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Au jour le jour

Foot, voile et dromadaires

Bonjour !

Je vous écris ces lignes depuis un endroit fantastique. Nous sommes au milieu du désert entre Ispahan et Yazd dans un grand caravansérail abandonné. Nous allons y passer la nuit, l’endroit est magique… On ne peut s’arrêter d’imaginer les lieux tels qu’ils étaient il y a quelques centaines d’années, alors qu’ils fourmillaient d’activité et étaient remplis de caravanes… Clairement, la route de la soie, on y est !

Je laisse Claude vous faire visiter les lieux :

Comment en est-on arrivés là ? Retour sur ces 10 derniers jours.

Nous avons quitté Tabriz qui m’avait rappelé les écrits de Nicolas Bouvier (L’Usage du Monde pour ce.lles.eux qui ne l’ont pas lu). Pour rejoindre la capitale et commencer les démarches de visas rapidement, nous avons pris le bus.

Nous avons donc rejoint la gare de bus en vélo (toujours un petit défi de conduire un vélo dans une ville iranienne !). Un gars nous montre un bus qui va à Téhéran, on démonte le vélo sous le regard d’un groupe d’hommes qui commente chaque action que l’on fait. A ce propos, quand on est arrêtés en ville, on a maintenant l’habitude d’avoir des gens autour de nous qui observent le vélo. En général, il y en a un (pas la peine de préciser que ce ne sont que des hommes, non ?) un peu plus malin que les autres qui se met à commenter chaque partie/accessoire du vélo au reste du groupe. Mention spéciale au compteur et à la boussole qui sont toujours très admirés.

Une fois le vélo dans la soute, il nous reste 40mn avant que le bus parte, c’est parfait, cela nous laisse le temps d’aller acheter un dîner. On revient rapidement pour ne pas rater le départ (ce serait dommage que le vélo parte sans nous…). On monte dans le bus qui n’est pas très plein. On apprendra à nos dépends qu’en Iran, la plupart des bus ne partent qu’une fois qu’ils sont pleins, en pratique, on aura attendu plus d’1h30… Le chauffeur a essayé de nous faire des distractions en allumant le moteur après 30mn, se garant un peu plus loin après 45mn, se dirigeant vers la sortie du terminal de bus au bout d’1h… et pendant ce temps, des rabatteurs ramenaient au compte goutte quelques personnes, tandis que les passagers (dont nous) commençaient à s’agacer…

Depuis, on est devenus des pros des bus et on ne monte que dans des bus quasi pleins ! De manière générale, les bus sont assez spacieux, ce qui est agréable au vu des grandes distances à parcourir en Iran. Il est même courant qu’on nous distribue nourriture et boisson. Tout est suremballé par contre, ça fait mal au cœur… (on est très loin du zéro déchet ici :/ )

 

Une fois arrivés à Téhéran, ce.lles.ux qui nous suivent savent déjà qu’on a passé un certain temps à courir entre les ambassades. Je ne reviendrai pas dessus et me contenterai de vous raconter nos visites et surtout quelques impressions générales.

 

A Téhéran, nous avons eu la chance d’être accueillis par Hamid et Faeze, couple de warmshowers. Grâce à eux, nous sommes allés aux endroits populaires fréquentés par les iraniens, quelle belle expérience !

Nous avons ainsi passé une après-midi à Darband, au nord de Téhéran. La ville est collée à la montagne et des restaus se sont installés le long d’une rivière. C’est aussi le départ de chemins de randos (avec des pics à plus de 5000m), on a croisé de nombreux randonneurs locaux (et de ce fait, il est normal de croiser un randonneur dans le métro). Je crois d’ailleurs que Téhéran est la seule capitale où il est possible de rejoindre une station de ski depuis la ville (évidemment pas en cette saison !). L’ambiance était très sympa, c’est un lieu de promenade pour les citadins.

Comme vous pouvez le voir sur les photos, il n’y a pas de table à proprement parler. Nous nous installons sur un tapis et mangeons par terre. C’est la façon traditionnelle de manger et est toujours très pratiqué, encore dans les familles. De grands tapis sont toujours présents dans les maisons, on sort une nappe, la met par terre et on s’installe autour. On s’y fait bien et c’est plutôt pratique si on n’a pas de table assez grande par exemple. Si au retour, on vous invite à la maison et que vous mangez par terre, vous ne serez pas vexés ! 😉

Un homme qui nous avait aidé à traduire le menu m’a indiqué que je pouvais enlever mon voile si je le souhaitais. En effet, en regardant attentivement autour de moi, j’ai vu (avec un plaisir non dissimulé) que plusieurs femmes avaient fait tomber le voile, oubliant les obligations islamiques le temps d’une après-midi.

A ce propos, comme vous pouvez l’imaginer, je n’ai pas beaucoup de plaisir à me plier au dress code islamique imposé.

Mon port du voile est assez laxiste, je laisse souvent les 2 pans pendre de chaque côté de ma tête sans bien cacher mon cou… Je vois bien que cela ne plaît pas toujours et le remet quand je dois parler à des hommes. Quand il faut faire des choses qui impliquent du mouvement (ranger les affaires, monter la tente…), je me cache souvent les cheveux avec un buff (tube de tissu en coton), c’est bien plus pratique que le voile qui, quoi que je fasse, se retrouve au milieu de mon visage (comment ça, le voile gênerait-il les femmes dans certaines activités?!).

Côté habits, j’avais cru trouver le bon plan en trouvant une chemise XXL en Turquie que je ne portais qu’avec ma brassière. Cependant, on m’a fait remarquer que ça n’allait pas, elle est trop transparente et il est possible qu’on voit un bout de ma peau entre les boutons… du coup, je dois porter un t-shirt par dessous. Autant vous dire que je meurs de chaud ! Je la porte maintenant (plus ou moins) ouverte sauf quand je dois aller au bureau de l’immigration iranien où le garde à l’entrée me demande de boutonner tous mes boutons, ce, en s’excusant et en précisant que ce sont « leurs » règles.

Avec toutes ces couches, j’ai l’impression d’avoir chaud mais j’ai bien conscience que ce n’est rien à côté des femmes traditionnelles iraniennes qui accumulent les couches amples jusqu’à porter un chador noir… je ne sais pas comment elles font…

Depuis qu’on a repris le vélo, j’ai adopté une nouvelle technique, je me suis transformée en… garçon !! Des iraniens m’ont conseillé de faire ça, il n’est pas usuel pour une femme d’avoir les cheveux courts et le vélo est surtout réservé aux hommes. Il ne fallait pas me le dire 2 fois, j’ai enlevé mes boucles d’oreilles et ose maintenant être en t-shirt sans voile. Quand on entre dans une ville, je remets ma chemise, mes cheveux restent cachés sous mon casque donc ça passe encore… (et je remets le voile au besoin)

Le gros inconvénient est qu’on a la chanson de Mylène Farmer en tête depuis 3 jours ! 😉

Du côté des iraniennes, le port du voile se décline de toutes les façons : du voile le plus serré sur lequel est ajouté un grand chador noir, jusqu’au voile porté très à l’arrière de la tête sur le chignon. Comme vous pouvez vous en douter, cela varie énormément selon où on est… En ville, il est courant de voir des femmes très apprêtées/maquillées avec un voile qui ne cache pas beaucoup de cheveux alors qu’en campagne, le chador est de rigueur. Ce dernier est un grand voile noir qui se porte par dessus le voile habituel et les habits. Il n’est pas fixé et les femmes sont obligés de le tenir à la main. Ce n’est guère pratique… Quand, au bazar par exemple, elles ont besoin de leurs 2 mains, il est courant de les voir tenir leur chador avec… les dents ! Parler ou utiliser ses mains, il faut choisir…

Dans certains quartiers riches et parcs de Téhéran (dans des lieux publics donc), on a vu des femmes sans voile ! J’en étais ravie !! Bravo à toutes ces femmes qui ont le courage de sortir sans voile ! C’est un acte politique en Iran, certaines sont en prison pour cela. Le mouvement s’amplifie notamment et est relayé sur les réseaux sociaux, j’espère de tout cœur qu’il aboutira à la fin de cette interdiction ! (et évidemment de manière plus générale à plus d’égalité entre les femmes et les hommes…) Petite précision : je ne me positionne pas contre le voile mais bien contre l’obligation de porter le voile. On a bien vu que certaines femmes ne souhaitent pas le porter, elles devraient être libres de leurs choix, de le porter ou non. Je ne suis pas non plus partisane de l’interdiction du voile, comme on a pu en débattre en France. J’estime par exemple qu’il vaut mieux que l’Université soit ouverte aux femmes voilées plutôt que de les exclure.

