous cherchions, cette fois, c’est nous qui les suivons !

Tout ce déballage de sécurité est la preuve qu’il y a bien un problème dans cette région : si c’était justifié, jamais les touristes ne seraient autorisés. Il serait dangereux de mettre un pied dehors… ce qui n’est clairement pas le cas ici…

On passe voir (et nourrir la chienne) puis on rentre à l’hôtel (après un passage de nos bagages aux rayons X et nous aux détecteurs de métaux évidemment). Le moral est (très) bas : on ne sait toujours pas quoi faire, la situation de la ville est terrifiante en terme de droits humains…

On pense aussi à tous les témoignages de cyclistes : escorte policière pendant 40km collés au vélo, impossible d’acheter de l’essence, réchaud pris dans le train, interrogatoires, routes fermées au bout de 200km (obligé de faire 1/2 tour)… Clairement, on n’a pas très envie de rester…

A ce moment, je lis cet article que je partage à Claude (de manière générale, il y a plein de liens dans ce post, n’hésitez pas à les ouvrir si ça vous intéresse !). Il détaille tout le programme de destruction de la culture ouïghoure entrepris par la Chine. Un million de personnes sont actuellement en camps de “rééducation”, autrement dit des camps de concentration. La publication d’une annonce de recrutement pour 50 gardes “endurcis” pour travailler dans un crématorium laisse imaginer le pire… On réalise qu’on est dans un état qui mélange la surveillance de l’Allemagne de l’Est (avec les meilleurs outils numériques du 21ème siècle) et la volonté d’extermination d’une culture de l’Allemagne nazie (et peut-être même des gens ?). Si des camps d’extermination voient le jour, on ne pourra pas dire “on ne savait pas”. Aujourd’hui, pense-t-on qu’il était éthique de faire du tourisme en Pologne alors qu’il n’y avait “que” des camps de concentration et pas encore d’extermination ? Non, et clairement, nous ne voulons pas cautionner ce système en donnant notre passeport à chaque contrôle, dépensant de l’argent dans la région…

De manière générale, nous nous posons beaucoup de questions sur le rôle du voyageur, surtout quand dans des pays totalitaires. En Iran, nous nous étions par exemple renseignés pour rencontrer des militantes féministes mais on nous l’avait déconseillé, principalement pour leur sécurité. Pour reprendre l’exemple de l’Iran (qui nous a beaucoup révolté), le pays viole les droits humaines, des femmes vont en prison si elles refusent de porter le voile. Cependant, il y a une “justice” et il existe des lois contre lesquelles il est possible de combattre. Par ailleurs, la parole est libre et nous avons abordé le sujet à de maintes reprises avec des iranien.ne.s. Dans le cas de la Chine, la situation est toute autre : il n’y a pas de lois. On est face à du pur arbitraire avec un objectif de destruction d’une minorité. Par ailleurs, on sait qu’il est quasi impossible d’aborder le sujet avec les habitants : barrière de la langue, mise en danger des personnes, méconnaissance pour les autres… les journalistes ont d’ailleurs beaucoup de mal à traiter le sujet.

Et pour alimenter vos cauchemars sur ce que fait la Chine avec le numérique, voici un article (en anglais) sur le programme en cours d’implémentation dans l’ensemble du pays.

 

C’est donc décidé, on quitte la Chine ! On finit même par imaginer un nouvel itinéraire qui nous enthousiasme. Le moral est reparti, ça fait du bien ! On passe une dernière soirée avec Gabriel à qui l’on souhaite une excellente route pour la suite !

Quitte à retourner au Kirghizstan, on décide aussi de tout faire pour garder notre adorable petite Côtelette. Il nous faut donc lui trouver une remorque pour qu’elle puisse nous suivre! Claude ne recule devant aucun défi et se lance dans la construction d’une ! (on n’a pas assez de temps pour s’en faire livrer)

Avec Johanna, on rend visite la chienne. On l’emmène dans l’herbe au soleil… jusqu’au moment où un gars nous demande de la remettre dans la cage : il y a des caméras partout et si quelqu’un réalise qu’il nous a laissées sortir, il risquerait d’avoir des problèmes… Cette situation nous est arrivée à plusieurs reprises : tout le monde est flippé de ces caméras qui sont omniprésentes et empêche toute prise d’initiative. Pendant un moment, on est dans la cage avec la chienne, on arrive finalement par s’asseoir dans l’herbe avec elle juste à côté de la cage, c’est déjà ça… En fin d’aprem, on voit Claude qui arrive tout sourire : il a passé sa journée à bricoler et à sillonner la ville à la recherche des bons matériaux et… il a quasi fini une remorque ! On est bluffées !!

