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Au jour le jour

Vues Afghanes

Désolé pour la longue période sans publication, au Tadjikistan après Dushanbe l’internet n’était pas assez rapide pour nous permettre d’éditer nos articles. Nous avons dû attendre d’être au Kirghizstan !

Au départ de Dushanbe il existe deux routes pour rejoindre la région du Pamir. Le Pamir désigne la chaîne de montagnes qui termine l’Himalaya à l’ouest. C’est plus ou moins un plateau à une altitude de plus de 3500m. La région à l’Est du Tadjikistan s’appelle officiellement GBAO, c’est à dire Gorno-Badakhshan Autonomous Oblast (Oblast en russe c’est une région administrative). Cette région regroupe toute la partie montagneuse et est plus ou moins “autonome”, cela représente 45% du territoire et… 3% de la population. On retrouve ici toutes les subtilités du découpage des régions qui date de l’URSS. Les ethnies ne correspondent pas forcément au découpage des frontières… Quelques exemples :

– Dans la ville de Boukhara en Ouzbékhistan la langue la plus parlée est le tadjik. La seconde est le russe et la troisième l’ouzbèke. En gros la région est historiquement un empire persan (les Samanides) et la langue tadjik est très proche du persan. Cette région est aujourd’hui encore la source de tensions entre le Tadjikistan et l’Ouzbékhistan. C’est en 1924 que le Tadjikistan est formé en tant que république soviétique propre, et à ce moment là hop, la région de Samarcande et Boukhara n’y a pas été rattachée (possiblement en représailles d’une révolte). Pour vous donner une idée des tensions actuelles, la frontière la plus proche de Samarcande que nous avons pu emprunter a réouvert en mars 2018… Les photos des présidents Tadjik et Ouzbèke se serrant la main qui la décorent sont donc d’un symbolisme conséquent.

– La région de l’est du Pamir n’aime pas beaucoup le président, les gens sont d’ethnie kirghize et n’hésitent pas à parler de la région comme étant kirghize. C’est plus ou moins subtil, par exemple la télévision chez les gens ne s’intéresse qu’aux diffusions kirghizes. Un homme de Murgab qui parlait bien anglais et curieux de notre voyage nous a même demandé dans quel pays nous allions après le Kirghizstan ! Et les chapeaux kirghizes y font leur apparition 🙂

Pour ceux qui aimeraient creuser le sujet, cet article wikipédia est instructif.

Revenons à nos moutons, et à nos deux routes pour quitter Dushanbe. La route du nord est plus courte mais pourtant moins fréquentée. Cela s’explique par son état de surface désastreux et son dénivelé très important. Les voitures et camions utilisent donc plutôt la route du sud, qui traverse la région du Kathlon, via les villes de Dangara et Kulob. Les cyclistes, avertis de ce qui les attend dans le Pamir préfèrent en général la route du sud, mais depuis l’attentat autour de Dangara (voir notre article précédent), cet itinéraire est moins emprunté.
La plupart des cyclistes que nous avons rencontrés ont donc emprunté la route nord, certains autres, dont nous mêmes, ont décidé de prendre un taxi pour sauter cette portion (surtout les jours suivant l’attentat). En pratique cela nous permettait aussi de sauter une portion de route difficile et de passer plus de temps dans l’est du pays, tout en arrivant à temps au Kirghizstan pour rejoindre Baptiste et Marion !

Nous nous rendons donc à la station de taxi consacrée à la direction du Pamir, nous arrivons par la petite entrée et c’est assez amusant, on dirait un immense garage pour 4×4 à ciel ouvert !
On explique qu’on souhaite se rendre à QalaiKumb, 4 ou 5 chauffeurs nous font des propositions et nous décidons de suivre l’un d’entre eux sur l’argument objectif qu’ils nous paraît plus sympathique que les autres 😀

Le chargement du vélo se passe bien, pas de démontage en deux parties nécessaire ! Le départ est programmé pour dans une vingtaine de minutes. On s’arme de pain, coca et d’eau pour un trajet qui peut être long. On parle de moins de 400km, mais en pratique ça peut prendre 8h…

Notre chauffeur ne trouve personne dans la gare qui aimerait se joindre à notre convoi, et on récupère donc deux enfants de son village qui patientaient avec nous, visiblement sans garantie de pouvoir monter si un client qui paye s’était montré (?). Ils s’installent à l’arrière dans l’espace restant à côté du vélo, nous partons, il est 11h40. Je précise que nous sommes assis tous les deux à l’avant, autant vous dire qu’on est un peu serrés, et au milieu on profite des coups de coude du chauffeur chaque fois qu’il passe une vitesse 🙂 On profite aussi de la musique locale, mais ça c’est partout dans la voiture !

Notre chauffeur effectuera plusieurs pauses plutôt amusantes. Lors de la première il négocie puis charge plus de 20kg de raisins, il a probablement l’intention de faire son commerce une fois arrivés, dans le Pamir on ne trouve pas beaucoup de produits frais ! Lors d’une seconde pause, il achète dix pastèques gigantesques. Pour charger le tout, il fait plus attention à notre vélo qu’aux enfants, et c’est nous qui les aidons à réorganiser l’espace afin qu’ils n’en aient pas de partout à leurs pieds ou sur les genoux…

Nous effectuons une pause déjeuner aux alentours de 15h dans un bouiboui de connaisseurs : il n’y a aucune indication que c’est un restaurant. Végétariens de l’Asie Centrale (trop risqué pour moi. Aussi Steph reste dégoûtée de la viande depuis la Turquie), nous demandons des lagman sans viande, et c’est très bon, même si la viande est simplement retirée de nos bols avec plus ou moins de talent. Les lagman, vous ne le savez pas encore mais vous connaissez peut être déjà, c’est une orthographe différente de “ramen”, c’est donc un bol de soupe avec des légumes et des pâtes allongées maison. Après Kulob, nous passons un col dont le sommet correspond au checkpoint d’entrée dans le GBAO. Après un contrôle de nos passeports et de nos permis spéciaux, nous entamons la descente. Le paysage est complètement différent de ce côté, et on aperçoit pour la première fois l’Afghanistan. En effet, à partir de maintenant et durant toute la durée de cet article, nous longeons la frontière entre le Tadjikistan et l’Afghanistan. Cette frontière est marquée par un fleuve, le Panj.


L’asphalte disparaît environ 20km avant QalaiKumb et notre chauffeur nous explique que la route est vraiment pourrie, comme ce que nous parcourons actuellement, jusqu’à Roshan, soit là où il habite. Nous arrivons à QalaiKumb à 19h30, et il fait déjà nuit. Notre chauffeur nous propose de pousser jusqu’à son village et de dormir chez lui (sans payer l’hébergement). Le vélo n’est pas prêt à rouler, il fait déjà nuit donc nous aurons du mal à trouver un emplacement où camper et cela veut dire que nous allons devoir payer un hôtel. On décide de continuer avec notre chauffeur en payant un peu plus (à peu près autant que ce que nous aurait couté de dormir à QalaiKumb). Quelques minutes plus tard nous nous arrêtons pour le dîner. Cette fois pour des végétariens c’est pas gagné… Kebab au menu, et c’est tout ! La cuisine est à cours de pain, heureusement qu’on en avait acheté avant de partir 🙂
On se contente donc d’une soupe aux légumes… avec le goût de viande évidemment !
Nous repartons, notre chauffeur nous indique que l’on peut s’assoupir, lui ne s’endormira pas. Sur une route normale on aurait du mal à le croire, mais vu sur quoi nous roulons, il est forcé d’être dans un état de concentration extrême et l’adrénaline doit le garder en pleine forme. Une heure plus tard nous sommes bloqués car deux camions se font face, et ne peuvent pas se croiser. Toutes les voitures sont bloquées en attendant. Là normalement vous vous dites qu’à force de manœuvres la situation va se débloquer, mais absolument pas. Il fait nuit noire, le bord de la route est un à pic qui plonge droit dans la rivière, et les camions sont munis d’une remorque, ce qui rend toute manœuvre fort délicate. Notre chauffeur entame une sieste (en écrasant de son siège les enfants à l’arrière), et nous attendons. Il s’écoule une heure complète avant que le camion aval n’abandonne et se range sur le côté afin de laisser passer le trafic de voitures. Nous repartons, mais pour notre voiture plutôt large, croiser les camions s’avère un peu coton. Notre chauffeur assure, il est très prudent depuis le début du trajet et on l’apprécie d’autant plus dans ce moment 🙂 On ne vous cache pas qu’il n’est pas facile de dormir dans une voiture qui tremble quand on est collés à deux sur un siège qui ne peut pas s’allonger car notre vélo est juste derrière. C’est vers minuit et demie que l’épuisement finira par agir et nous dormons tous les deux jusqu’à arriver… à 2h30 du matin.
Bilan, 600km, 15h de taxi. On rêverait presque d’une autoroute ;)Notre courte nuit chez le chauffeur est très agréable, nous dormons sous une tonnelle à l’extérieur. Leur quartier d’hiver est une maison traditionnelle du Pamir, la pièce principale comporte 5 colonnes et un plafond caractéristique. C’est un peu long à décrire mais vous pouvez voir les photos. Les colonnes portent les noms de personnages sacrés de la tradition Alévi, l’emplacement auprès de l’une d’elle est réservé au chef du village, il faut donc éviter de s’asseoir au hasard ;)Épisode amusant, Stéphanie souhaitant prendre une douche, une femme l’emmène dans la salle de bain, puis s’enferme avec elle. Elle la fixera durant toute la durée de sa toilette… Manque de pudeur ? Curiosité de voir si les Européennes sont faites pareilles ? On ne sait pas !

Le village où nous dormons est en réalité un peu avant Roshan (25km) et s’appelle Shitz. Nous prenons la route qui redevient rapidement de l’asphalte (miracle !). Juste après notre départ nous rencontrons Chris, un cyclo allemand. Nous nous retrouvons un peu plus loin lors de notre pause goûter du matin, et nous déjeunons avec lui une fois arrivées à Roshan. Nous trouvons un petit restau très bien qui nous sert un plov sans la viande et une assiette de frites, super ! Le plov c’est pareil, en fait vous connaissez : le mot ressemble beaucoup à pilaf. C’est un plat de riz ! Avec des carottes (des raisins secs en principe, mais en pratique il faut avoir de la chance) et un micro bout de viande si on est pas végétarien.

Un peu plus loin nous croisons un checkpoint, c’est celui qui se trouve au pied de la jonction avec la vallée de la Bartang. Cette vallée est la plus sauvage du coin, il n’y a presque aucun trafic, de nombreuses rivières qui peuvent être profondes à traverser, et la route est très mauvaise. Au checkpoint nous croisons notre premier groupe de motards. Ils sont 8 ou 10 en moto cross, et suivis par un pickup qui transporte leurs affaires.

Nous continuons la route et traversons quelques villages. On croise régulièrement des enfants très gentils ! On voit aussi des enfants… de l’autre côté de la rivière ! En effet la vallée est super étroite à ce niveau, et les villages Afghans alternent avec les villages Tadjik. Très peu de choses distinguent les deux côtés de la vallée et les images d’un pays en guerre sont bien loin ici… Les enfants Afghans comme les Tadjik nous font coucou, se baignent dans la rivière. On voit l’activité dans les champs de la même façon que de notre côté, et les hommes qui transportent le foin nous apparaissent de loin comme des bottes de foin qui marchent !