Je dois reconnaître que je suis par contre intimement convaincue que dans une société réellement égalitaire et où le patriarcat n’existerait pas (ce qui impliquerait aux religions de pas mal évoluer sur leurs interprétations des textes…), je ne crois pas au fait que de nombreuses femmes feraient le choix de porter le voile.

Une autre remarque sur l’apparence des iranien.ne.s, on est impressionnés du succès de la chirurgie esthétique ici ! On ne cesse de croiser des jeunes femmes et jeunes hommes avec le nez couvert d’un pansement ! (et encore, on n’est pas encore assez aguerris pour reconnaître un nez refait) Apparemment, il existe même un tourisme médical dédié !

 

Un soir, nous sommes sortis avec Faeze et Hamid près du « Nature bridge », lieu de sortie nocturne de la capitale. Avant de vous en dire plus, je dois préciser que les iraniens vivent la nuit (quand le thermomètre commence à descendre). Il est tout à fait normal pour une famille avec enfants de dîner vers 23h, avec nos habitudes françaises, ça nous a surpris !

Nous avons donc rejoint un parc rempli de familles en train de pique niquer, fumer la chicha, jouer au badminton… il y avait des enfants partout, ils s’éclataient à jouer dans les fontaines. Il y avait même une scène avec un one man show et des jeunes (hommes) qui dansaient dans les gradins. L’ambiance était très conviviale ! Nous avons été marqués par un grand brassage : toutes les générations étaient présentes (ce n’est pas en France qu’on verrait une mamie manger une pizza à minuit avec sa petite fille dans un parc!) et aussi tous les styles : on a vu une femme en chador jouer au badminton avec son fils, des jeunes femmes en jean, haut près du corps et voile très bas… Ce mélange faisait plaisir à voir !

Nous avons vraiment passé de très bons moments avec Faeze et Hamid. Pour vous dire un peu plus sur eux, Hamid est ingénieur en bâtiment et Faeze étudiante en architecture. Ils se sont rencontrés de manière « traditionnelle », c’est-à-dire par l’intermédiaire de leur famille. Cela semble encore très courant en Iran, tous les Iraniens à qui nous en avons parlé se sont rencontrés de la sorte, il est même courant que les cousin.e.s se marient entre eux ! Tous les deux pratiquants, ils forment un couple moderne et étonnant : Faeze est ceinture noire de karaté et pratique le volley ball à haut niveau ! Pourtant, son mari ne l’a jamais vue jouer puisque les hommes sont interdits de stade quand les femmes jouent (sans voile).

Pour passer du bon temps ensemble, rien ne vaut de partager des repas. On s’est régalés de la cuisine de Faeze, en retour nous avons fait des crêpes et le plat préféré des français… un couscous ! Nous avons appris à jouer (et à perdre) au backgammon, nous avons soutenu l’équipe française pour les 1/4 et 1/2 finales et avons beaucoup ri en voyant la censure iranienne contre les décolletés dans les films étrangers (un haut noir rajouté au crayon, des gros plans étonnants, une plante qui apparaît comme par magie au milieu d’une porte…). Nous avons aussi beaucoup discuté de sujets sociétaux, de politique, d’écologie… Nos avis divergeaient parfois mais c’était toujours très riche !

A propos des sorties, l’alcool étant interdit ici, nous buvons de la « bière islamique » ou encore des « mojitos islamiques » (islamique = sans alcool). De ce fait, il est tout à fait normal de voir un enfant avec un verre de « bière » à la main ! En pratique, nombreux iraniens contournent l’interdiction en faisant leur propre alcool. Nous avons ainsi goûté une « vodka » maison, sauf qu’en discutant avec le gars qui l’avait faite, on a réalisé qu’il avait réinventé la recette du calva ! Un autre iranien nous a expliqué qu’il était plus facile de trouver en Iran une marque spécifique de bière plutôt que d’eau minérale : il suffit de demander à son dealer qui trouve toutes les bières possibles et imaginables !

 

Pour vous partager notre expérience de Téhéran, je suis obligée de vous parler des transports. La ville est gigantesque donc se déplacer à pied est vite limité. Quant à notre vélo, nous ne voulions pas le prendre et devoir le laisser dans la rue.

Pour nous balader, nous prenions le métro. La première fois que je l’ai pris, j’ai eu un petit choc en m’apercevant que j’étais la seule femme de la rame… Les femmes ont en fait des wagons réservés et le reste du métro est « mixte ». En pratique, seules les femmes en couple y vont. Cette pratique m’interroge. Je sais que dans certains pays, des féministes se sont battues pour avoir ce type de wagons pour éviter les agressions sexuelles (petit rappel, en île de France, 100 % des femmes se sont déjà faites agressées dans les transports). Je reste cependant gênée par une telle pratique, je ne suis pas sûre qu’à long terme, cela fasse évoluer les choses dans le bons sens… Ce n’est pas aux femmes de se protéger en s’isolant mais aux hommes de changer leurs comportements ! Et pour un peu de débat, un article sur le sujet.

Ca me rappelle d’ailleurs quand un iranien a commencé à m’expliquer que le voile était fait pour « protéger » les femmes. Les protéger de quoi ? Des pulsions des hommes qui ne savent pas se contrôler ? A quand une action sur eux et non sur les femmes ?! Rahlala, vraiment, ça m’agace ce genre de discours… (comme vous pouvez le voir, les occasions d’agacements ces dernières semaines ne manquent pas 😉 ).

A part le métro, pour traverser la ville rapidement entre les ambassades, nous avons pas mal utilisé Snapp, l’uber local qui nous évitait des altercations avec les taxis. Nous avons en effet eu du mal avec ces derniers : ils ne parlent pas anglais, ne savent pas lire une carte (déjà ça commence mal pour nous qui ne savons ni écrire ni parler le farsi…) et surtout… ils ont la mauvaise tendance de changer leur prix en cours de route. Du coup, on est descendus plusieurs fois de taxis !

En tant que piétons, on a appris à traverser les routes à l’iranienne. Imaginez une 3*2 voie bondée et… lancez-vous avec un petit signe de main à la rigueur ! Oui, oui, c’est comme ça que ça fonctionne et on est restés entier !

Quand nous avons dû traverser la ville à vélo, ce n’était guère mieux… On a par contre bien rigolé avec les comptes à rebours des feux qui restaient parfois bloqués sur un numéro (10, 9, 8, 8, 8, 8, 8, 8, 8, 8, 7, 6…)

 

Côté visites, nous sommes au palais Golestan qui nous a déroutés par son kitch absolu. Les photos parlent d’elles-mêmes.

Nous sommes allés au bazar un vendredi, tout était fermé ! Nous y sommes retournés quelques jours plus tard, il grouillait d’activité, le contraste était saisissant !

Comme nous devions attendre que la Chine s’occupe de nos visas. Nous avons fait un petit séjour à Ispahan où nous avons rencontré Alireza, Fati et Messoume via warmshowers. On a passé d’excellents moments avec eux !

La ville d’Ispahan est juste sublime. Nous avons découvert la place principale en arrivant la nuit. Là encore, elle était remplie d’iraniens qui y pique niquaient et passaient la soirée. C’était ma-gique !

Le lendemain, nous nous sommes baladés et avons visité plusieurs des mosquées, c’était sublime !! (prenez le temps de regarder les photos, ça vaut le coup, on vous le garantit ! 🙂 )

Une fois revenus à Téhéran et les visas finis, nous avons récupéré notre vélo flambant neuf après une révision et nous sommes retournés… à Ispahan ! (les photos ci-dessous avec le vélo sont de ce 2nd passage)

En cherchant un hôtel après être arrivés tard le soir, nous avons été hébergés par Reza et sa famille qui nous voyaient perdus dans les petits rues d’Ispahan. Ils étaient eux aussi adorables !! J’ai joué aux petits chevaux avec leur fille et nous avons appris que la plupart des familles ont aujourd’hui un enfant ou 2 max, alors qu’il y a quelques années, les familles nombreuses étaient de rigueur pour soutenir l’effort de guerre… Reza avait 7 frères et sœurs !