Le lendemain, c’est jour de fête pour les chinois. Le ferrailleur/bricoleur de Claude nous offre des gâteaux de la Lune. Il va déjeuner chez sa famille, on se rend en ville avec l’espoir de manger un canard laqué (le repas traditionnel de Claude pour son anniversaire, on espérait le déguster a posteriori !) mais finalement, on n’aura que du poulet rôti… On retourne voir la chienne qui commence à s’impatienter : elle a réussi à s’enfuir de sa cage pendant la nuit (elle fait quand même 2m de haut !) et sa gamelle en alu est complétement défoncée et percée de marques de crocs… Ça nous fait vraiment de la peine, et ce, d’autant plus qu’elle est totalement adorable avec nous… Elle ne grognera même pas quand on la remettra dans sa cage…

Lors de cette visite, on a l’occasion de discuter avec le jeune douanier qui parlait anglais (rare qualité) lors de notre arrivée en Chine. Il est ouïghour, il nous explique qu’il a eu de la chance d’avoir fait des études, contrairement à nombre d’ouïghours. On apprend que dans la région unique, la règle de l’enfant unique avait une dérogation, les familles ont toujours eu le droit d’avoir 2 enfants. Cependant, de nombreuses familles ont illégalement eu plus d’enfants pour avoir au moins un garçon (je vous passe d’autres phrases magiques de sexisme…), on en déduit que les enfants supplémentaires n’ont pas été déclarés et ne sont pas allés à l’école… (si quelqu’un a plus d’infos, on est preneurs).

De manière générale, on essaie de lui expliquer que l’éducation est une meilleure solution que la répression mais il n’est pas convaincu, il nous explique que la Chine est obligée de surveiller de la sorte les citoyens, sinon ils font n’importe quoi (!). Pour lui, la situation n’est que temporaire et le gouvernement va rendre les libertés aux citoyens d’ici quelques années. Il est ainsi d’accord pour ne plus avoir de passeport au nom de la sécurité du pays (les ouïghours n’ont plus de passeports). Il finit quand même par nous avouer que si la situation ne s’arrange pas d’ici 5 ans, il déménagera à l’est de la Chine où il sera (un peu) plus libre… A propos de notre soirée à la frontière pour entrer dans le pays, il nous avoue qu’il n’avait pas pu nous laisser son téléphone pour appeler nos ambassades car il aurait lui même eu des problèmes !! Appeler l’étranger (et a fortiori une ambassade étrangère) est répréhensible, personne ne pouvait donc nous passer un téléphone sans s’exposer personnellement à des problèmes…

On est contents d’avoir eu cette discussion, on aura compris quelques éléments en plus et surtout, on aura constaté à quel point le lavage de cerveau est efficace…

Le soir à l’hôtel, on est rejoints par Roberto, un cycliste espagnol qui va passer avec nous la frontière pour retourner au Kirghizstan (lui vient de l’est de l Chine, son facebook : tras mis pasos). On a hâte de quitter le pays et on imagine qu’il sera plus facile d’en sortir que d’y entrer. Encore une fois, on est bien naïfs ! Voici le déroulé de notre journée :