Le soir nous nous arrêtons dans une village et plantons la tente dans le jardin d’une dame adorable, elle nous a même fait une petite liste de vocabulaire Anglais – Tadjik – Pamirski.

Nous arrivons à Khorog autour de l’heure du déjeuner. Nous hésitons à nous arrêter pour la nuit, mais nous pouvons tout aussi bien faire un longue pause et repartir en milieu d’après midi. L’hôtel où les cyclos se retrouvent est plutôt éloigné du centre, ce qui ne nous arrange pas puisque nous avons quelques courses à faire. Nous décidons donc de ne pas dormir sur place, et nous dirigeons directement vers le centre. La première étape est le bazar, qui se trouve à l’entrée de la ville du côté où nous sommes. Nous faisons la connaissance de Christine et Bruno, deux cyclos partis avec un tandem muni d’un panneau solaire pour le suntrip. Malheureusement leur véhicule n’était pas assez stable et ils ont dû continuer avec deux vélos droits.

Il y a beaucoup de vélos dans cette ville, c’est vraiment le point de passage obligatoire ! Au bazar nous trouvons du fil de pêche (pour la couture de pneu, Steph est une experte !) ainsi que de la super glue. Pas de piles de bonne qualité en vue par contre… Nous passons à la banque pour échanger nos euros, mais c’est impossible car nous sommes un jour de week-end !

Direction le centre ville pour rendre visite au PECTA. C’est le centre d’information touristique de la région, mais plus important, ce sont eux qui délivrent les permis pour accéder à la réserve naturelle du lac Zorkul, par laquelle nous avons l’intention de passer. Les contrôles sont très légers, donc on choisit de payer pour deux jours chacun, même si ça risque de nous en prendre trois plutôt.

Nous nous installons sur la terrasse d’un restaurant qui donne sur la rivière, ils proposent une sorte de sandwich grillé dont, miracle, il existe une version végétarienne ! Évidemment c’est un peu chiche, mais on complète notre repas par une assiette de frites ainsi que… une crêpe !

En repartant nous visitons l’un des supermarchés de la ville où Stéphanie se rend pour faire des courses pour quelques jours. A priori on ne trouvera pas de magasin avant Ishkachim. En repartant nous nous engageons dans la vallée de la Wakhan.

La route qui s’appelle la Pamir Highway est la route principale, aussi appelée M41. C’est la route qu’emprunte les camions et la plupart du traffic. Il existe deux autres vallées (dont la Bartang croisée plus haut) qui traversent le Pamir, ainsi que quelques itinéraires bis. La vallée de la Wakhan est la plus au sud, elle longe le fleuve Panj et donc la frontière Afghane.

Si vous regardez une carte vous verrez qu’à ce niveau en Afghanistan commence un appendice étrange, c’est le corridor de la Wakhan. Ce bout de territoire très isolé dans les montagnes est le résultat d’un accord de 1865 entre les Britanniques et les Soviétiques qui avait pour objectif de mettre fin à la guerre diplomatique intense qui a eu lieu durant tout le 19e siècle en Asie centrale. Cette compétition est plus connue sous le nom de “Grand Jeu”, et son histoire est très bien racontée dans un livre que mon père m’a offert avant le départ et que je vous recommande chaudement ! Ce territoire allongé jusqu’à rejoindre la Chine sert donc de tampon entre deux empires qui ne pouvaient supporter de frontière commune !

En cette fin d’après midi, nous parcourons seulement quelques kilomètres avec un vent de face assez fort. La route est assez escarpée et les lieux de camping ne sont pas légion, nous nous arrêtons donc dans un village pour essayer de planter la tente dans un jardin. Le plus difficile dans ces cas là est de réussir à refuser l’hospitalité, que cela soit de dormir à l’intérieur ou bien de la nourriture. Les gens sont extrêmement généreux, et il faut savoir se montrer ferme ! Notre méthode consiste à insister pour planter la tente dans le jardin, et de commencer à cuisiner rapidement (quitte à se doucher une fois la nuit tombée). Avoir notre maison et notre dîner prêts permet de refuser plus facilement ce que nos hôtes souhaitent nous offrir ! D’autant plus que la vie dans le Pamir est rude et les gens ne sont pas très riches, on ne voudrait pas abuser !! En général on repart quand même avec quelques tomates, des pommes ou bien des mûres séchées. La spécialité du coin sont les amandes de noyaux d’abricot, mais celles ci sont toxiques à haute dose (cyanure) alors on limite notre consommation 😉

Lorsque nous repartons le lendemain matin le vent est heureusement retombé. Nous longeons la vallée étroite du Panj avec de jolies vues sur l’Afghanistan.

Sur la route nous croisons un groupe d’enfants et ados un peu méchants, du genre à bloquer la largeur de la route et à nous lancer des cailloux quand nous passons sans nous arrêter. Inutile de préciser que ce n’étaient que des garçons. Le plus étrange c’est qu’ils se baladaient à pied alors que le prochain village était à environ 10km.
Quand nous arrivons dans ce village il est l’heure pour nous de trouver un endroit où dormir, une dame nous propose un hôtel mais l’ambiance ne nous plaît pas trop, en plus le groupe de jeunes vient de se faire déposer par une voiture. On a absolument aucune envie de participer à la vue de leur village vu comment ils se sont montrés désagréables. C’est une motivation suffisante pour continuer notre route jusqu’au prochain village où nous pouvons nous installer dans le jardin d’une dame très gentille (on réussit à n’accepter qu’un délicieux demi pain ;)).

Le lendemain nous croisons sur notre route une source chaude que nous avions repérée sur la carte. Elle est gratuite et en plein air, mais l’eau n’est qu’à 25 ou 30°C, pas assez pour nous convaincre de piquer une tête !

Nous arrivons à Ishkachim le midi, la banque est donc fermée mais nous voulons encore changer nos euros ! L’activité avec l’Afghanistan existe un tout petit peu ici, puisqu’il y a un marché hebdomadaire transfrontalier. Il se tient sur une île au milieu du Panj, sur laquelle ne se trouve sinon qu’une base militaire. Il a lieu tous les samedis matins mais malheureusement nous ne sommes pas là le bon jour (et on apprendra plus tard que le samedi suivant il était exceptionnellement annulé).

Pour patienter nous nous installons dans un restaurant voisin, mais tout ce que nous parvenons à commander sont des assiettes de frites ! Ça nous convient même si elles ne sont pas excellentes… Nous croisons un second groupe de moto cross, qui déjeunent là aussi.

Une fois la banque ouverte, évidemment impossible de changer des euros mais on me renvoie vers une autre, Amonat. En route nous en trouvons une troisième, ils annoncent leur taux pour les euros, mais évidemment on me refuse le change. Je demande alors où se trouve la banque Amonat et ils me garantissent qu’il n’y en a pas à Ishkachim. C’est un peu un classique du coin, les gens ne savent pas ce qui se trouve dans la ville, même dans la rue à côté, mais ils sont prêts à vous jurer que c’est introuvable. En général il suffit de trouver un autre interlocuteur,  en l’occurrence une dame dans la rue qui m’emmène très gentiment jusqu’à la banque. Elle est vraiment cachée, mais, surprise, il y a un distributeur ! On me refuse encore le change (même des dollars…) mais je repars content car je peux ajouter la banque et son distributeur sur openstreetmap, ce qui rendra la vie plus facile des futurs touristes. On change quelques dollars avant de repartir enfin ! C’est un peu un autre classique du coin, ce qui devrait être facile et rapide prend beaucoup de temps, mais on est pas pressés 😉
Pour dormir ce soir là on se rend sur un spot de camping sauvage indiqué sur notre carte, il a été ajouté récemment sur OSM. C’est pas mal du tout à part qu’il y a beaucoup de moustiques :/
Un peu plus tard un motard arrive, Nikolas, nous prévient que deux autres personnes sont en route, puis repart. En réalité il est reparti voir deux cyclistes qui cherchaient aussi un endroit où camper un peu plus haut, super sympa de sa part ! Nous faisons alors là rencontre de Silvia et Vlad, un couple roumain. C’est assez drôle car on a déjà entendu parler d’eux via Gabriel, ils s’étaient croisés en Turquie, donc ils sont connus pour nous !!
En repartant le lendemain nous les précédons car en général nous sommes plus lents, cependant en raison d’une crevaison ils ne nous rattrapent qu’au moment du déjeuner. Après ce moment nous resterons ensemble pendant plus d’une semaine !
Nous dormons le soir dans le village de Yamchun, dans le verger d’une famille. La fille de la famille, qui doit avoir environ 12 ans parle très bien anglais ! Elle dit qu’elle apprend à l’école, mais nous sommes très impressionnés !
La route dans le Wakhan n’est pas de bonne qualité, l’asphalte disparaît quelques kilomètres après Ishkachim et laisse place à une piste difficile. En plus ils ont visiblement eu la drôle d’idée de recouvrir la terre avec des graviers, ce qui améliore certainement la situation pour les voitures, mais rend la route horrible pour les vélos. De même, les portions en sable ne gênent probablement pas tant que ça les 4×4, mais à vélo ils sont impassables !
Pour compenser, les paysages sont exceptionnels !
Par contre cela met nos pneus à rude épreuve et nous crevons, c’est malheureusement le pneu arrière qui est déchiré sur la bande de roulement, Stéphanie va nous recoudre tout ça ! C’est un travail difficile pour lequel elle est à présent devenue une experte, mais comme vous pourrez le voir ce n’est pas le pire cadre pour s’y atteler ; )
Nous arrivons à Langar le soir, mais nous avons bien conscience que nous ne pourrons pas continuer notre route sans un pneu de rechange… La couture, bien que savamment exécutée, ne durera pas longtemps sur ces routes !!
Dans le prochain article on vous raconte la suite, et comment on se prépare pour 8 jours d’autonomie dans la nature pour rejoindre Murgab !
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Hommage

Notre voyage a été marqué par un événement tragique auquel nous désirons consacrer cet article. Nous avons préféré attendre avant de publier cet article pour ne pas inquiéter nos proches qui n’auraient pas vu la nouvelle.

Le 29 juillet sur la route sud entre le Pamir et Dushanbe, un groupe de 7 cyclistes a été attaqué par une voiture terroriste. Le conducteur a renversé 6 membres du groupe, puis les passagers de la voiture ont attaqué les cyclistes à coup de couteau.

Trois personnes sont mortes sur place, une quatrième sur la route de l’hôpital. Les deux autres ont survécus à leurs blessures, et enfin, le septième se trouvait un peu en arrière et a découvert la scène après l’acte. Ce dernier cycliste est un Français avec qui nous étions en contact via les groupes Whatsapp.

Nous consacrons cet article à la mémoire de ceux qui sont morts dans cette attaque dramatique :

Les compagnes de ces deux derniers ont survécu à leurs blessures, on leur souhaite de surmonter cette épreuve le plus rapidement possible…

La communauté des cyclos a honoré leur mémoire en accrochant un tissu, blanc si possible, sur le vélo… et bien entendu en continuant le voyage !

Nous avons été très touchés par cet acte qui a visé des personnes qui nous sont très proches même si nous ne les connaissions pas. Bien entendu, les attaques terroristes à Paris nous avaient marquées aussi. Mais cet acte très proche de nous et de notre façon de voyager nous a démontré que les terroristes s’attaquent au mode de vie occidental sous toutes ses formes, même si nous avions l’impression d’en être pour quelque temps assez détachés. D’autre part, le sentiment sécurisant d’être une personne parmi des millions lorsque nous étions à Paris n’est plus valable ici, puisque 500 à 1000 vélos traversent cette région chaque année.