Le lendemain, nous avons acheté quelques souvenirs pour notre famille pour faire un colis en France. L’idée est simple, les drones sont interdits en Ouzbékistan, il faut le renvoyer en France. Quitte à payer un colis, autant y ajouter de l’artisanat iranien (et c’est comme ça qu’on se retrouve à craquer pour un magnifique tapis!). Sauf que finalement, on vient d’apprendre que la poste refuse d’envoyer les drones (serions-nous des espions?!), on a donc payé un colis sans drone et des touristes français rencontrés à Varzaneh (Vincent, Diane, si vous nous lisez, merci encore!!) devrait essayer de nous le ramener en avion. Affaire à suivre donc…

Nous avons quitté Ispahan en fin d’après-midi, nous avons longé le fleuve (à sec) ce qui nous a permis d’admirer les nombreux ponts de la ville et traverser les parcs.

Le soir, nous avons eu la chance d’être accueillis dans une mosquée. On a réussi à éviter de se faire inviter à manger (on ne veut pas trop abuser non plus…) en commençant à cuisiner tôt !

On reprend le rythme de vélo, lever aux aurores pour un départ vers 7h. Nous avons ainsi rejoint la ville de Varzaneh où nous avons dormi dans une guesthouse (nous dormions sur le toit gratuitement, merci warmshowers!). La plupart des touristes étaient français et mine de rien, nous qui ne voyons habituellement aucun touriste, on était contents de pouvoir partager nos expériences de voyages. J’ai eu une bonne migraine le soir (petite insolation probablement) et nous avons repoussé notre départ au surlendemain. On a profité de cette journée de repos pour mettre à jour le blog et se promener dans la ville. Une particularité de Varzaneh est que les femmes portent un chador blanc, et non noir.

Dimanche matin, lever 5h pour affronter 65km de désert sans village jusqu’au fameux caravansérail de Khargusi. On était bien lourds avec toute l’eau qu’on avait prise, on n’était pas sûrs de trouver de la bonne eau sur place. On savait qu’il y avait des sources que l’on pouvait filtrer mais l’eau était très salée donc finalement, on ne s’en est servi que pour cuisiner et ce n’était pas plus mal. On aura quand même bu 16l d’eau à 2 dans la journée !

Cette nuit restera probablement dans le top de nos souvenirs. C’était incroyable de dormir dans cet endroit si chargé en histoire et au milieu d’un paysage désertique comme ça. Sans aucune pollution lumineuse, le ciel étoilé était magnifique.

On apprendra les résultats du match au petit matin, quand a la bonne surprise de retrouver Vincent, Diane et d’autres personnes de la guest house qui sont venus admirés le lever du soleil !

A bientôt !

Stéphanie

Au jour le jour

De la Turquie à Tabriz

La dernière fois que nous vous avons écrit nous étions en Turquie, proches de la frontière Iranienne. Une chose très surprenante, la route autour de la frontière est complètement différente entre le côté turc et le côté iranien. Côté turc cela commençait par une montée afin de changer de vallée, ce qui nous permettait de rejoindre un cours d’eau et d’entamer une descente de plus de 1000m d’altitude ! Et vu qu’on descend doucement le long d’une rivière, ca nous prendra toute la journée 🙂

Côté turc on est sur une grosse route dans des vallées plutôt larges, pas d’arbres en vue mais il y a de la végétation et le paysage est plutôt vert. Côté iranien, la route est bien plus étroite, la vallée aussi, et les montagnes alentour sont raides et rocheuses.

Les quelques photos du côté turc:

Le passage de la frontière lui-même mérite d’être mentionné. Un immense bâtiment nous fait face, englobant la totalité de cette route immense mais, surprise ! Il n’est pas du tout terminé, et pour atteindre la frontière, il faut emprunter un minuscule chemin défoncé où tous les véhicules qui traversent se croisent. Il y a énormément de monde à la frontière, et l’organisation n’est pas très simple à comprendre. Comme toujours, des gens hyper gentils nous aident à passer par les bons guichets. Pour la sortie de Turquie, pas de chance, à cette petite frontière le garde ne connait pas le papier qui accompagne nos cartes d’identité. Après consultation de son supérieur, il nous tamponne joyeusement nos passeports… (on voulait éviter pour ne pas avoir de trace de notre passage en Turquie, cela simplifie les demandes de visa pour la Chine, théoriquement ils tamponnent le papier).
Ensuite, il s’agit de passer la frontière avant de rencontrer les gardes iraniens. Stéphanie est dirigée vers un petit couloir, pendant que je passe par une grille avec le vélo chargé.

Bonne nouvelle, tous les véhicules qui passent par là doivent vider leur coffre, et les passager passent par le couloir avec leurs bagages. Mais pour nous, pas besoin ! C’est toujours bien d’éviter les fouilles, surtout qu’on a un drone et qu’on a pas très envie d’expliquer que si, si, c’est légal.

Je me retrouve donc de l’autre côté, mais je ne sais pas où est Stéphanie, et il faut que j’aille donner mon passeport. Je dois alors laisser le vélo et entrer dans le bâtiment. Un homme d’âge moyen et qui a l’air important m’aide, principalement en dispersant les gamins qui s’intéressent d’un peu trop près au vélo pour que je sois à l’aise pour le quitter. Il me conduit au guichet, donne mon passeport au garde, et voilà comment on double toute la file de turcs qui attendent leur tampon. Je ne m’en réjouis pas, car je ne vois pas Stéphanie dans cette queue, et je ne compte pas repartir tout seul ! Heureusement, et tant qu’étranger j’ai droit à un contrôle médical au guichet d’à côté, avec un médecin (?) qui parle bien anglais. Avant de signer je lui explique que ma femme est quelque part, et hop, il fait signe à Stéphanie qui me rejoint et double aussi la queue ! Il nous pose quelques questions (du genre, êtes vous malades, êtes vous allés dans tels pays…), on signe, et il est temps de confier le passeport de Stéphanie au garde. Je récupère le mien, et je retourne auprès du vélo. Mais contrairement à ce que je pensais, Stéphanie ne semble pas me suivre !! En réalité, le garde fera passer le restant de la queue avant de s’occuper de son passeport, donc au final, on culpabilise moins, on aura attendu aussi 🙂

Nous voilà arrivés en Iran. Notre première expérience consiste à changer le restant de nos lires turques en rials iraniens. Alors là vous n’avez pas fini d’en entendre parler, on n’y comprend absolument rien ! (Après une semaine on a enfin saisi toutes les subtilités.) Malins que nous sommes, et munis d’internet, afin de ne pas se faire avoir nous regardons le taux officiel sur xe.com. On nous montre un certain nombre de billets, on explique qu’on en veut deux de plus, et hop on repart millionaires (1.2M). Contents de notre échange, on rouvre le porte monnaie plus tard dans la journée, et on se rend compte que le petit billet bleu qu’on pensait être de la menue monnaie est un billet de… 1M. Autrement dit, on a 2.2M de rials. Celui qui arnaquera un changeur de monnaie n’est pas né, il y a un truc louche.

Le truc louche, le voilà : il y a un taux officiel, fixé par le gouvernement. C’est celui qu’on trouve par exemple sur xe.com. Et puis ensuite, il y a le taux dans la rue, et là c’est la catastrophe. Actuellement le taux du marché noir est proche du double (!!) du taux officiel. Cela veut dire que la situation économique est tellement instable que les gens sont prêts à payer un premium de presque 100% afin de transformer leurs économies en billets $ ou €… Et comme le taux officiel n’est offert qu’aux entreprises gouvernementales, cela veut aussi dire que tous les produits d’import sont désormais deux fois plus chers pour les iraniens… Imaginez un changement comme celui ci en France, tout ça en 3 mois.