  • 7h30 : lever et préparation des affaires
  • 9h15 : départ pour récupérer la chienne
  • 9h45 : Côtelette est avec nous, on va au 1er contrôle de police qui ouvre officiellement à 10h
  • 10h30 : ouverture réelle du contrôle de police
  • 11h : arrivée au 1er poste frontière
  • 11h15 : ils réalisent qu’on a un chien, on montre le papier qu’on avait eu 3 jours plus tôt qui nous autorise à sortie avec la chienne, coups de fils
  • 11h45 : la chienne ne semble plus être un problème, ils réalisent maintenant qu’on est à vélo et qu’on ne peut pas pédaler les 150 km jusqu’au 2nd poste frontière, on explique qu’à l’aller, on avait mis nos vélos dans un camion vide à la demande des autorités, ça semble compliqué, les camions dans ce sens seraient plein
  • 12h : espoir de monter dans un car de touristes allemands avec nos affaires. Impossible finalement, les chinois refusent (ne demandez pas pourquoi)
  • 12h30 : des taxis nous demandent une somme déraisonnable pour nous emmener avec nos vélos à la frontière
  • 12h45 : on se met d’accord sur un prix (la même chose qu’on avait payé à l’aller)
  • 13h : nos affaires sont scannées et nos passeports tamponnés, on charge nos vélos dans le taxi, on demande à récupérer nos passeports (suite à la mauvaise expérience de l’aller et… c’est tout de même notre droit !)
  • 13h20 : les chinois ne veulent pas nous rendre nos passeports et insistent pour les donner à ces conducteurs de taxi antipathiques au possible, on cède et on accepte
  • 13h30 : nos passeports nous sont rendus avec un tampon “canceled” sur notre tampon de sortie, ils n’ont pas apprécié qu’on insiste pour garder nos passeports, un officiel nous explique qu’on ne passera pas la frontière avant le lendemain en nous criant dessus “this is China !”, on ne peut pas aller au poste frontière suivant sans ce tampon, on est bloqués là pour au moins les 3h de pause midi…
  • 14h : on appelle nos ambassades respectives, je vous laisse deviner quel pays répond quoi (France, Espagne, Allemagne) :
    • pays 1 : “ce n’est pas le bon numéro, rappelez le consulat au numéro qui finit par 482, au revoir” (puis consulat injoignable)
    • pays 2 : “vous êtes dans une province très reculée, nous ne pouvons rien faire pour vous, voyez avec les autorités locales chinoises et surtout privilégiez la con-ci-lia-tion ! Et n’oubliez pas de leur dire que la Chine est un pays fantastique et que vous avez a-do-ré la culture”
    • pays 3 : appelle la frontière et obtient qu’on puisse quitter l’après-midi avec le prix normal pour le taxi, nous aide tout au long de l’aprem
  • 16h30 : heure théorique de réouverture de la frontière
  • 17h15 : on arrive à comprendre que tant qu’on n’a pas de taxi, on n’aura pas de tampon de sortie
  • 17h30 : le taxi du matin nous revient, il a multiplié son prix par trois
  • 17h45 : on finit par se mettre d’accord sur un prix raisonnable (plus cher que le matin mais on veut absolument quitter le pays)
  • 18h : nos passeports sont tamponnés et… le taxi part avec d’autres clients (preuve qu’ils ne sont pas dignes de confiance…), les chinois sont affolés de ce départ inattendu. C’est positif, ils veulent enfin se débarrasser de nous !
  • 18h30 : on trouve un autre taxi, on charge tout, monte dedans et enfin on part !!
  • 20h30 : arrivée 2nd poste frontière qui a l’air plus ou moins fermé, on passe et on arrive devant les dernières grilles… fermées ! On attend…
  • 20h55 : un militaire vient nous ouvrir les grilles, on passe, ça y est, on a quitté la Chine !!!
  • 21h : passage de la frontière kirghize
  • 21h30 : bivouac à quelques centaines de mètres de la frontière où l’on retrouve d’autres cyclistes qui souhaitent aller en Chine le lendemain matin

Le soulagement est intense, on se sent enfin libres ! On se couche épuisés mais contents : le cauchemar chinois est terminé !!

Ce court séjour en Chine fût de loin l’expérience la plus désagréable, si ce n’est traumatisante, depuis le début de notre voyage. On est conscient que ce n’est qu’un aperçu très réducteur du pays, les cyclos nous ont dit extrêmement de bien d’autres régions, on avait notamment très envie d’aller dans les contreforts du Tibet mais tant pis, on découvrira plein d’autres choses et surtout, on refuse de cautionner un gouvernement qui ne respecte aucune loi, tant internationale avec les touristes, que locale avec ses propres citoyens.

A défaut de mieux, je vous invite à signer cette pétition d’Amnesty contre les camps de rééducation : http://info.amnesty.be/chine-camps-de-reeducation.html

L’aventure continue !