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Les cols des Fanns

Ca y est, nous sommes au Tadjikistan ! Avant de vous en dire plus, quelques mots de contexte. Dans la communauté des cyclovoyageurs, il existe quelques routes mythiques. Parmi elles, se détachent trois : la Carretera Australe (Chili), la Karakoram highway (plus haute route au monde entre le Pakistan et la Chine, peu empruntée en ce moment même si C&C l’ont prise) et la fameuse Pamir Highway (2ème plus haute route au monde) qui se trouve au Tadjikistan !
Rentrer dans ce pays n’est donc pas anodin pour toute personne qui a passé un peu de temps à lire sur des blogs de voyages à vélo ! On sait que nous attendent des paysages à couper le souffle qui seront atteints grâce à de difficiles coups de pédales sur des routes non asphaltées à plus de 4000m d’altitude.
Avant d’entrer dans le Pamir sur la fameuse M41, récit d’un début en douceur de la frontière Penjikent jusqu’à la capitale Dushanbe.

On part de Samarcande direction la frontière tadjike. On a fait notre demande de e-visa il y a 3 jours mais avec le week-end, notre dossier n’a pas été traité, on espère que la situation se débloquera dans la journée et au pire, on dormira juste avant la frontière.
Le paysage change déjà, tout est beaucoup plus vert : on retrouve avec surprise des fleuves non asséchés et des bas côtés avec de l’eau qui coule dedans !

On s’arrête faire quelques courses, on résiste aux énormes melons (aussi gros que les pastèques) qui nous font de l’œil. J’en profite pour prendre une photo des bouchers qui vendent du mouton, ce, afin de vous parler des… fesses des moutons d’Asie Centrale ! Comme vous pouvez le constater, les moutons ici ont un énorme bourrelet de peau derrière les fesses. Quand ils sont vivants, ça se balance à chaque pas, c’est assez rigolo. La version carcasse n’en est pas moins impressionnante…

Il est à peine midi et on n’est plus qu’à quelques kilomètres de la frontière, on va s’arrêter déjeuner puis on verra si on arrive à traverser dans l’aprem. On commence à déballer nos affaires, Claude jette un coup d’œil à ses mails et… son visa est prêt ! On vérifie, c’est aussi bon pour Gabriel et moi, tout a été validé il y a 10 minutes ! On remballe tout et on se dirige vers la frontière.
Côté ouzbèke, nos affaires passent aux rayons x (finalement, peut-être que notre drone aurait été bloqué à la sortie ?). Côté tadjike, nos visas sont à peine vérifiés, personne ne jette un coup d’œil à nos affaires. On tend nos passeports au garde à la sortie qui ne les regarde même pas et nous jette un “welcome to Tadjikistan !”, facile ! Un énorme panneau montre la photo des 2 présidents qui se serrent la main, cette frontière n’est ouverte que depuis mars alors qu’elle était fermée depuis des années (entre 8 et 15 ans selon les sources). Le nouveau président ouzbèke semble beaucoup plus ouvert que le précédent, il travaille beaucoup au développement du tourisme d’ailleurs.

La réouverture de cette frontière est très importante pour la vallée de Penjikent qui s’était retrouvée très isolée. On observe d’ailleurs que le commerce a repris, des hommes passent la frontière avec des chariots de melons ouzbèkes. Symboliquement, la vallée renoue aussi avec son passé de route de la soie.
A peine la frontière passée, on est frappés par le changement du paysage : le désert a laissé place aux montagnes !

Après notre pause dej, on s’arrête sur les conseils de Camille et Gaëtan, au site archéologique de Sarazm. On n’aura pas eu la chance d’avoir la visite par l’archéologue mais on est quand même impressionnés par les lieux : une ville était installée là il y a 6000 ans et était un (le plus?) gros centre exportateur de métallurgie de la région.

On s’arrête dans la ville de Penjikent où on s’installe dans une charmante auberge qui a ouvert quelques semaines plus tôt. Le propriétaire des lieux nous donne des conseils pour la rando que nous souhaitons faire.
C’est ainsi que le lendemain, nous abandonnons nos vélos pour partir pendant 3 jours avec Gabriel à l’assaut des cols des Fanns (les montagnes locales). A défaut de bon sac à dos de rando, Claude porte le sac rouge, Gabriel une grande sacoche avec l’accessoire sac à dos et moi le petit sac bleu. Ce n’est pas l’idéal mais ça fait l’affaire ! (nos épaules s’en rappelleront quelques jours tout de même 😉 )

On prend un taxi partagé depuis Penjikent jusqu’à la vallée d’Artush. En début d’aprem, on monte 700m le long d’un cours d’eau qui se transforme rapidement en cascade. Ça monte raide et ce parfois dans le sable et les graviers. On est impressionnés par les petits ânes qui dévalent les pentes chargés de bois ou de sacs. (certaines des photos à suivre sont de Gabriel, merci à lui pour le partage !)

Ils nous font parfois de la peine (et pas qu’un peu), certains maîtres n’hésitent pas à leur donner des coups de bâtons sur la tête, ils ont des blessures…. Nombreux d’entre eux ont aussi les naseaux fendus, ce serait pour faciliter leur respiration, cela ressemble surtout à de la mutilation…
On en verra beaucoup qui portent les affaires de groupes de touristes, on est bien contents de ne pas participer à leur exploitation.

En haut de la côte, nous attend une superbe vallée pleine de lacs. On plante la tente à côté de l’un d’entre eux et on refuse gentiment les invitations des tadjikes à venir visiteur leur magasin “piva (bière), vodka”. Le soleil se couche et on est ravis de sortir nos polaires, ça faisait tellement longtemps qu’on n’avait pas ressenti la sensation de froid ! Même moi en suis ravie ! On se réchauffe auprès d’un feu et on s’endort sous les étoiles. Ayant bu du thé pour prévenir le mal d’altitude (qu’on aura finalement pas ressenti), je me lève la nuit pour découvrir le ciel qui se reflète dans le lac. C’est magnifique !!

Le lendemain, on monte au Laudin pass, on est un peu plus essoufflés que d’habitude en haut mais finalement, on s’attendait à pire. Le paysage est très sec avec plein de nuances de jaunes, gris et rouges.

Quelques heures plus bas, on traverse un camp de vacances russe (point de base pour des sorties d’alpinisme et d’escalade) et une vallée très humide remplie de ruisseaux, c’est très beau !

On arrive au lac Alaudin où on pose la tente pour un 2nd bivouac. On y croisera une petite belette.

Le réveil avec le lever du soleil est superbe. On repart tôt pour l’ascension de l’Alaudin pass qui sera le point culminant de ces 3 jours (3850m). On sait qu’on a une grosse journée qui nous attend : 1100m de montée jusqu’au col puis 1800m de descente jusqu’au camp de base d’Artush.

En haut du col, on sort les manteaux pour se protéger du vent qui fait chuter la température. Les chargements des ânes sont resserrés avant d’attaquer la descente.

On déjeunera en face d’un glacier. On entend à plusieurs reprises des craquements et des gros bruits d’éboulements, probablement des avalanches.

On descend jusqu’au dernier lac, le grand lac de Kulikalon qui est lui aussi magnifique.

On commence à avoir bien mal aux jambes. Chaque arrêt est suivi d’une danse toute particulière que composent les premiers pas. 😉 Il faut bien le dire, avec nos 5 mois de vélo dans les pattes, on s’est sentis bien en forme et… on a un peu surévalué notre forme physique ! On a choisi l’option “grosse journée” mais avec le recul, on aurait s’arrêter dormir au lac et redescendre tranquillement le lendemain jusqu’à Artush en profitant plus du lac.

On poursuit donc bon gré mal gré la descente jusqu’à arriver au camp de base d’où on appelle un taxi. On est épuisés mais heureux !

Sur le chemin du retour, on passe devant la tombe de Rudaki, un célèbre poète persan. La conduite de notre chauffeur est un peu trop sportive à notre goût, surtout qu’il se rafraichit à coup de bière… On sera contents d’arriver sains et saufs à l’auberge ! Ce passage aura en tout cas quelque peu refroidi Gabriel qui, depuis, a troqué son chapeau contre son casque et ne quitte plus son gilet jaune !

On passe la journée du lendemain à se reposer les jambes à l’hôtel et s’occuper des habituelles lessives, mises à jour du blog préparation de l’itinéraire… On a aussi le plaisir de retrouver Mathieu et Sonia qu’on avait rencontrés à Mashad.

Le lendemain, ça y est, c’est parti, on se lance à vélo au Tadjikistan ! On croise plein de veaux, ça doit être la saison. Au fur et à mesure qu’on avance, on voit des taches de couleurs qui bougent dans les champs et qui viennent vers nous : ce sont des enfants qui courent nous saluer ! Ils semblent être habitués aux vélos (alors que la frontière n’a ouvert qu’il y a 5 mois ?!) puisqu’ils nous tendent tous la main pour qu’on leur fasse des “checks”. Il y a vraiment beaucoup d’enfants ici ! Les adultes ne sont pas en reste, dès qu’on passe dans un village, les “welcome to Tadjikistan” pleuvent !

En quelques kilomètres, la vallée se rétrécit et on se retrouve à longer un canyon au fond duquel coule une rivière grise chargée de terre et dont les bouillons sont assez terrifiants. C’est superbe ! On a aussi le plaisir de retrouver… les nuages ! Cela faisait longtemps qu’on n’en avait pas vu, c’est bête mais on se rend compte à quel point c’est beau ces taches blanches dans le ciel !

On voit aussi les premiers camions chinois, c’est normal puisque la Chine est le prochain pays à l’Est mais quand même, ça fait bizarre de se dire qu’on est aussi loin de l’Europe !

Le soir, on se fait accueillir par une famille de paysans, on dort au dessus de l’étable, la vue est superbe ! Une fois de plus, on est dépassés par la générosité des gens et on mange un excellent plov. On croisera furtivement les femmes le lendemain que l’on remerciera chaleureusement. On repartira même avec une crème hydratante russe ! Ils voulaient nous en donner une chacun quand ils ont vu que je me mettais de la crème solaire, on a réussi à en refuser 2 sur 3, c’est déjà ça…

On repart le matin, la vallée est encore très belle. Alors qu’on emplit nos gourdes, des journalistes locaux nous interpellent. Claude pense me refiler le bébé mais finalement, lui non plus n’échappe pas à l’interview ! 😉

La route est connue pour le fameux “tunnel de la mort”, Camille et Gaëtan nous en avaient parlé il y a un an et il alimente les conversation des groupes whatsapp de cyclo. Il fait 5km et n’a pas de système de ventilation et un éclairage limité… autrement dit, on préfère l’éviter ! On fait donc le choix de faire du stop alors que Gabriel souhaite le traverser à vélo. Comme il est précédé d’une grande côte bien raide, on fait du stop avant la côte ! 😉 Pendant la pause dej, on est rejoints par 4 copains (leur site : des rustines et des ailes), ils sont sponsorisés par Décathlon qui se met au voyage à vélo, c’est une bonne nouvelle, vous n’aurez plus ‘excuse de “les sacoches c’est un sacré investissement” pour vous y mettre ! 🙂 Sonia et Mathieu avaient passé du temps avec eux à Samarcande et nous en avaient parlé. Le monde des cyclo est petit !