Bref, revenons à notre route de montagne iranienne. En Iran les voitures contentes ne se contentent pas de klaxonner, les gens s’arrêtent carrément sur le bas côté et nous stoppent pour nous prendre en photo et nous donner plein de choses ! On y gagne des fruits frais, des concombres, encore plus de fruits frais du jardin etc… Et impossible de refuser !!!

La grande ville la plus proche est un peu trop éloignée pour s’y rendre en une seule journée, on décide d’essayer de camper plutôt. Les bons emplacements ne sont pas nombreux, mais comme toujours quelqu’un va nous aider spontanément. On s’arrête dans un petit magasin afin d’avoir de quoi accompagner nos concombres et nos fruits (!), et le vendeur nous demande où on compte dormir. Il nous propose de rester sur le toit à côté de sa boutique. Parfait !

Il fait extrêmement chaud même tard dans la soirée, on inverse donc nos habitudes en dinant avant d’être douchés, afin d’éviter de transpirer dans nos pyjamas. Plusieurs personnes qui s’arrêtent à la boutique viendront nous parler, tous très gentils et qui insistent pour nous aider. L’un d’eux veut même absolument nous payer une nuit d’hôtel à Khoy, non seulement on ne peut pas accepter, mais en plus c’est la grande ville qui est trop loin pour nous.

Le lendemain, plus de soleil, plus de rencontres, plus de cadeaux ! C’est une journée de grosse route, avec pas grand chose le long de celle ci. Et en plus ça monte pendant un bon moment :/

Pour le déjeuner on s’abrite dans un village minuscule, pour le plus grand plaisir des enfants !

Dans l’après midi nous faisons une pause près d’une gare, et un policier un peu zélé viendra contrôler plusieurs fois nos passeports, nos visas, etc. On pense qu’il s’ennuie beaucoup… Mais en repartant, un autre policier, qui arrête des voitures et qui nous avait vu passer dans l’autre sens nous donne des abricots ! On peut donc dire qu’en moyenne nos interactions avec les forces de l’ordre sont neutres 🙂

Après cette pause on entame une longue descente bien méritée vers la ville de Salmas. C’est notre première ville Iranienne de taille moyenne, on est donc curieux de ce qui nous attend ! Le traffic en ville en Iran est assez particulier, le meilleur résumé est probablement de dire que “tout est permis”. Cela donne lieu à quelques scènes cocasses, comme de voir un véhicule faire demi tour autour d’un panneau demi tour interdit, se trouver nez à nez avec des voitures qui roulent à contre sens, la priorité à droite n’existe pas, 1 cm d’espace vide autour d’un véhicule non plus.

On fait quelques courses en ville et comme il est bien tard, on décide de chercher un hôtel. Nous n’avons pas encore d’internet à ce moment là, et il n’y a rien d’enregistré sur osmand, donc on demande de l’aide à l’un des commerçants. Un des clients insiste pour nous emmener, on essaye d’obtenir de lui qu’il nous montre l’adresse sur la carte, mais malheureusement, ce n’est pas la première fois que ca nous arrive, il ne savent pas trop lire une carte et où l’hôtel s’y situe… On se retrouve donc à suivre une voiture obligée de rouler au pas devant nous, ce qui n’est conforable pour personne. En plus le calvaire durera longuement car l’hotel est tout à l’entrée de la ville ! Nous qui voulions acheter une carte sim ce soir là, c’est tant pis ! La prochaine fois nous finirons nos emplettes avant de demander de l’aide 🙂

Le lendemain est un vendredi, les magasins sont donc tous fermés, décidément la carte sim ca attendra 🙂 L’Iran est décalé de 1h30 par rapport à la Turquie, nous avons donc du mal à nous lever très tôt, c’est dommage car il fait extrêmement chaud en journée et nous aimerions bien partir au petit matin. Ce jour là nous suivons une grosse route, pas si fréquentée que ça mais assez désertique. Le village dans lequel nous comptions nous arrêter s’avère dépourvu de tout commerce, on fera donc notre pause sous la route (!) dans le lit de l’un des nombreux cours d’eau asséchés qui passent dessous. On est à l’ombre, et cela nous laisse le loisir de faire une sieste sans être dérangés.

 

Le soir, nous approchons de Tasuj, qui est une vraie ville, on est donc confiants pour le couchage ! Sur la route, encore une rencontre ! Nous faisons la connaissance de Mohammad. Il travaille à Téhéran mais la maison de ses parents se trouve ici. Il a beaucoup voyagé pour le travail et a souvent été hébergé spontanément, en particulier en Chine. Il tient à conseiller les touristes qu’il croise et dans notre cas, il nous propose de nous attendre à Tasuj pour discuter un peu. En arrivant à la ville, il est bien là et il nous informe qu’il n’y a pas d’hôtel ici, mais qu’on peut venir chez lui ! La générosité incroyable des iraniens n’a pas fini de nous surprendre, ce n’est que le début !

Sa famille habite dans un petit village au pied des montagnes magnifiques que nous avons observées toute la journée. Nous sommes ravis d’avoir l’occasion de nous en approcher ! Surtout que nous pouvons laisser le vélo dans un commerce de Tasuj, et qu’il nous emmène en voiture 🙂

Sur la route nous faisons un arrêt à l’un des jardins familiaux, il y a des centaines d’arbres d’une bonne dizaine de variétés ! Cerises, cerises acides, abricots, figues… Mohammad nous emmène ensuite dans leur village de Tupchi, où nous faisons la rencontre de sa femme et de sa soeur. Nous rencontrerons aussi son cousin, ses parents et sa tante qui viendra pour diner. La maison est magnifique, avec des grands volumes et entièrement recouverte de tapis. Le jardin est lui aussi riche d’arbres fruitiers qu’ils consomment au quotidien. Pour le diner nous découvrons avec joie le Ghormeh sabzi: viande cuite avec des herbes (persil poireau coriandre) et des pois chiches. La cuisine iranienne est beaucoup plus variée que la cuisine turque ! Les herbes et les légumes sont de retour, enfin !! Et même les kebabs sont meilleurs, la viande est marinée et est de meilleure qualité 🙂

Le lendemain nous continuons la route vers Tabriz, durant une partie de la journée nous longeons le lac d’Urmia, qui est presque asséché. Au moment du déjeuner nous nous arrêtons dans une ville qui fût une grande station balnéaire. Aujourd’hui, les plages sont devenues des déserts de sel, les arbres fruitiers meurent à cause du vent salin. Vous devinez pourquoi ? Parce que l’agriculture y puise trop d’eau et que le climat se réchauffe ! Vous pouvez voir sur wikipédia le gif suivant montrant l’évolution en 30 ans.

 

Pour la nuit nous ne parvenons pas à obtenir de planter notre tente dans des vergers, mais heureusement une ferronnerie (gardée toute la nuit !) nous ouvre généreusement ses portes ! Le gardien est extrêmement gentil, ils nous offre plein de choses (encore !) et nous partageons un thé avant de se coucher. Le petit jardin de la ferronnerie est charmant, tout le mobilier a été soudé sur place, il y des bancs qui se balancent, une grande tonnelle, un lit avec un toit (sous lequel nous poserons notre tente) et des balançoires. De nouveau, il y a des arbres fruitiers et un potager, et même un dindon de l’autre côté de la cour 🙂

Dernier jour de route pour Tabriz, avec une bonne partie de la journée sur une bonne grosse route pleine de camions 🙁 Malheureusement il n’existe aucune alternative, alors on prend notre mal en patience 🙂 Nous avons prévu de rester plusieurs jours à Tabriz, et grâce à Warmshowers nous avons trouvé une hôte. Pour la première nuit nous devons prendre un hôtel, mais nous pourrons retrouver Messi dès le lendemain midi !

Notre séjour à Tabriz est totalement sublimé par le fait d’être hébergés par Messi et Ali (et Nazani, leur fille de 9 ans), nous nous joignons à leur quotidien avec grand plaisir. Pour le premier déjeuner, nous rencontrons tous les étudiants du master d’anglais de Messi dans un restaurant du parc El Goli. Le soir, nous faisons un picnic en haut de la montagne la plus proche, le mont Eynali et le lendemain nous avons la chance de visiter ensemble les plus beaux endroits de Tabriz.

Je vous laisse avec quelques galeries de photos de Tabriz. Pour commencer, le bazar:

Les photos avec nos hôtes, le déjeuner, le picnic, et la visite de la ville. Ne manquez pas la mosquée bleue, magnifique !