 

PS : si vous avez eu des doutes, pays 1: Espagne, pays 2 : France, pays 3 : Allemagne

Au jour le jour

Marion et Baptiste à la recherche des copains à…

On a eu le bonheur de retrouver Baptiste, Marion et Johanna au Kirghizstan. On leur a proposé d’écrire un mot sur le blog et Marion a accepté de relever le défi. 🙂 Voici son récit, on a juste ajouté des photos, merci à elle !

Nous y voilà ! Il y a près d’un an, quand Claude et Steph nous ont dit qu’ils partaient en vélo sur la route de la soie, on leur a dit qu’on passerait deux semaines en Asie centrale pour les retrouver et faire du vrai cheval avec eux. Évidemment, entre temps les plans ont changé, et les deux semaines sont devenues deux mois !

Baptiste et moi réservons donc des vols Paris-Bishkek et Samarcande-Paris, en nous disant qu’en suivant le chemin inverse de nos cyclistes préférés on finirait bien par les croiser !
Le rendez-vous étant fixé dans le sud du Kirghizistan trois semaines après notre arrivée, on en profite pour parcourir le pays. On commence par une traversée à pied éprouvante mais splendide du Kirghize Range, au sud de Bishkek, pour se rapprocher du lac Song-Köl. C’est un lac à 3000m d’altitude, entouré de steppes et de montagnes. Il y fait très froid quand on y arrive, d’ailleurs les bergers qui passent l’été au bord du lac avec leurs troupeaux sont en train de redescendre. On va voir un autre petit lac dans le coin, le lac de Köl Ukok, beaucoup moins touristique et très joli aussi.

Après ces randos, on est un peu crevés et on profite des World Nomad Games pour se reposer ! Ce sont des sortes de jeux olympiques nomades qui ont lieu tous les deux ans au moins de septembre. C’est l’occasion pour nous de voir jouer au kok boru, sorte de bouzakhi local. Il y a même une équipe française ! Après renseignements, on découvre que l’équipe française est à la base une équipe de horse-ball, mais que comme ils ont importé le horse-ball au Kirghizistan ils ont trouvé que c’était honnête de montrer qu’ils s’intéressaient aussi au kok boru, le sport traditionnel… Et de fait ils s’en sortent pas mal ! La principale difficulté semble être de soulever la carcasse de chèvre du sol (35 kg quand même). À la fin, ils semblent avoir trouvé l’astuce : laisser l’adversaire la ramasser… puis lui piquer quand elle est à hauteur de cheval ! Bref, ils se défendent bien et finissent par perdre avec honneur.

Après cet intermède, on décide de se rapprocher de Sary Mogol, le lieu de rendez-vous. On se dirige vers Osh, la 2eme plus grosse ville du Kirghizistan (2 jours de voiture !), d’où on prévoit de partir pour traverser les montagnes et arriver à Sary Mogol. Le trajet Osh-Sary Mogol est trop long, il faut qu’on arrive à se faire rapprocher en voiture. On comprend que la ville de Papan, sur le chemin, semble être accessible en bus… Après plusieurs allers-retours entre les deux gares routières où tout le monde est formel : les transports pour Papan partent de l’autre gare routière (hum !), on finit par découvrir le stand des taxis partagés, avec, miracle, le taxi pour Papan dans lequel il reste justement la place pour 2 personnes et 20 pastèques !

Nous voilà donc bien partis pour la randonnée ! On va traverser les montagnes et espérer retrouver les copains de l’autre côté !

Depuis Papan, il reste 5 jours de marche. La première journée commence par 20 km de plat et est déjà bien avancée (après des allers-retours entre les gares routières…)… On se fait prendre en stop par la première voiture qui passe, nous voici à l’arrière d’un pick-up rempli de foin avec pour mission de surveiller qu’un bidon d’essence ne se renverse pas dans les virages ! Le pick-up nous dépose exactement à l’endroit d’où on avait envie de partir, et nous voilà enfin en marche pour 4 jours de rando avec le col de Jiptik (ou Jeep-tiques pour les intimes à 4185 m !).
Sur la route du col on croise des militaires fusil en bandoulière par groupes de deux : le premier groupe nous ignore, le 2ème veut faire des selfies avec nous, le 3ème demande nos papiers (on s’en sort en sortant des photocopies de passeport)… Et en haut on tombe sur le chef, sympathique mais toujours fusil en bandoulière, qui nous propose à manger et fait un rapport ! On prend quand même quelques photos du Jiptik pass avant de redescendre pour s’éloigner de tous ces fusils !