A ce propos, depuis l’Ouzbékistan, il est devenu courant de croiser d’autres cyclistes. Nous sommes nombreux à faire la route Europe/Asie et la plupart d’entre nous visent l’été pour traverser les cols du Pamir. Avant et après l’Asie Centrale, les choix de routes sont nombreux, mais entre l’Ouzbékistan et le Kirghizstan, il n’y a plus qu’une seule route. De ce fait, nous y sommes très nombreux (surtout quand on ajoute toutes les personnes qui viennent en avion pour l’été) et les auberges sont maintenant remplies de vélo !
Nous nous refilons les bons plans via des groupes whatsapp, il y en a un anglophone et un francophone, ils comptent respectivement 97 et 58 personnes, ça donne une petite idée de l’activité de la région !

Après une longue pause dej, on essaie d’arrêter des camions . Finalement, c’est une voiture qui vient nous voir. On est arrivés à un stade où l’on ne se demande plus si le tandem va tenir dans la voiture et encore moins s’il faut le démonter, avec un peu de corde, ça tient toujours ! 😉

Quelques kilomètres plus loin, on dépasse Gabriel qui pousse son vélo tant la pente est raide,…
Un peu plus tard, on s’engouffre dans le fameux tunnel, l’air est saturé de gaz d’échappements, on ne voit pas loin tant il y a de la fumée… décidément, on ne regrette pas notre choix ! Nos chauffeurs nous déposent à la sortie en insistant pour nous offrir un melon et une pastèque ! Heureusement, il n’y a que de la descente qui nous attend !

C’est assez raide, on se félicite des disques qui refroidissent vite jusqu’à ce que… on perde le frein avant !! Chanceux, cela nous arrive dans une partie peu raide de la descente, on s’arrête facilement. Le liquide de frein s’est mis à bouillir ! On apprendra plus tard que le mécano de Téhéran ne nous a pas mis la bonne huile quand il a fait la purge, grrr…. Heureusement, plus de peur que de mal !
On s’arrête en bas de la partie raide de la pente, une femme nous fait signe de s’installer dans la cour. Elle nous offre un délicieux pain qu’elle fait elle-même ! On lui offre en retour pastèque et 3/4 de melon ! Le long de la rivière, semble se trouver une mine de charbon (les camions sont en tout cas nombreux à en transporter), des particules noires se collent partout en quelques instants. On réalise à quel point on a de la chance de ne pas habiter un tel endroit…

Le matin, pendant que je fais chauffer l’eau pour le thé, Claude guette Gabriel. Il a traversé le tunnel et arrive… tout noir lui aussi !!

On petit-déjeune et on reprend la route, 70kms de descente nous attendent pour arriver à Dushanbe. La rivière est cette fois bleu très clair, c’est beaucoup plus vert. On longe des complexes de vacances avec piscines et transats. La plupart semblent vides voire même abandonnés…

On s’arrête dans une station essence, Claude revient des toilettes en me disant qu’elles sont “bien”. Quand je les découvre, je me dis que nos standards ont bien baissé en quelques jours ! Depuis qu’on est en Asie Centrale, il n’y a plus d’eau courante en dehors des grosses villes. Les toilettes sont donc un trou entre des planches/du ciment. L’odeur y est évidemment nauséabonde… Quant à l’intimité, elle est parfois inexistante puisque plusieurs toilettes peuvent être les unes à côté des autres sans portes voire même sans séparation (mais pour l’instant, on n’a croisé personne, on croise les doigts !) On regrette clairement les toilettes à la turque iraniennes qui avaient toujours un petit jet d’eau !

A Dushanbe, on fait notre “GBAO”, le permis qui nous permet d’entrer au Pamir. Il ne nous coûte que 20 somoni (2€) alors que si on le faisait avec le visa, il coûtait 25$, quelle arnaque ! On reste un peu plus de temps que prévu, aujourd’hui (21) est férié, les magasins de vélo sont fermés et l’on souhaite vidanger nos freins avant d’attaquer le Pamir !

A bientôt !

 

Et une fois de plus, on a eu le plaisir de se rappeler de bons moments grâce aux vidéos de Gabriel :

 

 

On a finalement reçu la vidéo de notre interview, nous voici au milieu d’un long documentaire :

Au jour le jour

Cités mythiques de la route de la soie

Pour ce premier jour en Ouzbékistan nous partons tôt, sur notre itinéraire c’est tout plat, ce qui veut dire que la chaleur reste un paramètre à prendre en compte. La circulation est beaucoup plus faible qu’en Iran, en particulier les motos ont totalement disparues ! Par contre on croise beaucoup de gens à vélo, et pour le transport c’est plutôt des charrettes tirées par des ânes 🙂 Les voitures sont quasiment toutes de marque chevrolet, et même les taxis et bus sont des mini vans très étroits, c’est bien, ça nous laisse beaucoup de place au bord de la route !!

En milieu de matinée nous découvrons notre premier bazar, c’est toujours un moment que j’apprécie particulièrement car ils sont très différents dans chaque pays. Ici, les stands sont très spécialisés, et on trouve de tout dans un petit rayon. Il n’y a pas de ségrégation en fonction du type de bien, à part pour la viande qui demande quelques installations de nettoyage fixes. D’ailleurs pour faire la pub, les bouchers exposent la tête de l’animal abattu, c’est assez impressionnant !

Une autre chose qui change beaucoup d’un pays à l’autre, c’est le pain. En Iran il y avait une variété importante. Ici, les pains se ressemblent plus, mais il y ont des textures et des goûts différents 🙂 Toujours pour la nourriture, le standard ici c’est l’eau gazeuse, il faut insister pour obtenir des bouteilles d’eau plate, et on n’en trouve pas dans tous les magasins !

Lors de notre longue pause déjeuner, on sort de notre demi-sommeil réveillés par un autre cycliste : Daniel qui vient d’Allemagne. Il finira la route vers Boukhara avec Gabriel et nous !

Nous n’avons absolument pas prévu notre arrivée à Boukhara, donc nous sommes bien contents de nous laisser guider par Gabriel et Daniel qui maîtrisent bien le sujet des hostels de la villes. Après une petite balade on se rend compte ensemble qu’en périphérie et dans le centre c’est le même prix. On les laisse s’installer dans les dortoirs chez “Rumi” tandis que nous allons tout à côté dans un hôtel ou il reste des chambres doubles (ça revient au même prix pour nous !).
Après un repos de fin d’après midi nous partons à la découverte de la ville tous les quatre, avant de dîner dans le centre.

Boukhara est une ville très touristique dont le charme est quelque peu atténué par les aménagements qui y ont été réalisés. Lorsque nous visitons la ville le lendemain nous sommes évidemment ravis par l’architecture, mais on trouve un magasin de souvenirs coincé dans chaque recoin utilisable… Bref, on ne peut pas dire qu’on soit déçus pour autant, mais en repartant ce n’est pas notre escale préférée !

Nous dînons de nouveau avec Gabriel, notre espagnol se dérouille petit à petit ! Heureusement, il fait l’effort de parler sans l’accent argentin, ce qui nous permet de comprendre plus facilement, et Stéphanie m’aide pour le vocabulaire 🙂

Pour la route vers Samarcande il y a deux possibilités, nous prenons la route nord tandis qu’il ira par le sud, nos chemins se séparent ici !

Afin de profiter du petit déjeuner et d’éviter la chaleur, nous partons en fin d’après midi. Après une trentaine de kilomètres nous nous arrêtons dans un village pour demander où nous pourrions planter la tente. Nous réalisons alors que la langue étrangère la plus utile ici est le russe… Mon turc ne sert plus à rien ! Le tadjik est aussi compris, c’est plus ou moins utile car cela ressemble au farsi, donc on connaît quelques mots de base.

Mais bien heureusement l’attroupement qui se forme toujours assez rapidement autour de nous finit par réunir un jeune du village qui parle un peu anglais. Il comprend notre requête et après une très courte réflexion nous invite chez lui !!
Il s’appelle Ahmed Ali, il étudie l’informatique à l’université de Boukhara et nous sommes dans la maison de ses parents. Il nous a expliqué que le village où nous nous sommes arrêtés est un village arabe. On a été assez surpris et en regardant à présent je ne trouve qu’assez peu d’informations sur cette communauté, qui semble très réduite !

Comme vous pouvez le voir, la générosité des locaux est toujours aussi exceptionnelle, d’ailleurs on ne tardera pas à renouveler l’expérience, puisque le lendemain il nous arrivera exactement la même aventure, cette fois en demandant à l’intérieur d’un magasin… Durant la journée pas grand chose à signaler, à part peut être le restaurateur qui a essayé de nous faire payer nos heures de siestes en plus de la nourriture (qui ne tente rien n’a rien !). Chez nos hôtes ce soir là on a pu assister à un chantier assez amusant, il semblerait qu’il vendaient leur argile et il y avait donc un groupe de quatre ouvriers en train de fabriquer des briques, remplaçant le fond du jardin par un immense trou 🙂

Nous repartons de nouveau dès potron-minet et lors de notre première pause du matin nous voyons arriver deux cyclistes ! Il s’avère que nous les connaissons puisque ce sont Christine (franco allemande) et Marta (lettonienne) que nous avions croisées devant l’ambassade du Turkménistan à Machad. Elles partent un peu en avant mais on les rattrapera un peu plus tard (!) et nous faisons la route ensemble jusqu’à la pause déjeuner.

Le soir nous nous arrêtons dans un petit village pour faire le plein d’eau, et pas très loin se trouve un très grand groupe de personnes qui semblent attendre, et plutôt bien habillées ! Vous l’avez deviné, c’est un mariage ! Une fois de plus il ne tarde pas à venir des personnes qui parlent le russe (et pas turc :D), et heureusement après quelques minutes un homme qui parle anglais les rejoint ! Il suffit de trois minutes d’échange pour que les doyens nous invitent à nous joindre à la fête !! Les femmes et les hommes ne rentrent pas dans la salle au même moment, et ne sont pas assis du même côté (enfin, si il n’y a plus de place, on peut avoir une table de femmes dans le côté des hommes). Notre traducteur nous explique qu’en Ouzbékistan les mariages réunissent au minimum 300 personnes, et pour les personnes aisées c’est plutôt 1000 ! La salle où nous nous trouvons est donc énorme, et les tables très bien garnies (sans compter les plats qui arrivent ensuite !). Ce qui est très étrange dans tout cela, c’est que le couple se trouve sur le podium et que personne ne semble leur prêter attention… Tout le monde mange tandis qu’ils doivent rester debout à attendre… Pour être très honnêtes, on n’est pas sûrs sûrs que ce soit les mariés, notre traducteur nous a dit “sister and brother in law”. Donc cela pourrait être le frère et la sœur d’un des côtés du couple. Car, détail très important, les mariages se font en deux fois ! Il y a deux soirées successives, chaque côté de la famille invitant l’une après l’autre… Nous en profitons jusqu’au coucher du soleil et comme je suis très fatigué on repart chercher un endroit où planter la tente (Stéphanie aurait bien aimé rester un peu plus longtemps…).

Nous arrivons le lendemain midi à Samarcande où nous nous installons dans un B&B en plein centre qui est très couru par les cyclistes et les participants au mongol rally. Une très bonne surprise nous attend, car un autre pino se trouve dans la cour ! C’est (encore !) un couple de français (on dirait que les pino appartiennent tous à des français), Corinne et Christophe. Ils sont super sympas et on passera quelque temps et repas en leur compagnie 🙂

Dans l’après midi, Gabriel notre ami argentin arrive aussi ! Il était parti un peu avant nous mais en empruntant la route du sud, qui est plus longue et avec plus de dénivelé.