Quelques photos avec Messi, Ali et Nazani, et d’un déjeuner typique : le abgoosh !

 

 

 

 

 

A très bientôt pour un autre post sur l’Iran, avec des photos encore plus belles !

 

 

 

Au jour le jour

Güle güle Türkiye !

Après un mois et demi à traverser la Turquie d’ouest en est, nous voilà à quelques kilomètres de la frontière iranienne, prêts à quitter le pays. On s’apprête à ne plus rien comprendre à la langue (ni orale et ni même écrite d’ailleurs), réapprendre de nouveaux repères, découvrir une nouvelle culture… que de beaux moments en perspective ! 🙂

Avant ça, je vais vous raconter nos derniers jours en Turquie ainsi que partager avec vous quelques impressions.

A Van, nous passons au pied de l’imposante forteresse qui surplombe le lac.

Quelques kilomètres plus loin, nous retrouvons Ayhan et Gizem, couple de warmshowers fraîchement mariés chez qui on a passé 2 jours. On passe un super moment ! Malgré la barrière de la langue (ils parlent peu anglais, merci google traduction 😉 ), on se sent très vite hyper à l’aise avec eux et leurs amis. C’est chouette de passer de bons moments avec des personnes dont on se sent proches ! 🙂 (message aux amis et à la famille : vous nous manquez !)

 

Le dimanche, on part à vélo avec Ayhan et un de ses amis direction l’île d’Akdamar. On part léger, sans les sacoches. Waouh, le vélo avance tout seul ! A la fin de la journée, on aura réussi à fatiguer Ayhan sur son vélo de course (bon, ok il aura fait 100km et nous 70km), on est fiers de nous ! 😉

Sur le chemin, on s’arrête à un magnifique cimetière seljoukide.

Pendant qu’Ayhan retrouve ses amis, on visite la magnifique église arménienne sur l’île d’Akdamar.

On rejoint ensuite le groupe pour un barbecue suivi d’une séance baignade. Évidemment, je fais partie des motivés pour aller piquer une tête dans le lac. Il est bon de préciser à ce moment du récit que je suis la seule femme du groupe. Ayhan me montre un message via google translate, ça parle de short de bain, pas de soucis lui dis-je en lui montrant mon maillot de bain, “j’ai bien prévu !”. Il insiste, a l’air gêné, je finis par comprendre : je ne peux pas me mettre en maillot de bain, il faut que je porte un short… Il est vraiment désolé, il me prête un de ses shorts de bain (il en a amené plein !).

Là où on est, l’eau n’est pas propre, on prend donc la voiture pour aller quelques centaines de mètres plus loin. La situation se corse, il faut trouver un endroit accessible ET où il n’y a pas trop de monde. Ils ne nous le disent pas mais on comprend clairement que c’est à cause de ma présence : même avec un short, une femme qui se baigne ne va pas de soi (on n’en verra aucune autre). Je propose d’abandonner le bain pour moi mais ils insistent, on finit par trouver une petite crique où je me baigne avec short et t-shirt à l’abri des regards.

Gizem et son amie nous avaient dit qu’elles ne se baignaient pas, on avait compris qu’elles ne savaient probablement pas nager. Je réalise en fait que nager pour une femme ne va clairement pas de soi s’il est si difficile de se baigner… Je suis en colère.

Sur le chemin du retour, on voit un groupe de jeunes (hommes évidemment) en train de se rhabiller en revenant de la plage. L’un d’entre eux ne prend même pas la peine de bien se cacher derrière sa serviette et on le voit cul nu sur le bord de la route. Évidemment, ça ne choque pas, alors qu’une femme en short et t-shirt, c’était déjà trop…

En France, le sexisme m’exaspère chaque jour mais il est souvent plus pernicieux, plus caché… Alors que là, il n’y a aucun complexe : tu es une femme ? évidemment il y a plein de choses que tu ne peux pas faire ! Je hais vraiment ces hommes qui se permettent de priver la moitié de l’humanité de liberté…

Je sais que je ne suis pas au bout de mes peines, demain, j’enfile le voile et une chemise XXL achetée pour l’occasion (mes t-shirts manches longues ne me couvrent pas les fesses) et vais dans un pays où les femmes n’ont pas le droit de faire du vélo (pas d’inquiétude pour moi, en tant que touriste, ça passe) et la liste des interdits est longue…

Sur le sujet des femmes, la Turquie est un pays très contrasté, à un point qui en est très surprenant… Sur la côte, il était normal de croiser des femmes au look totalement occidental. A Diyarbakir, on a vu des femmes aux cheveux courts, une jeune femme assise seule sur un banc dans un parc le soir, deux femmes à la terrasse d’un café où il n’y a habituellement que des hommes… On aura aussi vu des femmes voilées jusqu’au raz des yeux, des jeunes filles déjà voilées…

Sur un sujet proche, on nous demande souvent avec Claude si on est mariés. On répond qu’on l’est sans se lancer dans de longues explications sur ce qu’est un PACS en France. 😉 La question qui suit est “mais il est (ils sont) où le(s) bébé(s) ?” On répond qu’il y en n’a pas. Notre interlocuteur est désolé, triste voire même gêné pour nous. Il nous demande alors “c’était quand le mariage ? – oh, il y a un an – aaah, yeni, yeni” c’est-à-dire, c’est nouveau, l’espoir est sauf, ça devrait bientôt arriver ! Parfois, Claude reçoit un petit signe qui veut dire “allez, au boulot”, charmant… Évidemment, on ne mentionne pas le fait qu’on est et vit ensemble depuis bien plus longtemps !

 

Ces dernières semaines, nous avons donc traversé le Kurdistan, ou, selon le langage officiel, le “Sud-Est de la Turquie”. Reconnaitre le nom Kurdistan reviendrait à reconnaître qu’il existe des kurdes, ce qui est évidemment impensable. Si vous voulez en savoir plus sur la situation, je vous recommande (encore) l’excellente série du magazine les jours. Je vais vous livrer ici quelques observations que nous avons faites en tant que voyageurs à vélo.

Plusieurs fois, des personnes nous ont fait part de l’oppression que fait l’objet des kurdes par le pouvoir actuel : absence de démocratie, présence policière importante à certains endroits, langue kurde interdite à l’école et culture qui se perd… Par exemple, la ville de Diyarbakir a été mise sous tutelle par Ankara alors qu’elle était dirigée par deux maires HDP. Le HDP est le parti de gauche pro-kurde (dont les élus fonctionnent toujours en binômes h/f), aujourd’hui accusé d’être complice du PKK, il est souvent traité de terroriste et la plupart de ses cadres sont en prison. C’est ainsi que le candidat à la présidentielle du HDP a fait campagne… depuis la prison ! Ce genre d’oppression ne se limite pas à la communauté kurde. Nous avons par exemple rencontré des alevis, minorité qui pratique un islam très libéral (femme égale de l’homme, ne prient pas à la mosquée, ne font pas le ramadan…). Ils sont accusés de ne pas pratiquer un islam “pur” et sont eux aussi opprimés. Certains d’entre eux font par exemple semblant de faire le ramadan en public et ne parlent jamais du fait qu’ils sont alevis…

Pendant notre traversée du Kurdistan, nous avons rencontré des personnes clairement politisées à gauche (Che Gevara tagué sur les murs en signe de révolution, concert de klaxons à Diyarbakir quand le camion du HDP passe, signe de paix/révolution fait par les jeunes…) comme des kurdes beaucoup plus conservateurs qui nous disaient fièrement soutenir leur cher président. Une fois de plus, la situation est très contrastée.

 

Dimanche dernier, se déroulaient les élections législatives et présidentielles. Je ne sais pas si c’est à l’approche des élections où parce que l’on était au “sud-est” de la Turquie mais  les partis politiques étaient beaucoup plus présents : banderoles dans les villes, camions des partis qui passent  avec sonos à fond… Clairement, pour imaginer, il faut oublier toutes les règles d’équité entre les candidats qui existent en France. Et ce, à tel point qu’à J-9 des élections, les temps de parole sur les télés d’état se répartissaient de la sorte : #Erdogan et alliance peuple : 67h58′ #Ince et CHP: 6h43′ #Aksener et IYI: 0’12’ #Demirtas et HDP: 0 #nocomment

Avec notre carte sim turque, on a même reçu des textos qui nous encourageaient à voter Erdogan !