On arrive à Sary Mogol le 12 septembre, avec un peu d’avance…mais exactement en même temps que Claude et Steph ! Sans s’être concertés, on atterrit dans deux guesthouses différentes, mais comme on se fait prendre à partie dans la nôtre par un hongrois raciste on est contents d’en changer !

Et … Tadaa ! Nos copains sont bien là, après 6 mois de vélo, entiers et bronzés ! Ils ont l’air un peu fatigués après cette traversée du Pamir, mais on est contents de les voir !
Le lendemain, on emprunte leur tandem pour se rapprocher du pic Lénine… Et on doit faire un pitoyable 5 km/h ! Sur un faux-plat caillouteux et un sacré vent, certes, mais il faut avouer que c’est physique le vélo ! Au retour on est un peu rassurés, en descente on avance bien ! On rentre juste avant la neige !

Il neige toute la nuit et le lendemain on reste bien au chaud dans la guesthouse en attendant Johanna… qui arrive comme prévu le soir même, avec ses sacoches remplies de cadeaux ! En particulier du saucisson et du fromage… C’est bombance !

Le jour suivant, on tente une grosse journée de rando avec Baptiste, mais il s’avère que je suis plus malade que ce que j’avais estimé le matin et que poursuivre ne serait pas raisonnable… On fait donc demi-tour et on passe la journée à faire des petites réparations sur notre matériel.

Le lendemain, on finit par partir pour la randonnée à cheval tant attendue !

Finalement, ça sera trois jours au pied du camp de base du pic Lénine ! La première journée est consacrée au trajet Sary Mogol – Tulpar lake, avec une traversée de la steppe ! L’occasion de retrouver d’anciennes sensations d’équitation pour Steph, Gabriel et moi, et de s’y mettre doucement pour Baptiste, Claude et Johanna ! Bientôt tout le monde trotte gentiment.

L’arrivée au Tulpar lake est magique, il y a de très nombreux lacs, plus ou moins gelés ou transparents ! On dort dans un camp de yourtes au niveau du plus grand des lacs.

Le lendemain, on s’apprête à se mettre en route pour se rapprocher du Traveller’s pass, quand Stéphanie se bloque le dos… On doit donc faire cette journée sans elle, en espérant qu’elle arrivera à récupérer pour profiter de la dernière journée… La montée vers le traveller’s pass est intégralement dans la neige, on est contents d’être à cheval et pas à pied ! On passe à côté du camp de base déserté pour la saison et on est dans une grande vallée toute blanche majestueusement dominée par le pic Lénine ! C’est magnifique. On avance bien, jusqu’à un moment où la pente se raidit et les guides décrètent qu’on n’ira pas plus loin avec les chevaux qui risqueraient de tomber. Ce n’est pas grave, on en a déjà eu plein les yeux !

Au retour vers le camp de base, Johanna réussit à convaincre nos guides de nous emmener voir un troupeau de yacks en train de brouter. Puis c’est le retour au camp, on est bien fatigués ! Baptiste se débrouille comme un chef avec son cheval, on dirait qu’il y prend goût !

Le troisième jour, l’état de Steph ne s’étant pas vraiment amélioré, on rentre par le chemin le plus court, qui met quand même 5h ! On est à nouveau dans des petites collines et dans les steppes, on en profite bien !

On re-dort dans notre guesthouse favorite, et le lendemain, c’est déjà le départ de cyclistes, accompagnés de la chienne Côtelettes qui ne les quitte plus ! Cette chienne suit des cyclistes depuis le pamir sur des centaines de km, et les copains ont fini par s’y attacher et la faire vacciner pour qu’elle puisse passer la frontière chinoise avec eux !

De notre côté, pour ne pas rester sur place, on se met en route vers le Sary Mogol pass (4303 m). On monte en longeant un canyon spectaculaire et on passe la nuit à 3700m, et le lendemain on se réveille sous la neige de la nuit ! Elle fond très rapidement au soleil, on poursuit notre chemin vers le col d’où on aperçoit d’adorables lacs ! C’est aussi le point culminant de notre voyage jusqu’à présent, on est fiers d’y être arrivés à pied ! On redescend vite pour être rentrés pour le dîner. Ça fait bizarre d’être à la guesthouse sans les copains ! On espère que vous faites bonne route !