Les deux jours suivants nous visitons Samarcande qui nous émerveille absolument ! C’est une ville exceptionnelle, les bâtiments sont somptueux et le tourisme moins visible qu’à Boukhara (et plus de touristes locaux).

Les sites les plus beaux sont le Registan ainsi que des mausolées.

Les bâtiments les plus anciens remontent à l’époque de Tamerlan, je vous rassure lui aussi c’est un grand, Timour le Grand (ou le boiteux mais je suis sûr qu’il aimait moins cette version). En gros il y a toujours eu des gens dans la région (cf infra le musée du site archéologique local), et puis au 12/13ème Genghis khan a débarqué et a tout rasé/massacré. Histoire de consolider un roman national, Tamerlan a eu droit à un regain de postérité en devenant une sorte de héros fondateur. C’est pas complètement faux puisque depuis cette époque seul le passage du temps a affecté les structures, et la reconstruction et les réparations ont pu être faites par les soviétiques.

Timour donc, fonde la dynastie des Timourides. Il ordonnera la construction de quelques uns des mausolées évoqués plus haut et visibles plus bas, destinés à ses frères et soeurs. Pour lui même il pensait être enterré à Sharisabz (sa ville de naissance, 60km au sud de Samarcande), mais sa mort lors d’une campagne le mènera à un enterrement dans la capitale.

L’un des trois bâtiments du Registan, le plus ancien, a été construit sous le règne de Ulug bek, petit fils de Timour. En 1507 les Shaybanides renversent les Timourides (sans destruction majeure), et le premier de leur dirigeant complète la place du Registan par les deux autres bâtiments qui y sont présents aujourd’hui. Les trois sont des madrasas (écoles religieuses), qui hébergent aussi en leur sein des mosquées, dont la plus grandiose est aussi la plus récente : la mosquée dorée (Tilya-Kori, 1650).

Voici une première galerie avec le Registan, vous devriez reconnaître facilement la mosquée dorée, Stéphanie en a fait des photos incroyables :

Une seconde galerie avec d’autres bâtiments et les mausolées :

Sur la recommandation de Camille et Gaëtan nous visitons aussi le musée de l’afrosyab (un site archéologique, occupé de l’an -500 à 1200). Pour comprendre de quoi il s’agit on vous recommande de visionner la vidéo suivante, qu’on glisse dans l’article plutôt qu’en lien tellement elle est bien faite et hypnotisante (trouvée sur kottke.org, un blog que je vous recommande) :

Nous n’avons pas de photos du musée, mais il présentait de belles céramiques du 10e siècle ainsi qu’une fresque très impressionnante du 7è siècle.

Nous repartons de Samarcande en compagnie de Gabriel, direction le Tadjikistan ! Voici à quoi ressemblent des cyclistes fiers d’être venus jusqu’à cette ville joyau à la force de leurs jambes !

 

En bonus pour les hispanophones (ou si vous aimez les vidéos), la vidéo de Gabriel sur l’Ouzbékistan où l’on nous voit à plusieurs reprises :

 

Au jour le jour

Aperçu turkmène

Du Turkménistan, nous n’en aurons vu que peu puisque nous n’y sommes restés que 4 jours. Voici nos impressions de ce bref passage.

Avant de commencer, il faut vous avouer que nous n’avions pas une très bonne image de ce pays. Il y a 4 ans, quand nous étions allées en Thaïlande, nous avions pris Turkmenistan Airlines (!) et avions fait une escale à Achgabat. Tout le personnel s’était montré particulièrement désagréable et nous n’avions pas réussi à leur décrocher un seul sourire, on en avait déduit hâtivement que les turkmènes ne souriaient pas. Lors de notre escale, on avait discuté avec une française qui en revenait et qui nous avait raconté la folie des grandeurs de leur président, nous avions pu par ailleurs l’observer dans le magazine de la compagnie qui narrait les chantiers les plus pharaonesques les uns que les autres entrepris dans le pays (nos entreprises du BTP en sont ravies, Bouygues est particulièrement bien implanté dans le pays).
Ajoutez à cette première expérience, une bureaucratie délirante qui rend l’obtention du visa digne d’un jeu au loto ainsi que des témoignages de voyageurs sans enthousiasme aucun, cela ne donne pas ultra envie.
Et finalement, nous avons été très agréablement surpris par l’accueil des turkmènes ! La mégalomanie de leur président a quant à elle été à la hauteur de notre imagination !

Mercredi 1er août, premier jour de notre visa turkmène, nous nous levons tôt pour passer la frontière qui ouvre à 7h. Alors que nous attendons que les iraniens commencent leur journée (finalement, c’était peut-être 8h ?), nous sommes rejoints par Gabriel, cyclo argentin que nous avions croisé à la gare routière de Shiraz. On aura le plaisir de passer les jours suivants avec lui et par la même occasion de dérouiller notre espagnol. Si vous voulez vous aussi vous entrainer, voici sa chaîne youtube.

Côté turkmène, les mêmes questions se répètent : où allez-vous ? où allez-vous dormir ? (à cette question, on essaie d’être le plus vague possible comme on ne sait pas si on a le droit de faire du camping ou non) quel trajet prenez-vous ?
Nos sacoches passent aux rayons x, nos médicaments sont soigneusement inspectés. Quelques contrôles de passeport encore et ça y est, au bout de 3h, nous voici “libres” au Turkménistan. La victoire est savoureuse tant ce pays représente une barrière pour de nombreux cyclos.

J’en profite pour enlever mon voile avec un plaisir non dissimulé. L’entrée au Turkménistan marquera aussi pour moi la fin de l’effet “pot de fleurs” : les hommes parlent à Claude et moi (si si !) et n’ignorent pas mes réponse, wouhouh !

Après quelques kilomètres, nous passons le 1er contrôle policier (nous en verrons de nombreux). On en profite pour mouiller nos habits, il est déjà tard et le soleil tape. Les militaires sont très jeunes, le service militaire est obligatoire et la plupart ont 18 ans (ils en paraissent 14 !). La corruption est répandue, l’un d’entre eux essaie de récupérer la montre de Gabriel, il lui arrivera plus tard à deux reprises que certains lui demandent de l’argent.

Dès la traversée du premier village, les habits des femmes nous frappent. La tenue traditionnelle est constituée d’une longue robe avec un col brodé et d’un chapeau droit et allongé de tissu. Les motifs sont très colorés, les formes vont de très amples à très (très) moulantes, qu’est-ce que ça change des chadors noirs ! On verra aussi des femmes aux longs cheveux détachés, des femmes en jean, en shorts, en t-shirts… Bref, elles font (du moins nous semble-t-il) ce qui leur plait ! 🙂 Je vous avoue que j’ai été tentée de moi aussi me faire faire une de ces magnifiques robes pour changer de mes pantalons de rando (sur mesure pour quelques euros) mais j’ai résisté en pensant aux cols que nous allons bientôt devoir attaquer ! 😉
Petite anecdote : on a vu des femmes avec un imprimé de pommes croquées (comme le logo d’apple), la mondialisation est vraiment partout !
Nous n’avons pas pu prendre beaucoup de photos puisque les photos sont simplement… interdites dans le pays ! La plupart sont prises à la dérobée d’où des cadrages douteux, vous pourrez quand même deviner à quoi ressemblent ces tenues.

Le lendemain, en début de matinée, nous croisons des camions et bus remplis de personnes (qui vont probablement travailler aux champs ?), tout le monde nous salue. On est loin de la réputation quasi hostile des turkmènes face aux touristes !
En campagne, pour se protéger du soleil et de la poussière, les femmes comme les hommes ont souvent un foulard sur le visage. Seuls les yeux dépassent, nous adoptons nous aussi cette technique. Finalement, quand il fait très chaud dehors, il fait plus frais sous ces couches qu’avec la peau qui brule au soleil.

L’arrivée au Turkménistan nous frappe par le dépaysement qui nous empare. Les tenues d’abord mais aussi les faciès ont radicalement changé, certains sont très asiatiques avec les yeux en amandes, d’autres semblent carrément russes. Il semble aussi courant de se refaire la dentition en or. Ça y est, nous avons quitté le Moyen-Orient et sommes vraiment en Asie Centrale (oui, oui, et sans avion !!). Nous voyons aussi des dromadaires en liberté dans le désert, c’est magnifique !
On n’a pas pris de photo à ce moment mais en voici une autre d’un troupeau de dromadaires sur une 4 voies.

Notre plus grand ennemi est particulièrement présent aujourd’hui : le vent ! Nous n’avançons pas vite et regrettons les températures clémentes du matin. Nous nous arrêtons en fin de journée pour camper au milieu du désert, Gabriel continue encore un petit peu. Il veut tout traverser à vélo donc doit avancer alors que nous choisissons la solution de facilité en prenant un bus.

Le lendemain, alors que le soleil est à peine levé, nous reprenons la route et… c’est miraculeux ! Le vent n’est pas encore levé, nous allons littéralement deux fois plus vite que la veille, on a l’impression d’être sur une route complètement différente ! En milieu de matinée, nous avons atteint les 60km et la ville de Tenjen où nous prenons un taxi pour Mary. Notre chauffeur joue les guides et nous montre ainsi la plus grande yourte au monde !
Comme prévu, nous y retrouvons Gabriel qui lui a pédalé plus de 120km.

La ville est impressionnante, les boulevards sont gigantesques et… vides ! Ca nous change des embouteillages constants d’Iran ! Les bâtiments sont énormes, en marbre blanc, il y a des lampadaires dorés partout… cela contraste avec les petits villages dont les maisons sont faites de briques et tôles ondulées et les routes en terre que nous avons traversées ! (d’ailleurs, nous verrons qu’il y a aussi des routes en terre au milieu des grandes villes, dans les quartiers résidentiels)

En périphérie des villes, on voit aussi de grands lotissements avec des maisons blanches à toits verts à perte de vue.

Nous n’avons pas vu Achgabat, la capitale, mais elle est elle aussi connue pour ses grandes avenues vides et détient le record de ville avec le plus de marbre au monde ! Deuxième en record en deux jours, décidément les turkmènes les apprécient ! Tout cela grâce à leur président/dictateur qui souhaite régner sur une des plus beaux pays au monde. L’ancien président s’était nommé “Turkmenbashi” (le père des turkmènes), pour vous donner une idée de son égo, il a renommé le mois de janvier à son nom et celui d’avril au nom de sa mère, il s’est fait construire une gigantesque statue en or qui tourne pour toujours faire face au soleil, le livre de référence pour les écoles est le Ruhnama, sa biographie…
Depuis sa mort, son successeur a honoré sa mémoire et a perpétué la tradition. Sa photo est omniprésente, on le voit par exemple trôner sur son cheval à l’entrée d’un hippodrome, dans tous les hôtels, en une des journaux… Maniaque, il aime que son pays soit propre (rappel : on est dans un désert…). Une armée de femmes nettoient en permanence les rues (pour le coup, elles se cachent complètement le visage, on ne voit que leurs yeux), les voitures doivent être propres sous peine d’amendes. On y a échappé mais cette règle s’applique aussi aux vélos, des cyclos ont du nettoyer leurs vélos avant de pouvoir entrer en ville !! Dernière absurdité en date, le président a déclaré que seules les voitures blanches/claires étaient autorisées… Les femmes sont quant à elles interdites de conduite…

Le soir, on a le plaisir d’aller diner avec Gabriel avec… des bières ! Mine de rien, ça fait bien longtemps ! On se prend en photo pour fêter ça, un homme derrière nous nous fait part de son mécontentement, il risquerait d’être dans le cadre. On se tourne un peu pour pouvoir immortaliser la scène sans l’offenser. Ce rapport à la photo est vraiment culturel et contraste avec les iraniens qui ne cessaient de nous prendre en photos ou faire des selfies avec nous. D’ailleurs, à peine aurons-nous traversé la frontière ouzbèke qu’un routier fera un selfie devant nous ! Le soir, on ne tarde pas, il y a un couvre-feu sur l’ensemble du pays à 23h…

Le lendemain, on est réveillés aux aurores par un employé de l’hôtel qui ne semble pas nous croire quand on lui dit qu’on s’est mis d’accord pour un checkout à 10h et non 8h… On se dirige vers la station de bus avec l’espoir de trouver un guide pour aller visiter Merv, ancienne ville prospère de la route de la soie… sans succès. On renonce à visiter le site, il est énorme et ses vestiges couvrant plusieurs siècles nous semblent inaccessibles sans guide (le soleil qui tape doit aussi un peu peser dans la balance 😉 ).
On prend donc le bus pour Turkmenabat, la deuxième ville du pays proche de la frontière ouzbèke.