Pour faire court, on a été ultra déçus des résultats puisqu’Erdogan a été élu dès le 1er tour (il y a encore pour cette élection des soupçons de fraude). Les points positifs sont que la victoire a été courte malgré une presse complètement acquise au pouvoir actuel, et que le HDP a réussi à franchir la barre des 10% pour les législatives au national (s’ils ne l’avaient pas, ils ne pouvaient pas siéger à l’assemblée, les régions qui avaient voté HDP auraient alors “élu” comme députés le 2nd candidat, c’est-à-dire souvent le candidat AKP).

Ci-dessous, la carte des résultats des élections présidentielles. En orange, les provinces où Erdogan est arrivé en tête, en rouge Ince (CHP, parti de centre gauche) et en violet Demirtas (HDP, parti de gauche pro-kurde). Il est facile de voir les différentes Turquie. Une telle polarité questionne sur la stabilité d’une telle société…

La très mauvaise nouvelle de ces élections est que le régime devrait continuer à se durcir et ce, d’autant plus avec la mise en application du dernier référendum. On finit donc notre séjour turc tristes et solidaires de tou.te.s les ami.e.s turc.que.s rencontré.e.s ces dernières semaines…

 

On reprend la route de Van vers la frontière iranienne. On passe par la route la plus directe, le poste frontière est plus petit mais Ayhan nous assure qu’il n’y a pas de problème. Au contraire, il nous déconseille la route qui passe par le nord en raison des montagnes qui sont dangereuses. Une recherche sur google nous le confirme, il y a eu récemment des affrontements entre le PKK et l’armée. On évitera donc la zone.

On longe un lac, les paysages sont encore grandioses. Il fait chaud malgré l’altitude, ça monte et on a le vent en face. On n’avance pas très vite, on préférait sans les sacoches ! 😉

On s’étonne de ne pas voir tant de militaires que ça à l’approche de la frontière. On en a quand même vus un certain nombre sur les derniers kilomètres (on est à 25km environ de la frontière). On s’arrête à la dernière ville avant la frontière. On préfère éviter le bivouac dans ces zones, on demande s’il y a un endroit où dormir. On nous indique la maison des profs qui doit héberger profs et instits pendant l’année scolaire. C’est parfait, on a une chambre avec dortoirs pour la nuit. En dinant, on réalise que nos voisins ont un pistolet à la ceinture… ce n’est pas la première fois qu’on en voit mais ça fait toujours bizarre et n’est guère rassurant. On va se coucher, une bonne journée nous attend demain !

Au jour le jour

Voyages en bus

Après la semaine passée en compagnie de Julie, qu’elle va vous raconter dans son article prochainement, nous reprenons un peu le bus pour parcourir les grandes distances du Kurdistan turc.

Julie a pu prendre un bus pour Erbil depuis Diyarbakır, et nous décidons de nous y arrêter quelques jours afin de visiter la vieille ville. Cette ville a été le théâtre de nombreux affrontements ces dernières années et elle en reste balafrée. La moitié de la vieille ville est complètement bloquée. Les bâtiments ont été pour la plupart très endommagés et il n’a pas encore été question de rouvrir à la population cette large portion de la ville.

La présence policière et militaire est très visible, des tanks sont présents aux grandes intersections, et beaucoup de patrouilles ont lieu. Il est aussi notable que de nombreux blocs de la ville sont des terrains militaires cloisonnés par des murs et des barbelés.

Cependant la ville est extrêmement agréable ! C’est la première ville de Turquie où l’on se sent aussi bien, les mœurs sont plus libres, la joie ambiante est palpable, la population assez jeune et les rues hyper vivantes. Il y a même… un restaurant végétarien !!!

Notez que durant tout ce que je raconte dans cet article, je suis malheureusement affaibli par une turista dont j’aurai bien du mal à me débarrasser, c’est pour ça qu’il s’écoule beaucoup de jours mais que, somme toute, il y a peu de photos et de choses à raconter 😉

C’est aussi pour cette raison que nous décidons de rester à l’hôtel, mais nous n’avons pas manqué de contacter la communauté warmshowers locale ! Ferat et son association de vélo mettent à disposition une chambre pour les cyclistes de passage au sein de leur atelier ! C’est super pratique, même si on n’en a pas profité on a eu le plaisir de passer une soirée avec lui et l’un de ses amis.

Ils organisent des sorties à vélo et l’ambiance à l’air drôlement chouette ! Ils nous ont raconté une excursion au Kurdistan irakien ainsi qu’en Géorgie. Voici leur page Facebook, et quelques photos de Diyarbakır.

Après Diyarbakır nous prenons de nouveau un bus direction le lac de Van. Notre première escale sera à Tatvan, sur la rive ouest du lac. C’est un lac un peu bizarre, il est immense et a été formé par l’éruption d’un volcan qui a bloqué l’eau dans ce bassin gigantesque. Ce qui est inattendu c’est qu’il ne s’écoule nulle part ! Aussi, c’est un peu une mer, l’eau est salée et basique, pour votre culture cela s’appelle un lac endoréique 😀

Nous nous arrêtons à Tatvan justement car le volcan responsable de cette noyade de dimension quasi biblique se trouve juste à côté. Son cratère est gigantesque et abrite quelques lacs, l’un bleu et froid, l’autre vert et chaud ! Par contre pour y accéder c’est un peu coton… Le vélo étant clairement exclu (pas fous hein !), on décide de tenter de faire du stop. On se prend un petit dolmuş jusqu’à l’entrée de la route qui monte, on se fait prendre en stop assez rapidement mais… jusqu’au village 3km plus loin.

Il s’avère que la plupart des voitures s’arrêtent là, et peu de monde entame l’ascension du volcan lui même. On a beaucoup de chance car on aura finalement attendu que très peu (peut être 30min ?) et une voiture de 4 jeunes qui partent justement pic niquer dans le cratère s’arrête et nous embarque ! En plus du transport sympathique, ils nous proposent de partager leur picnic (pastèque et poulet grillé au barbecue mobile :p), nous initient à des danses folkloriques et nous font visiter les différents lieux géothermiques du coin ! Bref on passe une superbe journée dans un cadre magnifique et en très bonne compagnie 🙂

En quittant Tatvan pour aller vers Van, nous prenons le ferry qui traverse le lac. C’est depuis celui-ci que je vous écris. C’est un train-ferry, qui assure la liaison des voies de chemin de fer de chaque côté, car le projet du train Trans Asiatique passe justement par là. Ce train d’Istanbul à Singapour n’existe toujours pas, mais de nombreuses sections sont prêtes. Jusqu’en 2015 la ligne Ankara – Téhéran fonctionnait, et pour raccorder les morceaux les wagons prenaient le bateau !

Les ferry les plus anciens mettent 4.5h, deux nouveaux ferrys ont été construits qui traversent en 3.5h. Malheureusement, depuis que la ligne ne fonctionne plus seul le fret emprunte ces navires, et on vous laisse voir ce que ça donne avec cette très belle série de photos par Stéphanie !

On vous embrasse et à bientôt chez nos Warmshowers de Van !

Au jour le jour

Cappadoce

Claude vous a raconté notre arrivée mouvementée en Cappadoce, je me charge de vous conter la suite :

 

Pour les plus curieux, voici le blog des motards (ils font des superbes vidéos !) : http://bonnieandklyde.ch/

Et quelques photos en bonus :

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On vous écrit toujours un peu en décalé (ça prend du temps mine de rien !), on vous donne rendez-vous bientôt pour le récit d’une semaine entre Gaziantep et Nemrut Dagi avec Julie ! (spoiler : on a passé des superbes moments et après 15 ans d’abstinence, Julie est devenue une adepte du voyage à vélo !)