Au jour le jour

Sur la Pamir Highway (M41)

A Murgab nous dormons à l’hôtel Pamir. Murgab n’est pas encore raccordée au réseau électrique, donc ils disposent d’un générateur qui fonctionne de 18h30 à 22h. Inutile de préciser qu’il n’y a donc pas de wifi, et que nous devons nous contenter de nos connexions mobiles très lentes, mais suffisantes pour échanger sur Whatsapp !

Il se trouve qu’une nouvelle installation génératrice d’électricité vient d’être achevée (un barrage je crois), cependant elle n’est pas encore en fonction… Il faut d’abord attendre une visite prochaine du président pour procéder à l’inauguration ! Pendant ce temps, les habitants restent dans le noir…

 

Heureusement, les exploitants ont dû se dire que c’était un peu dommage, et le soir même au moment du dîner le propriétaire arrive triomphant dans la salle et nous annonce un moment historique : il vont couper le générateur et se raccorder au réseau !! Cela fonctionne (jusqu’au lendemain midi…), mais contrairement à nos espoirs cela n’élargit pas la plage durant laquelle il est possible de prendre une douche chaude…

Le lendemain nous passons tous une journée de “repos” où chacun est bien occupé… Les vélos ont traversé les pires routes et ont tous besoin d’un profond décrassage !

Au moment de payer pour l’hôtel je vois arriver deux policiers qui viennent discuter avec le propriétaire. Il m’expliquera ensuite qu’ils sont venu pour lui indiquer que toute vente d’alcool est prohibée pour 6 jours. En effet la visite du président aura lieu après cette durée, et il ne faudrait pas que des foules excitées ou imbibées viennent gâcher le moment…

Nous repartons le lendemain, un peu au compte goutte (nous restons avec Gabriel), mais tout le groupe se retrouve facilement le soir, de toute façon il n’y a qu’une route et les lieux de camping ne sont pas très nombreux 🙂

La route en question est excellente, c’est une montée très douce et totalement asphaltée. Elle mène au col le plus haut de notre voyage (?), l’Ak Baïtal qui se faufile à 4655m (et comme souvent, on jurerait que juste là, de l’autre côté, le col il serait pas un peu plus bas ??).

Depuis ce point de vue superbe on peut apercevoir un pic chinois à 7100m, le Muztag Ata. Il est sensé être sur certaines photos puisque je peux vous jurer l’avoir vu de mes yeux (j’ai même dû crapahuter un peu plus haut pour ça), mais ça ne rend rien 🙁

Nous entamons une très jolie descente, mais Vlad et Silvia ne semblent pas nous rattraper :/ On s’arrête pour déjeuner et… toujours rien ??! On finira par repartir sans eux, et on apprendra plus tard qu’ils n’ont pas eu de problème particulier, seulement ils ont pris énormément de photos ^^

L’asphalte ne se prolonge pas jusqu’en haut des cols, on ne sait pas exactement pourquoi, on imagine que la neige est plus agressive pour celui-ci quand les pentes sont plus fortes ? Le fait est qu’on a quand même pas mal de kilomètres de pistes, et même un peu de tôle ondulée 😉

On aimerait bien faire un petit détour pour profiter plus du lac Karakul, donc même lorsque l’asphalte revient, on décide de s’engager sur une piste de nouveau, on aime ça on dirait !!

Cette journée se trouve être celle que nous avons choisit pour vous raconter une journée de vélo avec nous en vidéo, si vous ne l’avez pas déjà vue je la remets ici :

Voici une galerie de photos de la journée :

Après notre nuit en vue du lac, nous repartons sur de la piste pour notre dernière journée avant longtemps de mauvaise route mais belles vues, un classique de la région 😀

Nous rejoignons l’asphalte en début d’après midi, nous rêvons tous d’un bon repas et fantasmons des miracles qui nous attendent dans la ville de Karakol. Nous prenons donc la décision de pousser jusqu’à la ville avant de déjeuner. En particulier, Stéphanie et moi imaginons qu’il sera possible de trouver un restaurant de poisson, avec ce grand lac juste à côté !! La déception est totale. Nous arrivons vers 16h pour découvrir un village presque mort et peu avenant… Nos rêvent de pain chaud s’évaporent et nous nous cuisinons des pâtes bof, l’autre classique de la région, dans un coin à l’abri du vent et… des enfants.