Quelques kilomètres après le départ, le bus est bondé, des personnes sont debout dans l’allée alors qu’il reste plus de 3h de voyage ! A la radio, les résultats de l’industrie nationale sont annoncés, et ce, même en anglais ! Et évidemment, ils sont excellents ! 😉 ). Un bruit bizarre se fait entendre, le bus s’arrête. On nous annonce qu’un autre bus va venir noue chercher, puis que nous allons devoir retourner à Mary et prendre un nouveau bus demain. On fait 1/2 tour et on se ré-arrête. Et c’est à ce moment que l’on voit sur la route… Gabriel ! Finalement, après quelques réparations, on repart dans le bon sens et arriverons à bon port à Turkménabat.

On dine dans un restau aux allures russes avec musiciens qui jouent alors que nous sommes seuls. On est rassurés quand d’autres personnes nous rejoignent. On se régale avec un bon steak pour Claude et des pâtes carbonara pour ma part. A notre plus grande surprise, on trouve beaucoup de porc et de charcuterie ici !

Le lendemain, on se promène dans la ville. L’influence russe est présente, on visite une église orthodoxe. On va ensuite au marché qui est bien plus animé que la veille (ici, les marchés ferment à 18h ! Quel changement par rapport à l’Iran !). On achète un bout de tissu élastique pour que je me fasse faire un buff (tube de tissu) pour me protéger du soleil (celui que j’utilise en hiver est doublé polaire donc peu adapté pour les températures chaudes). Les femmes de l’atelier sont adorables, refusent qu’on paie et m’en offrent même un supplémentaire… rose !

On essaie de se connecter à internet en allant dans un cybercafé mais le wifi y est interdit aux étrangers. A Mary, on a réussi à se connecter et… tout était bloqué ! Impossible d’accéder à la plupart des ip françaises (lemonde, notre site…) et évidemment aucun réseau social. Décidément, au fur et à mesure que nous avançons, les limitations d’internet se font de plus en plus fortes et mettent à l’épreuve l’ingéniosité de Claude (il fera un article sur ce sujet).

On finit la journée sur une plage du fleuve l’Amudarya, un policier nous rappelle qu’il est interdit de prendre des photos. On reprend la route vers 17h vers l’Ouzbékistan. On souhaite passer la frontière ce soir pour pouvoir rouler tôt le lendemain. On fait le plein d’eau dans une des boutiques qui bordent la route. A ce propos, les billets sont tous colorés et très beau ! En voici une photo (il nous manquait celui de 100 manat qui est bleu).

On rejoint la grande route et là qui voit-on ? Gabriel, encore lui ! On fait un petit sprint pour le rejoindre et on le motive pour venir avec nous (il a plus de 140km dans les pattes déjà !).

Nous passons la frontière sans encombre, les ouzbèkes ne fouillent même pas nos sacs. On en est presque déçus, on aurait pu garder le drone !! On évite de penser aux magnifiques images du caravansérail que nous aurions pu prendre et allons bivouaquer dans le désert après avoir refusé de payer 10$ un “camping” parking.

C’est notre premier bivouac dans un désert de sable ! Claude fait la connaissance d’une énorme araignée qui lui monte sur le pied, plus de peur que de mal ! On s’endort en admirant la voie lactée, demain, on découvre un nouveau pays ! 😀

Et si cet article vous a donné envie d’en savoir un peu plus sur ce pays, on vous recommande la BD “Sables noirs : 20 semaines au Turkménistan” qu’on a eu le plaisir de lire sur notre tablette (merci encore la mairie de Paris !!).

Si vous voulez voir plus d’images, voici la vidéo de Gabriel :

Au jour le jour

Désert et demi

Suite à notre magnifique nuit dans le caravansérail, force est de constater qu’il faut reprendre la route et retourner à la civilisation moderne. Après un lever aux aurores, on a le plaisir de commencer la journée par quelques kilomètres de sable… Mais heureusement que ça ne dure pas 😉

La route s’améliore en partie car elle est empruntée par de gros camions qui ont bien tassé le substrat, on en croise quelques uns et c’est très perturbant : dans le désert, il n’y a aucun bruit, alors on les entend venir de très très loin, et comme ils ne roulent pas non plus très vite sur ce terrain accidenté, on se sent suivis mais il n’y a rien à voir dans les rétros pendant de longues minutes !

Petit à petit on croise de plus en plus d’activité humaine, des mines et des carrières, et l’asphalte réapparait quelques kilomètres avant le premier village. Nous trouvons sans difficulté de quoi nous ravitailler en eau, et un des habitants nous suggère un petit raccourci pour rejoindre notre prochaine étape. Dans cette zone la route principale, qui est assez empruntée, fait un long crochet, on juge donc qu’il vaut mieux rouler sur de la terre pour quelques kilomètres et éviter le trafic. C’est toujours un pari de choisir la route de terre, mais cette fois ça paye !

On rejoint donc la ville de Nadoushan sous un soleil de plomb. Le centre ville a la mauvaise idée d’être en hauteur et cette dernière côte est épuisante ! Deux iraniens sympathiques à moto nous emmène dans le seul (?) restaurant de la ville où nous nous régalons d’un kebab viandes mixtes (le classique.). Ils sont sympas mais un peu collants et veulent absolument nous emmener dans la seule guest house de la ville. On a très bien compris et on leur dit clairement qu’on va rester tranquillement au restaurant puis reprendre la route. Cela ne semble malheureusement pas vraiment les affecter, et ils patientent toute la durée de notre déjeuner avant de revenir à la charge ! Face à notre nouveau refus, ils cèdent.

Dans ce genre de moment on se sent un peu gênés, surtout qu’ils ont patiemment attendu qu’on finisse de déjeuner… Est-ce qu’on a pas été assez clairs la première fois ? En Iran, il y a une règle de politesse dont l’interprétation mène souvent à des situations cocasses, c’est le “Taarof“. Sa manifestation la plus courante est lorsqu’un commerçant refuse votre paiement. Il convient d’insister, et normalement la situation se débloque. Mais ça, c’est le cas le plus facile. Parce que comme on est des touristes, parfois on veut vraiment nous offrir les choses. Comme le dit notre hôte ici à Machad “There are nos that mean no and nos that mean yes.”. On trouve des témoignages amusants sur internet des premières expériences des touristes avec cette courtoisie persane, par exemple un taxi qui refuse le paiement, mais sort enragé du véhicule lorsque le touriste s’en va en effet sans payer 🙂

L’après midi s’écoule tranquillement et nous reprenons la route, la ville de Nadoushan se vante d’être le centre géographique de l’Iran, donc nous sommes officiellement dans l’est du pays ! Nous nous arrêtons dans le petit village suivant après avoir croisé une très belle mosquée isolée dans la montagne.

Pour camper, on nous propose un abri sympathique mais un peu trop en vue à notre goût, et nous sommes un peu l’attraction. Nous décidons donc de diner et d’aller voir plus loin où camper ensuite. L’endroit où nous dinons est tout à côté du lavoir, et de nombreuses femmes s’y rendent. Elles paraissent relativement timides, en tout cas elles ne viennent pas nous parler. Lorsque nous avons terminé, Stéphanie s’éloigne pour s’occuper de la vaisselle pendant que je prépare nos sacoches, et là, toutes les femmes se jettent sur elle ! Elles sont très curieuses et ont plein de questions, comme beaucoup de personnes que nous avons croisées dans notre voyage. Seulement, il y a une zone de sécurité de 2m autour de l’homme, et il leur était impossible de venir nous voir avant… C’est très triste :/ Je reste donc bien à l’écart pour leur permettre de discuter. Cela nous est arrivé de nouveau depuis, chaque fois que je m’éloigne une nuée de femmes curieuses viennent parler à Stéphanie, et si je m’approche tout le monde retourne poliment à ses activités, bien loin de nous, et du grand méchant loup (bibi). Steph : à chaque fois que ça nous arrive, ça me rend extrêmement triste. Ces femmes ont tellement envie de me (nous ?) parler mais ne conçoivent pas de le faire tant que Claude est proche malgré mes signes pour montrer qu’il n’y a pas de problème pour continuer de discuter entre nous même s’il est là.

Notre plan camping s’avère parfait car à la sortie du village nous trouvons un paisible parc public. Lever aux aurores pour la dernière étape vers Yazd. La journée commence par une longue descente où nous avançons à 30 km/h sans effort, on se dit que c’est gagné d’avance et qu’on va arriver tôt. Mais notre chance tourne avec le vent qui s’installe bien en face de nous, la pente s’inversant aussi on tombe à un triste 8 km/h 🙁 L’entrée dans la ville s’avère très difficile, notre petite route étant supprimée et remplacée par une bretelle menant à la voie expresse. On choisit de galérer un peu pour ne pas emprunter de route dangereuse, mais cela nous force à traverser des chantiers et des terrains très cabossés. La conduite dans les villes iraniennes étant un sport bien à part, on arrive un peu rincés dans un salutaire bar à jus, où l’on se requinque à coup de smoothie melon orange ou banane. On contacte plusieurs guest house et on retrouve le propriétaire de la backpack guesthouse qu’on avait croisé au caravanserail. Il nous offre un bon prix et on s’y installe !

La ville de Yazd est superbe, c’est un dédale de petites ruelles, couvertes car il y fait une chaleur insoutenable (même pour des iraniens !). “La ville du désert” est riche en tour de vent nommées bagdirs, cela donne de très belles perspectives. Le fonctionnement repose sur la capture de la moindre brise de vent pour faire circuler l’air dans les pièces de vie. La version avancée combine les bagdirs avec le second système de refroidissement de la ville : les qanats. Ce sont des tunnels sous terrains en pente douce et qui arrivent directement de la montagne. Ils permettent de capter les nappes phréatiques, car celles ci montent avec la montagne. Il y a donc un endroit où le haut de la nappe phréatique est plus haut que le sol de la ville à alimenter. C’est le point de départ du qanat ! Ce système d’irrigation permet de disposer d’eau fraiche et potable. Pour le système de climatisation, en faisant circuler les brises d’air chaud au dessus du qanat, on provoque l’évaporation d’une partie de l’eau, ce qui refroidit l’air (c’est le principe de la transpiration). Dernier bâtiment spécifique à la vie dans le désert, les Yakhchal. Ce sont des frigos qui servaient à stocker de la glace, même en plein été.