++

Steph

Au jour le jour

Plaines anatoliennes

Après Pamukkale, la route jusqu’à Kaklic n’était guère réjouissante : une grosse route la plupart du temps ou à défaut des détours qui montent/descendent dans des chemins… On longe un énoooorme parc photovoltaïque, je suis impressionnée par l’essor des énergies renouvelables en Turquie : je n’avais jamais vu autant d’éoliennes que sur la côte près de Cesme, des pans de montagnes entiers sont recouverts de panneaux PV, la plupart des maisons sont équipées de chauffe-eau solaires et on a croisé une gigantesque installation de géothermie avant Pamukkale.

 

Bon an mal an, on est content quand la 2×2 voies (avec un bas côté quasi aussi large qu’une voie complète) se transforme en 2×7 voies !! Un bas côté sépare une 3 voies et une 4 voies, on se retrouve tout à droite avec juste un tracteur qui nous dépasse de temps en temps !

La suite de l’itinéraire ne nous amuse guère : encore 20km sur cette grosse route avec aucune alternative… On tente le stop sans succès, on n’arrive pas non plus à trouver de bus adéquat. Résignés, on s’apprête à repartir quand on réalise quand on a traversé plusieurs fois des rails depuis ce matin, on trouve la gare, un train part demain matin pour Dinar, parfait ! On essaie de négocier l’installation de la tente sous le auvent de la gare, ça ne marche pas. On fait le plein d’eau et on se dirige vers la sortie de la ville. Une femme nous prend en photo depuis son jardin, on fait 1/2 tour et on lui demande si elle connait un endroit où l’on peut planter la tente. Son mari arrive, il passe un coup de fil et nous emmène à un parc caché de la route. On était passés devant sans le voir, il a appelé la mairie et les gendarmes, il n’y a pas de soucis, on peut y passer la nuit ! Il y a de l’eau et des toilettes que l’on peut utiliser dans un grand bâtiment public à côté, parfait !

Sonia et Pirmin nous rejoignent. Ils s’installent eux aussi dans le parc, abandonnant l’idée d’avancer sur la grande route le soir (ils vont aussi en Cappadoce mais par un itinéraire différent du notre). La femme et l’homme qui nous ont aidés nous apportent des fruits, on passe un bout de soirée avec eux, on discute aussi avec leur nièce qui vit en France via whatsapp.

Pendant la nuit, on est réveillés par un tambour qui passe et repasse à deux pas de la tente. Il n’y a pas de doute, on veut nous réveiller !! Cela fait plusieurs nuits que j’entends de tels bruits (à côté de Claude qui dort profondément), une petite recherche google confirme mes soupçons : pendant le ramadan, les “tambours du ramadan” sillonnent les rues pour réveiller les habitants pour qu’ils puissent manger leur dernier repas avant le jeûne de la journée. La tradition serait en train de s’éteindre selon les articles que je lis, elle semble cependant bien active dans les campagnes que l’on a traversées !

Le lendemain, nous prenons le train pour Dinar après une mini négoce avec le contrôleur pour embarquer le vélo (il n’y a quasi personne dans le train donc on ne gêne vraiment pas). Le trajet, en plus de nous éviter la grosse route, nous épargne quelques centaines de mètres de montée, nos jambes en sont d’autant plus satisfaites !

 

Nous voilà donc propulsés sur le plateau Anatolien ! Il est 10h30 et à notre plus grande surprise, on ne meurt pas déjà de chaud ! Le climat est bien différent, on peut reprendre un rythme normal sans avoir besoin de se lever à 5h du mat pour éviter les chaleurs du milieu de journée.
On traverse des champs de pavot, l’orage approche, on se réfugie sous un abri bus où l’on oubliera nos cuillères.

Le soir, à défaut de bon bivouac, on s’installe à côté d’une station essence. On est choyés avec du thé et de la pizza pide chaude qu’on nous apporte ! Le lendemain matin, je range tranquillement les affaires pendant que Claude va chercher les cuillères, si vous avez raté cet épisode, Claude vous raconte tout !

On passe les jours suivants à traverser d’énormes plaines agricoles, qui, selon les vallées peuvent être magnifiques (montagnes, blés qui ondulent sous le vent, palette de couleurs incroyable…) comme franchement ennuyantes (ça me rappelle la Beauce !).

Heureusement que notre petite enceinte est là, on finit (enfin !) les 3 mousquetaires (@Cécile, on a beaucoup aimé !!) et on enchaîne les podcasts d’Arte Radio notamment la super série “Que sont-ils devenus ?”. Pour vous donner une petite idée de ce que c’est de pédaler dans de telles immensités, un petit extrait en vidéo :

Quand on est arrivés en Turquie, on nous avait prévenus, il existe 2 Turquie : celle de la côte, de l’Ouest, européenne, laïque, et celle d’Anatolie, paysanne, conservatrice (même si évidemment, il ne faut pas en faire des généralités absolues). On oppose par exemple souvent Erdogan qui vient d’une famille paysanne anatolienne au milieu intellectuel libéral laïc de Turquie. Clairement, on est dans la 2ème partie de la Turquie : les villages vivent de l’agriculture exclusivement, les rares femmes que l’on voit dans la rue sont voilées… à ce propos, Claude vous avait parlé des cafés où des “personnes” passent leur journée à boire du thé (pas trop en ce moment puisque c’est le ramadan) et à jouer à des espèces de dominos. En fait, ces personnes sont exclusivement… des hommes ! Autant vous dire que je me sens parfaitement à l’aise quand on s’arrête prendre un thé…

A ce propos, on prend l’habitude de ne pas cuisiner le midi et de s’arrêter dans de petits restos (où je suis encore la seule femme comme vous avez pu le deviner !). On rentre dans les cuisines pour choisir ce que l’on veut manger, le contenu peut cependant rester parfois assez énigmatique. C’est ainsi que je me suis retrouvée avec dans la bouche, une énorme cuillère de soupe aux tripes d’agneau. Quelle ne fût pas ma surprise ! Je crois que je n’ai jamais été aussi écœurée de ma vie, Claude ne s’en remet toujours pas de la grimace de dégoût qui a traversé mon visage. Heureusement, le reste était un pur délice ! Et voici en images, une autre surprise gustative :

Un autre midi, nous avons traversé un petit village dont le seul endroit pour manger était la petite épicerie où le jeune qui y travaillait nous a préparé des “toasts” : pain grillé, ketchup et quelques bouts de saucisse piquante. Heureusement qu’on avait des réserves, on s’est rattrapés au goûter ! Clairement, il n’y a pas beaucoup de touristes qui doivent passer par ici. On devient vite l’attraction du village et deux jeunes viennent nous voir pour nous proposer de passer à leur école. Leur prof d’anglais au téléphone nous invite au collège.
Nous sommes reçus par une petite délégation (principal, principale adjointe), la prof d’anglais fait office d’interprète. Je suis finalement assez étonnée, nous ne sommes pas spécialement là pour parler aux enfants comme je me l’imaginais, l’équipe éducative veut juste nous dire bienvenue et discuter avec nous. Ils nous demandent notamment quelle image de la Turquie nous donne les médias. On se demande un peu où va nous mener cette conversation, le sujet des médias est assez délicat en Turquie puisque la liberté de la presse n’existe plus et que les médias étrangers sont accusés de complicité avec les terroristes (un exemple récent) par le gouvernement… On n’ose pas trop aller plus loin dans la conversation même si nos interlocuteurs ont surtout l’air de critiquer les médias turcs ce qui est plutôt rassurant.

A ce sujet, la situation politique en Turquie est vraiment gravissime, les droits de l’homme sont bafoués chaque jour : nombre d’universitaires, journalistes ou encore magistrats sont en prison et la torture est revenue dans les commissariats. Si vous voulez en savoir plus et comprendre comment le pays en est arrivé là, je vous conseille vivement les enquêtes sur la Turquie du journal Les Jours (très bon magazine de manière générale, on s’est abonnés et on ne regrette pas !). Internet est aussi fortement contrôlé comme en atteste ces captures d’écran quand j’essaie d’accéder à Turkey Purge et à son facebook, site qui répertorie les violations des droits de l’homme en Turquie (j’ajoute aussi une capture d’écran du site accessible).

Et pour vous donner un exemple moins subversif, Wikipédia est aussi interdit ici. Il arrive parfois que le gouvernement coupe les accès aux réseaux sociaux comme whatsapp ou twitter, Claude a installé un VPN qui nous permet de contourner ces limitations.