On vous a déjà parlé de nos interactions avec les enfants au Tadjikistan dans les articles précédents, mais nous avons oublié de mentionner ceux qui viennent nous voir pour nous demander soit de l’argent, soit des sucreries. Par principe, nous refusons de donner à des enfants qui mendient, mais cela nous a fait réfléchir à notre position de touristes. En effet on aime bien se croire atypiques et loin des circuits du tourisme de masse, mais puisque seuls les cyclistes traversent ces villages, la masse c’est nous… Cela veut dire que nous sommes les seuls responsables des impacts positifs et négatifs du tourisme, et les enfants qui mendient en font partie…

Nous repartons sur la route pour rencontrer le vent, nous roulons jusqu’à trouver de l’eau et il nous arrive une drôle d’expérience. Nous sommes à la recherche d’eau claire (en gros une rivière sur deux est boueuse, ça dépend de ce qui se trouve sur le chemin en aval du glacier), et nous rencontrons un lit asséché, mais avec le reflet de l’eau bien visible un peu plus haut. Je descends pour aller voir de plus près si l’eau est claire, et il s’avère que la rivière est en train de se remplir ! Ce n’est pas dû à un barrage, mais simplement le soleil fait fondre le glacier en journée, et nous nous trouvons exactement au bon moment au bon endroit en aval ! Notre source d’eau fraiche et claire est donc trouvée pour la nuit et nous plantons la tente.

Le vent est extrêmement fort et cette opération n’est pas des plus simples, surtout dans le sable… On se fait même un petit mur avec des pierres empilées pour se protéger 🙂 La tente bouge dans tous les sens mais elle tient le coup !

Sur l’une des photos ci-dessus vous pouvez voir des femmes en train de laver des tapis dans la rivière. Dans le Pamir c’est une activité relativement courante, en ville c’est plutôt au karcher, mais dans les campagnes il arrive souvent de voir des femmes les laver à la main, ils sèchent ensuite au soleil.

Le lendemain nous reprenons la route pour notre dernier col Tadjik, Kyzyl-Art, qui est aussi la frontière avec le Kyrgyzstan. Cette frontière est un peu étrange, côté Tadjik elle est vraiment très isolée et ne dispose pas, par exemple, d’électricité à part quelques panneaux solaires. Le poste de contrôle de la première barrière tombe en ruine, on relève manuellement toujours les mêmes informations de notre passeport et permis GBAO, toujours lentement. Nous roulons un peu plus pour atteindre le checkpoint militaire cette fois, et rebelote avec le relevé dans un cahier des mêmes informations exactement…

Nous atteignons enfin le col, et même si l’on était prévenus, le passage au Kirghizstan fait un véritable choc ! Côté Tadjik, tout est sec, ici les pentes sont vertes et on descend dans un nuage, quelques flocons sont mêmes visibles… A ce moment là, nous n’avons pas vu de précipitations depuis la Cappadoce, soit depuis plus de 3 mois ! Après quelques lacets, notre route longe une rivière, mais nous n’avons pas encore croisé le poste Kirghize. La rivière continue sa descente, et est rejointe par une autre, mais nous ne sommes toujours pas admis dans le pays. La vallée s’élargit un peu, puis beaucoup, et toujours pas de poste frontière ! En fait on parcourra près de 20km avant de l’atteindre ! Normalement aux frontières on est vite fixé, ici en cas de rejet le retour est un peu dur ! Mais le Kirghizstan est plutôt accueillant (pas besoin de visa pour les européens) et beaucoup plus touristique.

Pour arriver à Sary Tash nous devons traverser une plaine gigantesque encaissée entre deux immenses chaînes de montagnes, celle d’où nous venons et celle au pied de laquelle se trouve la ville. Notre jolie plaine est balayée par un vent d’est assez puissant. Il nous vient de côté au départ, mais petite à petit nous l’aurons de plus en plus en face, et les derniers kilomètres pour arriver à Sary Tash sont difficiles. Nous arrivons à la tombée de la nuit dans une guest house moyenne qu’on nous avait conseillée.