Pour les versions modernes de ces quelques systèmes, sans surprise on retrouve les ventilateurs, les frigos et les congélateurs. Plus surprenant, pour la climatisation ici il existe un système inconnu en Europe ! En effet l’air étant extrêmement sec, pas besoin de cycle thermodynamique complexe et de machine à fabriquer du froid pour faire de l’air frais : il suffit de faire passer de l’air au travers de l’eau, et toujours par évaporation, on obtient un courant d’air frais ! Cela s’appelle un climatiseur par évaporation en France.

La ville n’est évidemment pas dépourvue de bâtiments historiques, dont la mosquée “du vendredi” qui a les plus hauts minarets du pays. Nous avons aussi pu visiter le musée de l’eau, qui explique en détail le fonctionnement et la construction des qanats.

Au départ nous pensions aller de Yazd vers Shiraz à vélo, mais la première moitié de l’itinéraire est vraiment désertique, avec un vide d’un peu plus de 100km. Nous avons donc choisi de prendre un bus jusqu’à la ville de Pasargad. Sur cet itinéraire se trouvent deux sites antiques magnifiques, le premier donc est le site de l’une des capitales de l’empire de Cyrus le Grand, Pasargades. C’est le fondateur de l’empire perse, stratège de guerre de réputation inégalée (admiré par Alexandre lui même, entre “le Grand” on se serre les coudes), membre de la dynastie des Achéménides. On est au 5ème siècle av J.C. et après lui règneront plusieurs rois (dont Xerxès qui est plus connu j’ai l’impression) avant que les grecs ne viennent faire le ménage en 330 av J.C., menés par Alexandre.

Cyrus a la réputation d’être très ouvert, et de vouloir intégrer et assimiler toutes les cultures des pays conquis. Il a aussi la réputation d’avoir libéré les juifs de Babylone lors de sa conquête de la ville (c’est l’ancien testament qui le dit). Donc les sites archéologiques sont très intéressants, car on retrouve des éléments et des fusions des styles architecturaux de nombreuses civilisations antiques. Le vestige le plus notable est la tombe du monsieur, dont les proportions sont probablement à la hauteur du prestige de son patronyme.

Les successeurs de Cyrus de la dynastie des Achéménides, à commencer par Darius (son neveu), ont voulu eux aussi prouver leur grandeur en construisant une ville royale dans le coin. Ils ont donc déménagé 60km plus au sud, et fait construire des palais à Persepolis. Il nous a semblé comprendre qu’ils utilisaient en fait les deux sites, se déplaçant pour l’été et pour l’hiver. On a pas vraiment compris quelle différence météorologique il peut y avoir avec une telle proximité, mais il y a sûrement une très bonne raison. Pour nous rendre de Pasargades à Persepolis nous empruntons la route principal jusqu’à la ville la plus proche. Ce sera notre étape pour la nuit, nous ne parvenons pas à trouver de parc pour camper ni d’iranien qui parle suffisamment bien anglais. Les personnes qui nous aident nous emmènent dans une guest house très jolie mais hors de prix. Après négociation on s’installe pour la nuit.

 

Le lendemain nous arrivons à Persepolis aux alentours de midi, et nous nous attendons la fin d’après midi à l’ombre des pins. Pour ce genre de visites cela vaut vraiment le coût en général de prendre un guide, et ici, contrairement à l’acropole à Athènes, ce n’est pas totalement hors de prix.

Notre guide nous fournit des explications excellentes (il faut dire qu’elle est diplômée d’archéologie), ça nous change des volontaires dans les sanctuaires qui en général fournissent des commentaires du genre “This is very old. This is the door. This is gold. This is the oldest part. Please take picture.”. En ce qui me concerne la visite de Persépolis m’a marqué comme le plus beau site archéologique que je n’ai jamais vu (Je crois que Stéphanie a des souvenirs d’Abou Simbel en Egypte qui lui font concurrence). C’est véritablement exceptionnel. La partie la plus intéressante est justement un témoignage de l’ouverture et de la diversité de l’empire Perse : une fresque représentant 23 délégations des peuples constituant cet empire, chacun avec leurs caractéristiques physiques, leurs habits, et les présents qu’ils apportent au roi.

En ce qui concerne les fouilles, les plus belles pièces découvertes sont exposées au British Museum, le Louvre dispose de quelques éléments, le Pergammon à Berlin aussi, mais ce dernier dispose surtout des trésors d’une autre capitale de l’empire perse : Babylone. J’ai eu la chance de le visiter il y a quelques années lors d’un séjour estival chez Johanna, c’est un musée exceptionnel (avis à ceux qui voyagent, en train évidemment, dans les capitales européennes et qui ont réussi à éviter Berlin jusqu’ici… Et pourtant JC parle parfaitement allemand !).

Lorsque nous partons, des étoiles plein les yeux, nous croisons un hôtel de “touring” sur la route principale, dans cette fameuse forêt de pins plantée en 1978 à l’occasion d’une célébration des 2500 ans du royaume de perse, soit avant la révolution islamique. Nous négocions un prix très avantageux pour pouvoir planter notre tente, et on passe une soirée à se croire dans les landes 🙂

Pour éviter l’autoroute en direction de Shiraz, nous empruntons un itinéraire plus long mais plus calme. Aussi, ça monte, alors que l’autoroute ne fait que descendre. Et oui, c’est la dure loi du vélo ! Au moment de nous reposer après le déjeuner, nous constatons que 40km seulement nous séparent encore de Shiraz, et nous décidons d’essayer d’y arriver le jour même. Notre hôte warmshowers est adorable et très flexible, ça ne pose aucun problème que nous arrivions un jour plus tôt ! Nous prenons donc notre courage à quatre pieds pour 40km, 300m de montée, puis une longue descente vers la ville.
Notre hôte WS habite en plein centre de Shiraz, il travaille dans le tourisme et aimerait bien transformer la maison où il loge en guest house. Malheureusement pour racheter le bâtiment aux propriétaires il faut un peu d’argent, et ses potentiels associés sont devenus frileux lorsque les Etats Unis ont annoncé leurs sanctions. On n’en a pas énormément parlé mais ces sanctions ont un effet catastrophique sur l’économie du pays.

En Iran le gouvernement fait ce qu’il veut, et concernant la monnaie la mesure la plus problématique est que le taux de change officiel n’a rien à voir avec le taux de change réel. Le taux officiel est, en gros, de 50 000 rials pour un euro, il est accessible uniquement aux agences gouvernementales et aux entreprises du pétrole. Pour les autres, pour s’acheter un euro il faut utiliser le marché noir, dont le taux est évidemment bien supérieur. Suite aux sanctions américaines, les investisseurs et les capitaux fuient le pays, donc la monnaie se dévalue. Pendant un temps le gouvernement achetait chaque jour des dollars, afin de compenser la perte, mais comme ça ne peut pas durer éternellement, ça ne suffit pas à équilibrer ce genre de situation. Alors on vous rassure, c’est partout pareil, ceux qui paient l’addition c’est évidemment tout le monde sauf les plus aisés. En effet, tous les produits d’import coûtent aujourd’hui entre 2 et 3 fois plus cher qu’il y a quelques mois, donc beaucoup de choses deviennent inaccessibles au plus modestes (imaginez diviser votre pouvoir d’achat par 3 en 5 mois, sur tout ce qui ne vient pas de France, c’est effrayant). Mais pour une personne riche capable de corrompre les bonnes personnes, on peut par exemple importer des véhicules neufs en utilisant le taux officiel, et les revendre immédiatement… au taux normal, celui qui s’applique normalement aux véhicules, ce qui augmente la marge de près de 100%. Le gouvernement a essayé récemment de s’attaquer au marché noir en créant un nouveau Forex ouvert plus largement aux entreprises hors pétrole, avec un taux indexé sur l’offre et la demande. Cela a créé un petit chaos chez les bureau de change pendant quelques jours (impossible de changer même pour des touristes), le Forex a démarré et… rien n’a changé, car les causes sont inchangées.
Pour ceux d’entre vous qui n’y connaissent rien en économie mais que cela intéresse, je recommande la lecture du livre “The bankers who broke the world“. Merci Nicolas de me l’avoir conseillé, je l’ai enfin lu, et maintenant je n’y connais toujours presque rien en économie, mais j’ai eu au moins quelques clés pour essayer de comprendre ce qu’il se passait ici.

J’espère que cette parenthèse économie ne vous a pas trop ennuyés, je reviens à nos moutons Shirazi. Nous visitons à Shiraz notre premier sanctuaire, pour les musulmans chiites les 12 imams qui ont succédé à Mahomet sont aussi sacrés, le 12ème est d’ailleurs “toujours parmi nous” et reviendra à un moment pour la rédemption de l’humanité (en compagnie de Jésus d’ailleurs). Plusieurs de ces imams sont enterrés à Médine, mais comme ils sont en terre sunnite, ils reposent dans de simples cimetières. En Iran, à Machad, se trouve le corps du 8ème imam, qui est extrêmement vénéré et le sanctuaire qui y est associé est gigantesque (voir plus bas). De nombreux sanctuaires sont situés en Irak. A Shiraz, on trouve plusieurs sanctuaires mais le principal héberge les dépouilles de deux des frères du 7ème imam (les membres de leur famille sont aussi sacrés). Les sanctuaires sont des lieux très actifs et très fréquentés. Contrairement aux mosquées qui opèrent un peu comme des musées pour les plus connues, ici l’entrée est gratuite, et un guide du ministère des affaires étrangères accompagne obligatoirement tout groupe de touriste qui souhaite visiter. Une petite collation est incluse, et en général une vidéo ou un livre d’images permettent de voir l’intérieur des sanctuaires, qu’on ne peut pas visiter. Ici, les guides faisant partie du ministère les explications étaient de bonne qualité.

Steph : Petit détail pour la gente féminine, les visites de shrine se font forcément sous chador. Tout est prévu pour les touristes, me voilà en quelques minutes recouverte d’un grand tissu blanc à fleurs bleues. J’ai la chance d’éviter le noir… Dessous, l’air ne passe plus, bloquant les merveilleux effets de l’évaporation de la transpiration. La température monte, je dois tenir le tissu et ne peux pas vraiment prendre de photos (d’ailleurs les appareils photos sont interdits contrairement aux téléphones, allez comprendre la logique). La visite dans ces conditions ne m’est pas très agréable…

Nous visitons aussi le bazar, la mosquée dite “rose”, la mosquée “Vakil” ainsi qu’un jardin hébergeant la dépouille d’un poète fameux : Hafez. La culture iranienne est très portée sur la poésie, bien plus qu’en France. Par exemple, il n’est pas rare de trouver des vers de Roumi ou d’un autre poète connu dans les profils des réseaux sociaux des iraniens.

J’espère que vous excuserez la longueur de cet article (Anne Laure celui la il en vaut trois !) et je complète notre séjour à Shiraz par son volet social. Notre hôte s’appelle Peyman et c’est une personne vraiment passionnée par son pays. Il emmène de nombreux groupes et il connaît les endroits les plus beaux et les plus authentiques. Ce talent a été reconnu par un couple d’autrichiens dont nous faisons la rencontre et qu’il héberge aussi. Eux aussi sont amoureux de l’Iran, et y viennent toutes leurs vacances. Après avoir publié un livre de photos, ils se lancent dans l’écriture d’un guide de voyage. C’est pour cette raison que les contacts et les connaissances de Peyman leur sont précieuses ! La quantité de travail que représente l’écriture et la publication d’un ouvrage de ce genre est faramineuse. Et ça ne rapporte pas beaucoup, ils ont un métier à côté et font cela par passion.