Des nouvelles élections auront lieu à la fin du mois, l’enjeu pour Erdogan est d’être réélu pour que les changements de constitution votés au dernier référendum s’appliquent, la Turquie deviendra alors un régime présidentiel où il aura (quasiment) les pleins pouvoirs. Cependant, l’opposition s’organise et il est possible que cela ne se passe pas comme il a prévu, du moins on l’espère… On ne voit pas beaucoup de signes de cette campagne à notre niveau, il n’y a aucune affiche électorale, parfois des drapeaux de soutien à l’AKP (le parti d’Erdogan) mais rien de plus dans les rues du moins. Et à part avec l’un de nos hôtes, aucun turc ne nous a parlé de politique, on a essayé (très) doucement à plusieurs reprises mais sans succès, on se demande donc ce que pensent les turcs que l’on rencontre, quel degré d’informations ils ont sur la situation…

Revenons à nos moutons et à l’école qui nous a accueillis. Après notre discussion, on prend une photo avec les enfants et on retourne à la place faire le plein en eau et prendre une glace (on n’a pas beaucoup mangé avec tout ça !). On réalise qu’on est samedi, on demande aux jeunes quels jours ils avaient école mais nos niveaux respectifs de turc/anglais ne nous ont pas permis d’être très concluants….

Sur la place, plusieurs personnes nous mettent en garde, “köpek köpek”, si on veut continuer dans la direction prévue (où l’on sait qu’il y a au moins 30km sans aucun village), il faudra affronter le… chien (köpek en turc) ! On ne sait pas vraiment s’il y en a un ou plusieurs et où il sera/sont mais ce qu’on a bien compris, c’est que c’est un gros chien agressif qui semble terroriser tout le village. Ni une ni deux, Claude réalise le pistolet à eau qu’on n’a toujours pas acheté (voir épisode précédent) en perçant le bouchon d’une bouteille. Un turc nous fait signe que notre arme de niveau 1 ne sera clairement pas suffisante contre ce chien de niveau 12, il va nous chercher un énorme bâton. On prend notre courage à 4 mains, je m’installe avant avec d’une main la bouteille, l’autre le bâton. On a l’impression d’aller voir le boss final d’un jeu vidéo ! Des enfants nous accompagnent pendant la montée, on se dit que le chien doit être un peu plus loin.

kopek

On attaque la descente, on arrive dans une magnifique vallée, les blés brillent et ondulent sous l’effet du vent (à voir dans la vidéo ci-dessus), il y a une espèce de gros tas de cailloux rouges, on espère que ce n’est pas le terrier du chien, il serait vraiment gros… En fin d’aprem, toujours pas de chien en vue, un orage approche, on pousse un peu sur les pédales, on n’a pas vraiment envie d’être dessous au milieu de plaines… On croise un mini village, un paysan rentre ses vaches, il nous parle en français ! On traverse le troupeau, une vache nous observe, curieuse, elle avance vers nous puis… court vers nous ! Mais elle ne serait pas en train de nous charger ?! On accélère, on la distance et elle finit par s’arrêter en poussant un terrible meuglement… On n’aura pas rencontré le terrible köpek mais on aura eu notre dose de gros animal méchant ! Après une bonne journée, on atteint un village où l’on trouve un garage abandonné où l’on peut s’abriter de l’orage. On voit des éclairs qui illuminent toute la vallée, c’est magnifique ! (et ce, surtout quand on est au sec !)

Le lendemain, on bivouaque dans une splendide vallée, des bergers viennent nous voir et nous demandent qui on est. Ils comprennent qu’on est des touristes et donc qu’on ne représente aucun danger pour leurs brebis, ils s’assurent qu’on a bien mangé et nous montrent où est leur maison en cas de problème.

Le jour d’après,on aperçoit une cigogne dans un champ, puis une 2ème, une 3ème… mais c’est que ce champ est rempli de cigognes !! Et encore mieux, une 30aines d’entre elles forment un magnifique ballet dans le ciel ! On ne voit pas grand chose mais ça donne déjà une idée, c’était magnifique !!

cigognes

Puis on attaque une belle montée. On passe de micro-villages en micro-villages sans voir ni restau ni épicerie comme on en a l’habitude. A l’heure du déjeuner, Claude demande à un employé de banque (groupama semble ultra présent pour les coopératives agricoles) s’il y a manger quelque part dans le village. Il nous amène un thé, nous dit de ne pas bouger et part. Il revient quelques minutes plus tard avec son fils et nous fait signe de le suivre. On est en fait invités à déjeuner chez lui !! On rejoint sa maison sous le tonnerre, et un tel déluge qu’on est obligés de s’arrêter à mi-chemin pour éviter les gros grêlons qui nous tombent dessus.  On passe un super moment avec sa famille, Claude gère le turc et on arrive à avoir de petites conversations. On apprend ainsi que la plupart de ces villages sont (quasi) déserts l’hiver pour fuir les hivers rigoureux. Les habitants redescendent dans la vallée et ses villes. Cette famille a ainsi 2 maisons. On croise pas mal de camps avec de grandes tentes le long de nos routes ainsi que des mini-bus qui transportent des travailleu.ses.x aux champs (il y a aussi des femmes cette fois), on devine que ce sont des personnes qui n’ont pas les moyens d’avoir 2 maisons (hypothèse à confirmer cependant).

On repart pas très sereins avec l’orage qui semble s’éloigner. On guette régulièrement les cumulonimbus, on aperçoit de plus en plus d’éclairs. On fait une pause dans un village, les hommes sortent de la mosquée. On se ravitaille à l’épicerie du coin, je paie une broutille, l’un d’entre eux nous a en fait offert discrètement nos courses (on le voit payer l’épicier un peu plus tard). Ils nous demandent où on loge et nous invitent à la mosquée. Là, c’est le luxe ultime, on est accueillis dans un appartement, la femme de l’imam nous apporte une délicieuse soupe et surtout… on prend une vraie douche… chaude !! Décidément, quelle incroyable journée !! On repart requinqués avec une belle rose au guidon offerte par la femme de l’imam.

On reprend la route direction le “Tuz Gölü”, le lac salé qu’on attend depuis plusieurs jours ! On espérait le traverser mais manque de bol, la route est inondée… La route alternative est une autoroute sur 60km, on choisit l’option taxi ! Le lac est rose, ça nous rappelle la Bolivie, c’est superbe ! Vu la vitesse à laquelle on roule sous l’orage et la pluie battante, on se demande s’il n’aurait finalement pas été plus sécurisé de rouler nous même le lendemain… 😉 On finit par arriver sains et sauf à la grande ville suivante où l’on prend un hôtel.

Le lendemain, l’orage nous surprend le midi (ça change !), on a du bol, on est dans un village alors qu’on a roulé dans les champs toute la matinée. Il n’y a pas de restau et l’épicerie était quasi vide, heureusement on a toujours des trucs qui trainent au fond des sacoches :

L’aprèm, notre roue libre arrière râle, on s’arrête un petit moment chez un paysan pour la réparer. Elle a l’air de tenir… jusqu’au lendemain où clairement, il y a un problème. L’axe de notre roue arrière est cassé (on vous racontera les détails techniques une prochaine fois), on prend un taxi pour faire les 25kms qui nous séparent de Nevsehir, une grosse ville de Cappadoce. On s’en sort pas si mal d’avoir une (grosse) casse maintenant, on avait prévu de se poser plusieurs jours en Cappadoce (mine de rien ça fait 3 mois qu’on roule !).

J’ai été bavarde aujourd’hui, j’espère que vous serez allé.e.s jusqu’au bout ! 🙂 J’ai un peu changé le format en ajoutant des courtes vidéos au cours de l’article, je suis preneuse de vos retours. Et encore merci pour vos commentaires, ça nous fait super plaisir à chaque fois !! Et pour ceux qui nous lisent sans oser écrire, vraiment n’hésitez pas ! 🙂

A bientôt pour la suite ! (et ce n’est pas que je fais durer le suspense, à l’heure où je vous écris, je ne sais pas quand/comment on pourra repartir, mais… on a de bons espoirs !)

Stéphanie

PS : depuis que j’ai écrit cet article, bonne nouvelle, on devrait pouvoir repartir ! 😀