On retrouve le plaisir de disposer d’un wifi de bonne qualité (ce qui permet de repérer quels autres hébergements pourraient nous convenir mieux pour les prochaines jours !). Nous devons en effet attendre quelques jours dans la région pour retrouver Baptiste, Marion et Johanna à Sary Mogol le 14.

Nous changeons donc de guest house, mais cela se révèle bien plus long que ce que nous pensions… Propriétaires en vadrouille, portes fermées, prix qui changent, après plusieurs allers retours nous réussissons à nous installer dans un lieu sympa en début d’après midi (!).

Un des voyageurs présents nous recommande une guest house vraiment sympa à Sary Mogol, et puisque nous devons encore passer quelques nuits, nous décidons de nous y rendre le lendemain car on y sera plus confortables !

Nous prenons donc la route pour une toute petite étape : 35km de descente douce. Mais, ahah !, c’était oublier notre ami le vent ! Et oui, cette fois le vent vient de l’ouest, histoire qu’on l’ait encore dans le visage !! Et il ne rigole pas ce vent, on est réduit à du 6km/h par moment… (on mettra finalement 4h au total)

Au début de notre itinéraire nous croisons un checkpoint militaire où un chien errant sympa nous accompagne. Il est tellement content de voir des vélos que le militaire me demande même “Is it your dog?”. Je lui explique que non, j’ai juste un vélo. Je peux vous dire qu’à ce moment là je n’aurais pas pensé que la réponse serait oui quelques jours plus tard ! Je vous présente Côtelette, et elle a une drôle d’histoire, vous allez voir…

Durant tout notre trajet, cette chienne vélociphile nous suit avec enthousiasme ! Elle est super intelligente, se met toujours du bon côté de la route lorsqu’une voiture arrive de face ou de derrière, et vu notre vitesse elle nous suit sans difficulté… Après quelques kilomètres on essaye de la décourager de nous suivre, car on va loin et que la route ça reste un peu dangereux… Mais il est impossible de s’en débarrasser ! Petit à petit on s’habitue à la voir dans notre rétroviseur, quand elle s’éloigne un peu trop une côte ou une bourrasque lui permet de nous rattraper sans problème. Les kilomètres défilent et on se dit que vraiment, elle marche bien cette chienne. Elle arrive à Sary Mogol en même temps que nous et on commence à se dire que la route des deux Sary est peut être une habitude pour elle.

Mais elle nous suit quand même jusqu’à la guest house. Et quand nos vélos disparaissent dans le garage il s’avère qu’elle a bien compris qui se trouvait dessus et elle s’installe devant notre porte ! Elle n’en bougera plus… Cette chienne est absolument adorable, on finit par lui donner de la nourriture, les autres hôtes pensent que c’est notre chienne, on explique que non…

On retrouve Baptiste et Marion le jour même, il ont un peu d’avance sur le programme eux aussi et c’est un vrai plaisir de passer la soirée avec eux ! Il viendront s’installer dans notre guest house dès le lendemain 🙂

Le temps passe, la neige tombe, la chienne ne bouge pas, elle nous a définitivement adoptés… On décide de réfléchir à la garder (il faut dire qu’elle a complètement fait fondre le cœur de Stéphanie), et on demande à nos amis cyclistes du groupe Whatsapp si certains voyagent avec un chien et s’ils ont des conseils. Il s’en suit une série de messages totalement hallucinants, cette chienne est connue de plein de gens du groupe ! Il s’avère qu’elle suit des cyclistes depuis plusieurs mois, mais attention, pas seulement entre Sary Tash et Sary Mogol, pour elle le Pamir n’a aucun secret ! Certains sont venus de Langar jusqu’au Kirghizstan avec elle ! Elle a suivi un autre groupe sur 400km, et un groupe de trois françaises l’ont gardée un moment, c’est elle qui l’ont appelée Côtelette. Toutes les personnes qui la connaissent nous supplient de bien nous occuper d’elle 🙂 Au poste frontière du col elle est connue, les douaniers la laissent passer et repasser régulièrement !

Son endurance qui nous avait surpris est maintenant plus qu’expliquée, cette chienne est une marathonienne ! On décide de la garder, mais pour les quelques jours à venir, l’arrivée de Johanna et notre balade en cheval je laisse la plume à Marion pour le prochain article !

PS : nous avons passé du temps avec Gabriel sur ce tronçon, voici le chapitre vidéo (en espagnol) correspondant !