Nous apprenons par téléphone que notre visa turkmène a été accepté (on a décidément beaucoup de chance !), ce qui veut dire que nous pouvons nous rendre vers notre dernière étape en Iran : Machad. C’est la deuxième ville du pays, et elle est diamétralement opposée à Shiraz. C’est une ville très importante car c’est un lieu de pèlerinage pour les musulmans chiites, en effet il s’y trouve le sanctuaire du 8ème imam. Le nombre de pèlerins est estimé entre 10 et 15M chaque année !!

Pour traverser cette diagonale du vide iranienne, deux choix s’offrent à nous : le train et le bus. Il existe un train de luxe nommé “fadak” qui relie les deux villes les plus saintes d’Iran, Qom et Machad. Il est très difficile de réserver en ligne et sur internet il est recommandé de s’adresser à une agence. C’est ce que nous faisons, et nous apprenons que les trains pour Machad sont totalement pleins, et ce, pour deux semaines ! Nous nous rabattons sur le bus. Le lendemain, départ à 15h après un nouvel accrochage concernant le prix à payer pour pouvoir embarquer le vélo… Stéphanie obtient de payer “seulement” le prix de deux vélos, et non la somme exorbitante que le chauffeur espérait nous extorquer. C’est parti pour près de 1400km et… 18h de voyage ! Derrière nous se trouvait un couple avec deux enfants, l’un de 10 mois et l’autre de 3 ans environ. Ça fait relativiser les trajets en TGV non ??

Pour une fois le réseau warmshowers ne nous a pas permis de trouver un hébergement avant d’être arrivés, nous prenons donc contact avec quelques personnes supplémentaires durant la fin de notre trajet. En particulier nous écrivons aux personnes qui ont un numéro et qui sont sur whatsapp.
Histoire de ne pas débarquer complètement et parce qu’on pense être très fatigués après une nuit dans le bus on pense d’abord aller à l’hôtel, puis nous espérons trouver via WS pour les jours suivants.
Finalement plusieurs personnes proposent de nous héberger (quelle réactivité pour un matin !), et nous gardons contact avec Vahid. Dans notre demande de contact nous avons évoqué notre envie de faire de la randonnée pour ces prochains jours, et le hasard fait que justement Vahid fait partie d’un club de rando et que leur sortie annuelle a lieu le lendemain !
Nous sommes assez en forme et la famille de Vahid accepte de nous héberger, nous traversons donc la ville puis nous patientons dans un parc public le temps que Vahid puisse quitter son bureau. Nous le retrouvons ensuite chez lui et l’accueil qui nous est réservé est absolument incroyable. Son père est pour le moment absent car il est volontaire au sanctuaire de la ville (on va en reparler). Sa mère est une personne adorable et surtout très drôle !

Nous partons faire quelques courses pour emmener pendant la randonnée. Les courses en Iran c’est assez amusant, il y a des petites épiceries avec un peu de tout, mais sinon les magasins sont plutôt spécialisés. Dans ce quartier au bout de la rue il y a des oiseaux et des poissons de compagnie, mais de ce côté se trouvent des presses qui fabriquent un jus de raisin acide. On n’en achète pas heureusement, mais on aura le plaisir (…) de goûter une autre des spécialités vendues par le magasin, un distillat de 40 fleurs. C’est très fort (“very healthy!”).

Le lendemain matin, rendez-vous 9h à la sortie de la ville pour grimper dans un bus loué pour l’occasion. C’est une superbe expérience qui nous attend, le groupe d’iraniens est extrêmement joyeux et le cadre permet de totalement se laisser aller. Vous allez pouvoir le voir sur la vidéo concoctée par Stéphanie et sur les photos, mais les hommes chantent et dansent bien plus que les femmes ici ! C’est très touchant et très triste de voir qu’il faut aller s’isoler aussi loin pour retrouver la liberté perdue… La fréquentation du lieu en témoigne aussi, le vendredi c’est un flot continu de personnes qui traversent la vallée !

 

 

Notre relation avec Vahid est extrêmement amicale, beaucoup de personnes sont très gentilles avec nous et il est souvent facile d’avoir quelques affinités avec les hôtes warmshowers, mais dans le cas de Vahid cela atteint un autre niveau. Nous nous sommes véritablement fait un ami durant ces quelques jours !

A notre retour du week end de randonnée, nous assistons à l’éclipse totale de lune ! Personnellement je n’en avais jamais vue une en entier avec des conditions climatiques aussi idéales (petite pensée aux parisiens qui n’ont rien pu voir :/).

Le lendemain nous visitons le sanctuaire, les appareils photos sont interdits, mais voici quelques photos prises avec mon téléphone.

Stéphanie : Mashhad est une ville sacrée en Iran, le shrine est le plus important du pays. La visite en tant que femme est elle aussi marquée par la religiosité et est une expérience à part… Cette fois, le chador que l’on m’offre (oui, oui, j’ai du le garder en partant) n’est pas un simple tissu mais une espèce de combi avec un trou pour la tête et deux pour les mains. Malgré l’élastique, il a tendance à glisser vers l’arrière ce qui peut révéler une mèche de cheveux. Je m’en rends vite compte : des femmes me fusillent du regard ou me font signe de remettre ce voile (la guide m’a aussi “recoiffée”). Comme l'”habit” est totalement fermé, il n’y a aucun courant d’air qui peut passer. J’ai chaud, je galère, des personnes marchent sur le tissu ce qui me tire violemment la tête, je me sens véritablement emprisonnée… Autant dire que je n’ai pas du tout réussi à profiter de la visite…

Voir autant de personnes se réunir pour la religion me questionne beaucoup… Pourquoi arrive-t-on à cela et n’arrive-t-on pas à déplacer une infime proportion de ces personnes pour des sujets comme les droits de l’homme ou l’écologie (alors qu’on court littéralement à notre perte…). Cela entre en écho avec le livre que je viens de lire (que je vous recommande !), le syndrome de l’autruche. Son auteur, Georges Marshall, essaie de comprendre les raisons qui mènent à ce que nos sociétés nient la réalité du réchauffement climatique, ses conséquences dramatiques, ainsi que ses causes et les moyens d’actions potentiels (changer drastiquement de modèles de sociétés notamment et sortir de la consommation et de la croissance). Il s’intéresse notamment aux forces des récits et note la force des religions, dont on devrait, en tant qu’écolos, s’inspirer pour “convertir” plus de personnes à la réalité des changements en cours.

Avec tout ça, je ressors de cette visite bien pensive et pas très joyeuse…

Pour nos derniers jours à Machad nous faisons la rencontre d’un autre couple de français à vélo, Mathieu et Sonia. Ils sont hébergés par un autre hôte warmshowers… qui n’est autre que le cousin de Vahid !! Et oui c’est une grande famille de sportifs !

Nous passons ainsi 3 soirées ensemble, ainsi qu’une journée dans le petit village de Khang, très particulier avec ses maisons empilées le long de la pente.

C’est très sympa parce que les deux cousins se connaissent bien (ils randonnent et ils ont voyagé à vélo ensemble), et ça fait une excuse aux deux famille pour se voir ! Nous profitons de notre habitude de cuisiner pour nos hôtes pour improviser une soirée française, pour laquelle nous cuisinons ratatouille et tarte au citron meringuée !

L’oncle de Vahid propose aussi à Sonia et Matthieu de participer à une soirée pour expliquer le voyage à vélo dans son club de spéléologie, nous nous joignons à eux pour montrer quelques vidéos. L’assistance n’est pas forcément très à l’aise en anglais… Le format vidéo sans parole se prête donc bien à l’exercice !

Notre séjour à Machad a vraiment été exceptionnel. C’est une expérience unique de pouvoir se plonger dans la vraie vie des gens ici, de découvrir les membres d’une famille adorable, de connaître les activités des jeunes et une ambiance de fête, de découvrir des endroits particuliers dans lesquels nous ne serions pas allés sinon, et enfin de rencontrer une personne que nous espérons revoir et qui restera un ami 🙂

Le lendemain, nous prenons le train pour nous approcher de la frontière Turkmène, direction la ville de Sarakhs !

 

Steph : et pour finir avec l’Iran, florilège en vrac de petites anecdotes que nous n’avons pas réussi à glisser dans nos articles (parce que ça ne se voit peut être pas, mais on y travaille à ces récits ! 😉 ) :

Les iraniens sont fans de… Lara Fabian ! On a eu le “bonheur” de l’entendre nous hurler “Je t’aiiiiiiiime” à plusieurs reprises.

Pour boire le thé, on ne met pas le sucre dans la tasse mais directement dans la bouche ! Il fond au fur et à mesure que l’on boit. Il existe aussi une version gourmande du thé sucré ou ce sont de gros cristaux de sucre qui sont eux mis dans la tasse (nabat).

A Mashhad, on a vu des vélos en libre service. A défaut de système électronique, il y a quelqu’un pour enregistrer la location de vélo. Ils sont par contre interdits aux femmes… 🙁

Les musulmans n’ont pas le droit de visiter les églises (ça nous a beaucoup choqués !). Modif du 12/08 : C’est ce que nous avaient dit nos hôtes à Téhéran mais Vahid nous a précisé que c’est en fait plus nuancé que ça, ça dépend des églises.

Les iranien.ne.s sont les pros des selfies et sont tous sur instagram (il faut dire que facebook et twitter sont bloqués).

Quasi toutes les voitures sont blanches et nombreuses d’entre elles sont Renault et Peugeot (ce qui a alimenté de nombreuses conversations).

Il est courant que les tables et les sièges (restaus, voitures…) soient couverts de plastiques. Au delà de la protection, on n’a pas trop compris l’intérêt…

Pour certains couples, une fois mariés, il devient difficile/bizarre de revoir ses anciens amis “célibataires” (!).

On a donné notre numéro iranien à de nombreuses personnes qui voulaient nous donner. Le téléphone de Claude s’est retrouvé inondé de messages d'”amis” à qui nous n’avions parlé que quelques secondes.

Chez les particuliers, il est courant d’avoir les 2 types de toilettes : “western” et traditionnelles (à la turque pour nous). A notre plus grande surprise, les toilettes traditionnelles semblent privilégiées par certains ! Dès qu’on est dans les villages, il n’y a plus que des toilettes “traditionnelles”, on s’est demandé comment faisaient les personnes âgées (bien que de manière générale, elles gardent une mobilité impressionnante, les marches sont partout et bien plus grandes qu’en France !), voici la réponse :

Ca y est, cette fois, ce dernier article sur l’Iran est vraiment fini. On repart vraiment avec un énorme coup de cœur pour ce pays (même si pour moi l’aspect non-égalité femme/homme m’a vraiment pesé… mais je ne doute pas que la situation va s’améliorer ! De nombreuses personnes que l’on a croisées le souhaitent en tout cas). Merci à tou.te.s les iranien.ne.s pour leur générosité et leur hospitalité !! C’était juste incroyable ! Nous n’oublierons jamais comment nous avons été accueillis, on espère avoir l’occasion de rendre la pareille à notre retour, et surtout, je pense (du moins je l’espère !) que nous sommes définitivement transformés. Mamnoun, tessekuler,sepas, merci !